Le mardi 12 décembre, s’est tenu à Paris le « One Planet Summit », un sommet climat-finance organisé à l’initiative d’Emmanuel Macron. Ce sommet était censé consacrer Macron comme le chef d’État en pointe sur les questions climatiques. Son organisation est très macronienne : il mêlait dans d’aimables bavardages des interventions, à égalité, d’acteurs étatiques, des organisations internationales et des représentants des grandes banques, compagnies d’assurance et autres multinationales. Rien n’incarne mieux l’erreur de croire que le capitalisme financiarisé peut être une partie de la solution contre le changement climatique, alors qu’il en est le principal facteur d’accélération.
Car le secteur financier mondial ne cesse de montrer combien il est un obstacle à la transition écologique. La banque HSBC a été dénoncée en janvier 2017 par l’ONG Greenpeace pour avoir participé au financement de vastes exploitations d’huile de palme en Indonésie qui sont responsables de déforestation. Ses représentants étaient invités au sommet de Macron lors d’une table ronde opportunément intitulée « verdir la finance ». La compagnie d’assurances AXA, qui a investi 848 millions de dollars dans les entreprises charbonnières depuis 2015, était également de la partie. Plus largement, on estime que le système bancaire mondial a financé l’industrie du charbon depuis 2005 à hauteur de 373 milliards d’euros. Il a investi 115 milliards de dollars dans les sables bitumineux entre 2014 et 2017. Les premières compagnies d’assurance d’Europe et des États-Unis ont actuellement 590 milliards de dollars d’investissements dans des entreprises des énergies fossiles, soit plus du triple des investissements dans le secteur des énergies renouvelables. Les ultra-riches ont une contribution plus importante que le reste de la population à la destruction de la planète. Les 1% les plus riches au niveau mondial ont une empreinte carbone 175 fois supérieure à celle des 10% les plus pauvres. Et les 88 milliardaires qui ont des intérêts financiers directs dans les énergies fossiles ont vu leur fortune augmenter de 50% depuis 2010.
En France, une étude de la Caisse des dépôts est parue très dernièrement sur les investissements pour le climat en France. Elle montre que nous sommes en dessous de ce qu’il faudrait faire. Depuis 2014, la somme des investissements réalisés contre le réchauffement climatique stagne à 30 milliards d’euros. Il s’agit ici des investissements mis dans les énergies renouvelables, dans les transports propres ou dans l’isolation thermique des bâtiments. Ces sommes sont largement insuffisantes pour tenir les objectifs fixés par la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Au lieu de 30 actuellement, c’est 60 à 70 milliards d’euros qu’il faudrait investir annuellement pour atteindre ces objectifs. Encore sont-ils insuffisants puisqu’ils ne proposent pas de sortir du nucléaire ou de passer au 100% énergies renouvelables.
Mais surtout, l’étude montre une nouvelle fois la défaillance du secteur privé pour le financement de la transition écologique. En effet, plus de la moitié des investissements pour le climat sont financés par la puissance publique, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités locales ou des entreprises publiques comme la SNCF. Cette proportion a tendance à augmenter avec les années. Les chiffres montrent donc clairement qu’on ne peut pas compter sur les investissements privés guidés par la main invisible du marché pour faire la transition écologique. L’intérêt général n’est pas une composante du fonctionnement spontané de la prétendue économie de marché. C’est pourquoi nous avons proposé ce plan d’investissements publics de 100 milliards d’euros dont 50 concentrés sur les énergies renouvelables, la rénovation thermique des logements et le développement du fret ferroviaire. Mais les bouffis de prétention du style Hollande qui nous lancent de définitifs « vous ne faites pas de propositions » ont des difficultés de lectures au-delà de cent quarante signes. Et ils roulent avec des grosses voitures. Et leurs fondations puent le pétrole, l’atome et le gaz.
Un collectif d’associations citoyennes, d’ONG a mis à profit ce sommet macronien pour organiser une manifestation. L’objectif annoncé était d’appeler à stopper le financement des projets qui contribuent au réchauffement climatique. Le mot d’ordre était « Pas un euro de plus pour les énergies du passé ». Ils avaient donné rendez-vous le 12 décembre à la place du Panthéon. Un jeudi… à 8 heures du matin… Certes, la démonstration des ONG fut réussie. Et nos déléguées sur place ont été efficaces. Mais il n’en reste pas moins clairement que le peuple n’était invité par personne à ces rendez-vous. Et c’est un problème ! Encore une fois, la séparation du syndical, de l’associatif et du politique est un gâchis formidable d’énergie et un manque à gagner de prise de conscience inouï. Il y a deux ans, la mobilisation Climat organisée par Avaz nous avait tous impressionnés par sa vigueur, sa bigarrure et son ampleur. C’était un samedi et chacun avait été appelé à s’y impliquer de toutes les façons possibles. C’est la bonne méthode pour être à la hauteur de l’enjeu. Le présent nous montre que la lutte contre le changement climatique est un rapport de force social et culturel. Ce n’est pas une affaire d’opinion mais un problème de survie commun, quelles que soient les opinions.