Humour de calendrier. Cette semaine arrive à l’Assemblée nationale la loi contre les « fake news », les fausses informations. Le régime macroniste prétend à présent dire quelle est la vérité dans l’information. Une prétention ridicule et absurde dont le seul objet est de doter le pouvoir de la liberté de désigner, selon son bon plaisir, les menteurs à qui il pourra immédiatement couper la parole. L’ironie pour nous est que cela intervient au moment où nous avons eu à souffrir d’un jaillissement exceptionnel d’attaques mensongères.
« La France insoumise » vient en effet de surmonter la semaine la plus violente qui lui aura été infligée depuis le début du nouveau régime macronien. En dix jours, nous avons subi une série ininterrompue de bashings médiatiques : un tous les deux jours, en boucle, sur tous les médias. C’est un record absolu depuis notre création où nous avions pris l’habitude d’en affronter un tous les dix ou quinze jours. Sachant qu’une attaque dure deux jours et que c’est aussi le temps qu’il faut pour organiser un argumentaire de réplique et le diffuser, on peut dire que la technique du sur-bombardement a une certaine efficacité diffamatoire. Le tout dans une ambiance de thrombose parlementaire nous mobilisant nuit et jour pendant onze jours sans pause. Le revers de cette méthode pour ses initiateurs c’est que l’opinion n’imprime pas et que l’injection des répliques peut obtenir dans la durée un bon taux de dégoût et de rejet de ceux qui nous agressent. En tous cas ce fut sévère pour nous.
D’abord la prétendue « affaire » de mon immunité parlementaire où la caste médiatique a défendu l’un de ses siens au mépris des principes dont elle se réclame. Une addition de fausses incriminations et de mensonges délibérés. Un moment assez honteux pour que le navire amiral de cette charge sans objet réel, France 2, retire des replays cette séquence. Puis le tir de barrage contre la manifestation du 26 mai et l’invention par BFM d’un conflit entre Ruffin et moi (« Ruffin fait de l’ombre à Mélenchon »), puis entre Martinez et moi par Le Monde (« Mélenchon ou Martinez, qui et le patron ? »). Puis ce fut la honte du bilan de la manif où toute la presse reprit en boucle la comparaison faite par France 2 entre les effectifs de la manif du 5 mai à Paris (mobilisation unitaire d’abord baptisée « manif à Mélenchon » avant de devenir « manif à Ruffin » pour la propagande du pouvoir) sans mentionner les chiffres des deux cents manifestations dans le pays. Ensuite, on passa tout soudain à mes comptes de campagne. Sans un seul fait fondé ou seulement en reprenant des « infos » déjà démenties en vain en décembre dernier. Dans l’intervalle, deux lois fondamentales ont été « débattues » à l’Assemblée dans l’hémicycle tandis que deux autres s’engageaient en commission et que deux autres étaient présentées en Conseil des ministres.
Répondre sur tous les fronts comme c’est le devoir dans une démocratie pour l’opposition est devenu un très rude exercice. Si on peut facilement analyser les bashing comme le mode désormais courant de fonctionnement de la sphère médiatique, en accord avec les besoins du système, on peut aussi y voir autant de diversions pour le pouvoir chaque fois qu’il aborde des passages difficiles. Naturellement, c’est épuisant pour ceux qui ont à les subir. Je crois que ça fait partie de cette pratique. Obliger sans cesse à réagir par surprise et instantanément à des attaques dont le contenu est inconnu de ceux qui sont visés (je ne sais toujours rien du « signalement » sur mon compte de campagne) est une bonne façon d’asphyxier ses adversaires. De plus, c’est flippant pour la suite comme on dit. Il paraît loin et presque bienveillant par sa bêtise le temps où la matraque médiatique s’appelait essentiellement Cuba et Venezuela. Ils font mieux dorénavant. Et depuis les avatars espagnols, nous savons qu’il n’y a plus aucune limite à la malveillance destructrice des médias.
En Espagne, la presse a publié les échographies de Irene Montero, la compagne de Pablo Iglesias et leader du groupe parlementaire de Podemos. En Amérique latine, en Colombie comme au Mexique où nos candidats sont en très bonne posture, le ventilateur à boue crache sans relâche. Pour ce qui nous concerne en France, il est cependant réconfortant de voir que là où il y a quelques mois un bashing déclenchait une gêne parmi nos réseaux, c’est le contraire qui se produit dorénavant. La contre-attaque de nos réseaux spontanés démarre sitôt le déclenchement médiatique. Et les témoignages de la périphérie indignée suivent très vite. Je sens que nous nous rapprochons du moment où l’inversion des signes se produit dans ce type de situation. Le public, plus informé et vacciné que ne le croient les manipulateurs, sent qu’on veut le mener par le nez et n’aime jamais ça. Pour ce qui me concerne, ces grossiers jets de venin interviennent au moment où les sondages me donnent les côtes les plus positives jamais mesurées à mon sujet, dans l’opinion en général et dans la gauche en particulier. Je pourrais y voir la volonté de me rembarrer. Mais je crois que la vérité est plus simple.
Pour les médias du pouvoir, le sujet principal est de rester en accord avec leur ligne éditoriale acquise au régime et joyeux des violences sociales de Macron qui sont pour eux la divine surprise du moment. Et pour cela, les diversions lui sont commodes pour éviter une trop grande visibilité du résultat des enquêtes portant sur l’appréciation du régime et son chef. Car dans le concert apologétique de médias, cela ferait tâche. Il faut pouvoir continuer à annoncer comme le fait Le Monde : « Macron fort de son bilan », le jour même où le propre sondage de ce journal donne le président à 55% d’opinions défavorables, l’estime « injuste » et « trop favorable aux riches ». Ces appréciations marquent le succès de nos campagnes de communication. Un succès qui s’ajoute aux autres : un an après son élection, le champignon Jupiter est dans les choux dans les principales catégories sociales du pays et plus que tout dans la jeunesse. Dans le combat qui compte en démocratie c’est à dire dans l’opinion, nous avons le point contre lui.
Dès lors, il ne faut pas chercher trop loin l’explication du bashing. Me flétrir occupe l’espace comme la promotion de Marion Maréchal-Le Pen le fait aussi pour les mêmes. Les médiacrates sont sans imagination et en moyenne très radotants comme le montrent les éditos de Julliard. Cependant, notre impression collective est que plus rien n’imprime dans l’esprit public. Et là est le dommage essentiel car il est évident que, dans ces conditions, le travail du pouvoir est facilité. L’énormité anti-sociale des actions du pouvoir disparaît dans le flot d’une information qui privilégie systématiquement le sensationnel. Opium du peuple, la diversion médiatique sensationnaliste est la plus lourde difficulté que nous affrontons pour pouvoir être simplement entendus quand nous proposons de « faire autrement ». C’est ce « faire autrement » la hantise de ces gens. Raison pour laquelle ils passent leur temps à rabâcher que nous ne proposerions « jamais rien », fake new s’il en est une.
Tel est le contexte dans lequel intervient la loi sur les « fake news », les fausses informations. Il n’y a rien à en attendre de la part de ceux-là même qui pratiquent continuellement la méthode de la diffusion de fausses informations sur ceux qui leur déplaisent. Il ne s’agit de rien d’autre que d’une grossière tentative de contrôle sur l’information et les moyens de celle-ci. Naturellement, celle-ci a d’abord une signification géopolitique. Il s’agit de la bataille pour le « soft » pouvoir après que les Russes aient pris pied dans un domaine où les USA régnaient seuls jusque-là. Macron, en bon élève et suiveur du maître des USA, a pris à son compte ce qui n’était pourtant au départ qu’une campagne des agences d’influence nord-américaines. Le danger est pourtant là maintenant, et il vise large. Sous prétexte de viser « Russia today » et « Sputnik », tous les sites sont désormais sous la menace d’une interruption décidée par le pouvoir.
Il va de soi que cette bataille-là va être la nôtre. D’autant que nous y avons une proposition. Non pour faire la guerre à la Russie et aux sites qui déplaisent au pouvoir, mais pour lutter contre les abus de pouvoir sans recours auxquels se livrent sans limite les grands médias audiovisuels qui dominent la scène. « Le conseil de déontologie des médias » est ce qui pourrait ramener un peu de confiance et de sérénité dans les relations avec les médias du pays. Chacun saurait qu’il y a un intermédiaire entre le « laisser dire » faute de recours et les interminables recours en justice. Mais, bien sûr, les premiers à ne pas en vouloir, ce sont les médiacrates. Pourquoi ?