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18.06.2017

Kohl, l’homme qui fit chanter l’Europe – Par Bruno Odent

Cet article a été publié par Bruno Odent dans le journal L’Humanité.

L’ancien chancelier est décédé vendredi. Il avait imposé une construction de la zone euro aux conditions des konzerns, les grands groupes ouest-allemands, à l’origine des déséquilibres européens actuels. 

L’avalanche de célébrations dévotes que suscite dans les milieux les plus autorisés du continent la disparition de l’ex-chancelier Helmut Kohl, mort ce 16 juin à l’âge de 87 ans, ne doit rien au hasard. Si ce n’est le contenu des oraisons, leur enflure est à la mesure du rôle historique joué par le personnage. Voilà un homme qui aura unifié l’Allemagne et se sera propulsé illico comme le principal architecte de l’Europe telle qu’elle fonctionne. Et en particulier de ses travers les plus terribles ; ceux qui nourrissent désormais les déséquilibres la menaçant de… dislocation.

Kohl « l’Européen » aura commencé par jouer très « perso » dans la conduite de l’unification allemande. Il préféra la brutalité de l’annexion pure et simple de l’ex-RDA à la République fédérale à la convocation d’une assemblée constituante, comme le souhaitaient pourtant les manifestants qui ont fait chuter le régime socialiste autoritaire et étatiste de l’ancienne RDA en 1989.

L’union monétaire interallemande, le passage brutal au deutsche mark, permit aux Siemens, Thyssen, Bayer et autres Volkswagen de prendre presque du jour au lendemain le contrôle de toutes les richesses économiques de l’Est.

Il imposa de cofinancer l’« unification allemande » 

Mais l’usage de l’arme monétariste provoqua des destructions massives, une vague de faillites poussant dans la misère et le chômage près de la moitié de la population des « nouveaux Länder ». Kohl« l’Européen » mit ses partenaires de l’Union européenne devant le fait accompli. En vertu de la même doxa monétariste, il leur imposa de cofinancer une « unification allemande » dont le coût explosait compte tenu de l’extension rapide du chômage. La hausse brutale des taux d’intérêt au sein du système monétaire européen conduisit en effet les « partenaires » à absorber, comme les salariés et les citoyens « ordinaires » de son pays, une bonne partie du choc. Kohl « l’Européen » fit chanter l’Europe : ou bien l’Allemagne unifiée largue les amarres de l’UE, ou bien, fit-il comprendre en substance, celle-ci accepte toutes ses conditions dans la mise en oeuvre de sa future monnaie unique. Après une longue nuit de négociations à Maastricht en 1992, il l’emporta sur toute la ligne.

Soumis, le président, François Mitterrand, vendit bruyamment au public français la réussite de l’arrimage du navire allemand au projet européen alors qu’il accepta en réalité toutes les conditions d’une construction dominée par les intérêts des konzerns, les grands groupes ouest-allemands. C’est cela qui est à l’origine des funestes déséquilibres intereuropéens. C’est cela qui alimente les nationalismes alors même que coopérations et solidarités européennes sont plus nécessaires que jamais. N’est-ce pas le chantage de Kohl « l’Européen » que reprend, ce jeudi 15 juin, avec la même opiniâtreté, Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances d’Angela Merkel, en ne lâchant quasiment rien à l’Eurogroupe sur la restructuration de l’insoutenable dette grecque dont un « aménagement » a été au mieux envisagé pour… 2018. Pourtant répondre aux immenses besoins de la Grèce, mais aussi de tous ses partenaires, Allemagne bien comprise, suppose un changement complet de perspectives : un sérieux allégement du fardeau de la dette, mais aussi des investissements considérables dans les services publics, la recherche, l’environnement. Le besoin d’émanciper le projet européen du monétarisme germanique frappe à la porte. L’Europe ne pourra survivre que si elle se libère du vieux chantage de Kohl « l’Européen ».

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