La semaine passée, le Dal organisait une action de terrain en direction de « La République en Marche ». Visiblement l’ambiance était excédée. Il y a de quoi. Se loger, garder son logement reste le casse-tête numéro un des familles. La crise du logement est le mal le plus sournois dont souffre notre société. Et parfois avec une cruauté totale. Car le logement c’est d’abord le problème de ceux qui n’en ont pas. Qui sont à la rue ! Ne l’oublions pas car le phénomène n’est pas résiduel. Une réalité si dérangeante que certains préfèrent ne pas la connaître ni en entendre parler. Ni savoir comment la situation évolue. Car la dernière fois que des statistiques paraissaient à ce sujet ce fut en 2012. Il y a cinq ans ! Le tableau n’était pas brillant. Le pays comptait 143 000 personnes sans domicile fixe. Ce chiffre était en augmentation de 50% par rapport à 2001. On voit quelle dynamique négative est à l’œuvre. On devine ce que doit être la situation présente. Et puisqu’il faut regarder en face ces réalités désagréables, allons jusqu’au bout. On meurt beaucoup dans la rue, abandonné, malade, oublié de tous ! Le nombre de décès de personnes sans toit, mortes dans la rue, n’est pas documenté non plus. Le collectif des morts de la rue, qui recense les cas à partir des articles de presse, des signalements de proches, avait compté 501 morts en 2016. Mais l’institut de veille sanitaire, combinant plusieurs sources de données pour les années 2008, 2009 et 2010 estime que le chiffre réel est plus proche de 2000 morts chaque année.
Après les abandonnés purement et simplement vient une catégorie guère moins douloureuse. Celle par exemple des personnes qui sont hébergées de façon contrainte chez un tiers, faute de mieux. Elles sont 500 000. Puis vient la liste des carences vitales. 11 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique et un ménage sur cinq déclare souffrir du froid dans son logement. Pas besoin d’être un grand sociologue pour deviner que des conditions d’habitat indignes ont des conséquences sur la santé, sur la réussite scolaire des enfants et ainsi de suite.
Le logement est aussi une charge financière considérable pour la plupart des budgets familiaux. Dans les grandes villes, la flambée a parfois atteint 60% sur la dernière décennie. Résultat : les locataires du secteur privé dépensent un tiers de leur revenu en moyenne pour payer le loyer et les charges. Pour le dixième le plus pauvre de la population, c’est même plus de la moitié du revenu qui y passe. La rareté du logement disponible est si inexplicable qu’elle semble volontairement provoquée pour favoriser l’inflation des loyers. Dans ces conditions, la liste d’attente pour l’attribution d’un HLM s’allonge. 1,8 millions de familles attendent actuellement l’attribution d’un logement. Les pouvoirs successifs n’en ont eu cure.
Une première décision du gouvernement en matière de politique du logement a été de baisser le montant de l’APL mensuelle de 5 euros pour l’ensemble de 7 millions d’allocataires. On parle à présent de 50 euros. On sait qui va trinquer. Et on doit le crier haut et fort : la moitié des allocataires de cette aide vit en dessous du seuil de pauvreté ! Et 75% d’entre eux appartiennent au tiers le plus pauvre de la population. Le gouvernement Macron frappe les pauvres à coups redoublé. Et cela au moment même où il offre aux riches 7 milliards de cadeaux fiscaux !
La justification du gouvernement pour frapper les pauvres est à pleurer. Premièrement, il s’agirait d’une nécessité que de limiter les dépenses publiques en matière de logement qui seraient « hors de contrôle ». En vérité, prises en comparaison de la richesse produite par le pays, ces dépenses n’ont guère augmenté depuis les années 1980. Deuxièmement, les APL auraient pour effet d’alimenter la hausse des loyers. En effet les propriétaires sachant leurs locataires « aidés » augmenteraient les loyers d’autant pour bénéficier de l’aide à leur place. Ce qui justifierait de les baisser. Cet effet inflationniste des APL est un sujet discuté par les chercheurs. On peut admettre qu’il existe même si on ne sait pas dans quelles proportions. Par contre, il y a un fait bien établi : une baisse des aides au logement n’a pas d’effet pour faire baisser les loyers. Le Royaume-Uni a par exemple, depuis 2010 expérimenté des coupes dans les aides au logement sans que les loyers n’y baissent. Par contre on y observe une explosion du nombre d’enfants sans-abris : 40 000 en plus depuis.
Ces derniers jours, on apprend dans la presse que le gouvernement souhaite continuer à couper les dépenses d’aide au logement. Cette fois, il s’agit de faire baisser les APL dans les HLM et d’obliger les organismes de logements sociaux à baisser leurs loyers d’autant. Or, s’il est un secteur dans lequel il est certain que les APL n’ont pas d’effet inflationniste, c’est celui du logement social. En effet, les loyers y sont totalement administrés par l’État. Dans les HLM, les APL peuvent être considérées comme une dépense efficace puisqu’elles profitent à 100% aux locataires. Le gouvernement explique que ces coupes n’auront aucun effet sur les locataires puisque leur loyer baissera à proportion de la baisse de l’aide. Pourtant, elles risquent bien de mettre en difficulté financière les organismes HLM et, par conséquent affecter les conditions de vie des locataires et aggraver la crise du logement. Le modèle économique des HLM est fondé à 80% sur des emprunts contractés auprès de la Caisse des dépôts, à 10% sur les subventions publiques et à 10% sur l’autofinancement des organismes. Les loyers des organismes sont ensuite calculés de façon à pouvoir rembourser les emprunts contractés auprès de la Caisse des dépôts et assurer l’entretien courant du parc de logements. Quant à la capacité d’emprunt des organismes, elle est bien sûr basée sur le niveau des loyers des futurs logements. Ainsi, en baissant les loyers des HLM, le gouvernement va à la fois dégrader la qualité des logements sociaux que les organismes ne seront plus dans la capacité financière d’entretenir et réduire encore le nombre de logements sociaux neufs construits.
140 millions d’euros de subventions de l’État ont déjà été retirés pendant l’été. La conséquence sera donc double : des logements sociaux mal-entretenus, de mauvaise qualité et une aggravation de la crise du logement. Pour combler les trous dans leur trésorerie, les organismes HLM seront incités à vendre leurs logements. Couper dans les finances des logements sociaux et les inciter à vendre, c’est exactement la politique du logement mise en œuvre par Margaret Thatcher dans le Royaume-Uni des années 1980. Ses conséquences sont observables aujourd’hui Outre-Manche : une crise du logement sans précédent en Angleterre et une paupérisation extrême des quartiers de logements sociaux. Il reste à dire que cette opération pourrait s’avérer dangereuse financièrement pour les collectivités locales : ce sont elles qui garantissent en effet la grande majorité des 140 milliards d’euros de dettes du logement social.
Face à cela, le gouvernement présente le gel du taux rémunérateur du livret A à 0,75% comme une mesure compensatoire pour les HLM. Il est vrai que le prix du crédit pour eux dépend du livret A qui finance les prêts de la Caisse des dépôts. Mais ce gel ne fera gagner qu’une petite fraction de ce qu’ils perdront puisqu’on parle de 1,5 à 2 milliards en moins pour les HLM. Par contre il est certain que ce gel est un véritable impôt sur l’épargne populaire des livrets A. En effet, un taux rémunérateur de 0,75% est inférieur au niveau de l’évolution générale des prix. Les prix augmenteront donc plus rapidement que les livrets. Avec une inflation à 1%, ce qui est une hypothèse plutôt basse, c’est comme si chaque livret A se faisait ponctionner de 11 euros par an. Et pendant ce temps, la suppression de l’impôt sur les avoirs financiers dans l’impôt sur la fortune et l’impôt désormais forfaitaire à 30% sur les revenus financiers vont rapporter 7 milliards aux riches et très riches.