Vendredi 11 mars : cinquième anniversaire de la catastrophe à la centrale nucléaire de Fukushima au Japon. J’ai participé au rassemblement place de la République à Paris. Bon ce n’était pas la foule. Dommage. Aucun responsable socialiste, aucun responsable communiste, Cormand, Cochet, Loewy pour EELV. Pour le PG : Danielle Simonnet, Eric Coquerel, Sarah Legrain, et Martine Billard, « notamment » comme on dit pour interrompre une liste de dirigeants de premier plan qui, sans cela, pourrait être plus longue. Pour le côté droite c’est encore plus simple : personne ! Quand même ! Mais peut être l’affaire avait-elle été mal préparée ?
En tous cas cela montre qu’il y a une certaine désinvolture sur le sujet dans les états-majors politiques et dans les médias. Le gouvernement doit se frotter les mains. Son obstination nucléariste reste impunie. En dépit du terrible accident, en dépit des protestations des pays voisins de nos centrales, rien n’y fait. Les centrales seront prolongées au delà de la limite des limites déjà dépassées dans le passé. Ségolène Royal l’a annoncé. C’est à son nom qu’il faudra associer les conséquences de cette décision dans le futur. Quel pays que le nôtre ! Ne devrait-on pas y être plus vigilant qu’ailleurs ? Car si Tchernobyl est à 698,29 kilomètres de Moscou et Fukushima à 240 kilomètres de Tokyo, notre centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine est à 93,44 kilomètres de Paris. Notre capitale est la seule au monde nantie d’une centrale nucléaire en amont du fleuve qui alimente sa population.
Bref, on aurait pu espérer qu’après Fukushima, la sortie du nucléaire soit mise à l’ordre du jour des débats en France. C’est tout l’inverse ! La caste qui dirige notre pays persévère dans l’impasse du nucléaire. Pourtant, la commémoration de la catastrophe nucléaire survenue à Fukushima le 11 mars 2011 devrait rappeler à tous qu’une centrale nucléaire fait peser en permanence un danger par nature incontrôlable. La zone frappée est contaminée pour des milliers d’années. Le gouvernement japonais a été obligé de reconnaître une très forte augmentation du nombre de cancers chez les enfants vivant dans la zone de l’accident. La société exploitante a reconnu que des milliers d’ouvriers et sous-traitants avaient été exposés à des seuils de radioactivité bien supérieurs au seuil considéré comme cancérigène. La justice japonaise a dû demander l’arrêt d’une autre centrale déjà relancée avec empressement par le gouvernement japonais, alors que « il reste des interrogations sur les mesures de protection vis-à-vis d’un tsunami »…
Et en France, n’y a-t-il pas des interrogations sur les problèmes que pose à notre sécurité de nombreuses centrales ? Par exemple, celle du Blayais située sur l’estuaire de la Gironde à 50 km au nord de Bordeaux et qui a déjà failli être inondée lors de la tempête de 1999 ? Ou celle de Gravelines, la plus puissante d’Europe, construite sur le rivage de la mer du Nord et au-dessous du niveau de la mer ? Sans parler de celles situées sur des failles sismiques ou au cœur de la vallée du Rhône où se concentre une grande partie de l’industrie chimique française !
En toute hypothèse, le nucléaire ne pose pas un problème écologique seulement en cas de catastrophe. Son fonctionnement quotidien est une impasse environnementale. Pourquoi ? Parce que nous ne savons pas traiter les déchets radioactifs, qui résultent de son activité, pour les rendre inoffensifs. C’est pourquoi le gouvernement pousse pour construire à Bure, en Haute-Marne, un centre d’enfouissement de ces déchets radioactifs. Il veut enfouir les déchets faute de savoir leur ôter le caractère radioactifs, un peu comme une autruche s’enfouit la tête dans le sol pour éviter d’affronter la réalité en face.
Ce n’est pas le seul exemple de cet exercice du déni de réalité. La même situation prévaut avec l’idée selon laquelle le nucléaire garantirait l’indépendance énergétique de la France. Chacun voit bien, avec les expéditions militaires en Afrique ou l’exploitation des mines au Niger, que la sécurité de l’approvisionnement de la filière nucléaire française en uranium n’est absolument pas garantie par le territoire national. Jusqu’à nous couvrir de honte quand François Hollande est obligé de se déguiser avec une chapka sur la tête au Kazakhstan, désormais notre premier fournisseur d’uranium !
Enfin, le nucléaire pose désormais au grand jour des problèmes supplémentaires très violent. J’ai bon espoir que ces nouveaux enjeux élargissent encore le champ des partisans de la sortie du nucléaire. Ce n’est pas tout : le nucléaire est devenu pour notre pays, et pour EDF, un problème financier et industriel majeur. Le problème financier, c’est d’abord les gigantesques coûts du renforcement de la sécurité après la catastrophe de Fukushima et dans la perspective d’un allongement de la durée de vie des centrales au-delà de 40 ans comme le veut le gouvernement. La Cour des Comptes a chiffré les besoins en investissements à 110 milliards d’euros d’ici 2033 ! Ces investissements vont évidemment renchérir le coût de la production de l’électricité nucléaire. La Cour des Comptes a déjà calculé que le coût de production de l’électricité nucléaire avait augmenté de 20% entre 2010 et 2014. Il atteignait, en 2014, 60 euros par mégawattheure.
À ce rythme, l’électricité produite par les énergies renouvelables coutera bientôt moins cher que celle produite par le nucléaire ! L’effet de ciseau sera terrible pour le nucléaire : renchérissement du coût du nucléaire d’un côté, poursuite de la baisse des coûts des énergies renouvelables de l’autre, grâce aux économies d’échelles permises par leur développement et à l’amélioration des technologies. Déjà aujourd’hui, le coût de production d’électricité par l’éolien s’établit entre 70 et 80 euros le mégawattheure. Selon Cyrille Cormier de Greenpeace, cité par Mediapart « les courbes des coûts du nucléaire et des renouvelables vont se croiser plus vite qu’on ne le pensait ». Dès lors, produire de l’électricité nucléaire sera un handicap commercial en plus d’un handicap écologique.