À Boulogne, j’ai montré les fruits pourris de l’indifférence du PS pour l’économie de la mer. Savez-vous que le gouvernement français est en train de gaspiller une enveloppe d’un demi-milliard d’euros ? Il s’agit du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP. Il est négocié tous les six ans au niveau européen. La France a droit à 588 millions d’euros pour la période 2014-2020. Mais pour les toucher, il faut présenter un « programme opérationnel » détaillant les projets à financer. Or, faute de volonté politique et faute d’une petite équipe administrative dédiée, la France a été incapable de proposer et de faire valider ce « programme opérationnel » à la Commission européenne avant la toute fin 2015.
Bilan ? À mi-parcours, aucun projet n’a été financé : autant de projets retardés et autant d’argent non consommé. Or, la Commission, comme toute collectivité publique, fait un bilan à mi-parcours. Et les fonds non consommés sont rabotés, perdus. Pourtant il y avait tant à faire avec cet argent : développer une aquaculture écologique, financer le renouvellement des moteurs ou de la flotte de pêche pour consommer moins de carburant et améliorer la sécurité et le confort des marins, etc. Quel gâchis !
Boulogne est une parfaite victime de l’absence de politique maritime dans notre pays. Le maire de la ville lui-même en a fait l’expérience personnelle. Il a été ministre délégué aux Transports, à la Mer et à la Pêche après l’élection de François Hollande en 2012. Puis il a été rétrogradé au rang de secrétaire d’État à l’arrivée de Manuel Valls à Matignon en avril 2014. Et il a fini par jeter l’éponge quelques mois plus tard en démissionnant.
C’est qu’en France, il n’y a aucune stratégie nationale pour la mer. Le président s’en moque, le Premier ministre s’en fiche et la ministre Mme Royal s’en désintéresse au point de manquer le comité interministériel sur le sujet. Il n’y a pas non plus de direction générale de la Mer pour piloter une administration et une politique intégrées. La mer est donc éclatée entre différentes directions selon qu’il s’agit d’énergie, de littoral, de pêche ou de transports.
Pourtant, tout est lié ! Impossible de penser le développement des énergies marines renouvelables sans penser aux installations industrielles sur le littoral, aux navires de services et aux installations portuaires nécessaires, ou à la convergence à trouver avec les pêcheurs pour régler les conflits d’usages au large ! Sans oublier la régionalisation à marche forcée qui revient à diluer toute ambition en l’absence de cadrage national.
Le gâchis est un mot que Boulogne connait bien à propos de la mer. Depuis des années, un projet de parc d’éoliennes en mer au large de la ville était sur les rails. La mairie, l’entreprise et les autres acteurs avançaient ensemble et se préparaient à faire l’objet du troisième appel d’offres de l’État pour l’éolien off-shore en France. Puis, patatras ! En avril dernier, la ministre Mme Royal a annoncé que l’appel d’offre concernerait finalement une zone au large de Dunkerque et non de Boulogne-sur-Mer. Des années de travail et des sommes d’argent significatives jetées à la mer, un projet bien avancé écarté au profit d’une zone où rien n’est prêt.
Ainsi vont les énergies marines en France. C’est un gâchis total. Aucun plan national d’implantation n’est prévu permettant aux industriels et aux services de l’État de travailler sur des zones prédéfinies pour concentrer leurs efforts de recherches et d’études. En conséquence de cette absence de l’État, les coûts et les délais sont plus important qu’ailleurs. Bilan ? Aucune éolienne en mer n’est posée à cette heure dans les eaux françaises alors que onze pays européens l’ont déjà fait !
Toute stratégie industrielle a aussi été abandonnée dans ce secteur. Les deux grandes entreprises françaises ont été vendues : Alstom Énergies Marines à General Electric en 2014, et ces dernières semaines Adwen, filiale d’Areva, à l’Allemand Siemens. En 2009, le Grenelle de l’environnement avait fixé l’objectif de 6 gigawatts d’éolien off-shore installés en 2020. Mais dans les faits, le bilan commun de Sarkozy et Hollande est le suivant : on ne devrait à peine atteindre 3,5 gigawatts en 2025 même en incluant le projet de Dunkerque !