27.09.2020

La Covid sous la loupe de Marseille

La révolte marseillaise contre les nouvelles consignes sanitaires du gouvernement doit faire réfléchir. Nous avons encore de nombreux mois d’épidémie chronique devant nous. Par conséquent, sachons bien qu’il n’y a pas de discipline sanitaire possible sans consentement de la population. En démocratie, d’une manière générale, aucune autorité ne peut espérer être obéie sans légitimation de ses ordres. Ce consentement à l’autorité est précieux. Mais il est toujours fragile et délicat pour un peuple tumultueux comme le nôtre. Il doit donc être sans cesse reconquis. Gouverner est aussi une affaire de doigté. La bonne décision est celle qui est argumentée, justifiée par des raisons claires, et soutenue par une conduite cohérente des décideurs. A Marseille le point d’entrée fut trop brutal pour ne pas être suspect aux yeux de tous. Pourquoi tout fermer du jour au lendemain, sans délai d’alerte ? Où sont les chiffres qui rendent la décision compréhensible ? Et si c’est pour répondre à une tendance en évolution qui s’observait depuis plus d’une semaine, pourquoi n’avoir rien préparé ? Comment comprendre le caractère radical des mesures prises pour la fermeture des bars, restaurants, établissements de nuit, salle de sport si tout autour on ne pratique pas la même rigueur ? Pourquoi les restaurants mais ni le métro ni le bus ? Pourquoi les bars mais ni la fac ni les cantines ? Pourquoi Marseille mais pas Lyon ou Paris ? Et ainsi de suite. Du coup, les rectifications ultérieures ont aggravé le malaise. Si c’était une affaire de vie ou de mort, pourquoi allonger les délais de mise en application ? Que veulent dire ces horaires de fermeture ? La covid a ses heures ? Que veulent dire ces limites d’âge : jusqu’à neuf ans la covid n’est pas active ?

Chacune des personnes impactées par les décisions interroge leur bien fondé. C’est normal. C’est sain. Peut-être est-ce le moment pour le sommet de l’Etat de comprendre ce que le mot « gouverner » veut dire. Il lui faut sortir une bonne fois de l’illusion selon laquelle la France serait une « start-up nation ». Un grand peuple de plus de 67 millions de personnes éduquées ne se manie pas comme un petit commando de jeunes gens survoltés par un objectif commun. Pour gouverner, il ne suffit pas de prendre la bonne décision. Il faut se demander que faire pour la voir appliquer. Surtout quand il s’agit de disciplines nouvelles à faire accepter par des millions de gens pour des milliards d’actes quotidiens.

Le danger que nous fait courir cette façon de gouverner à la hussarde est profond. Il ne se limite pas aux conséquences économiques de ses décisions. Ni même aux risques sanitaires de la désobéissance passive qui peut se répandre contre des ordres inacceptés. Non, le pire à mes yeux est la dégradation de l’esprit public quand plus rien n’est cru venant d’une bouche officielle. Car la construction d’un esprit de solidarité sanitaire est la responsabilité de l’Etat. Chacun sait que lui seul a une vue et une autorité complète sur tout le territoire. Il est donc réputé seul à savoir où on en est et que faire d’utile. Si sa parole est mise en doute, chacun est alors incité à déserter le champ de la solidarité, parce qu’il n’est plus perçu comme fiable. Chacun est incité au chacun pour soi. C’est-à-dire au contraire de ce qui est nécessaire, en toute hypothèse. C’est ce point qui a été atteint à Marseille. Là, bien peu nombreux sont ceux qui croient à la parole officielle. Mais c’est aussi le cas dans bien des départements et notamment dans les outre-mer. Là, d’aucuns ont cru que l’éloignement et la tradition de respect des consignes permettait toutes les brutalités. Il n’en est rien. Les aberrations n’y ont été que plus cruellement ressenties.

La crise sanitaire fonctionne comme une séquence dense d’éducation collective. La société et les individus sont poussés dans leurs retranchements. L’obligation d’assumer des règles de vie communes est interpellée. En définitive, la population va se remodeler par ses affects si violemment convoqués par la peur de la mort, la crainte des punitions brandies à tout bout de champ et les solidarités construites en souterrain. L’esprit public n’est pas mis entre parenthèse. A l’inverse, il cherche un centre de gravité, une nouvelle cohérence. En principe le caractère fondamentalement politisant de l’élection présidentielle devrait en être une séquence fondatrice. Mais l’addition des peurs, si bien cultivées, en ce moment rend le point de sortie de crise imprévisible. D’où l’urgence de construire l’idée qu’il y a des causes communes et un intérêt général humain qui doivent nous rassembler. Sinon comment faire face aux autres crises écologiques et sociales qui s’engagent ?

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