Plan bla-bla radioactif

Mardi 12 octobre, Emmanuel Macron a présenté en grandes pompes son plan « France 2030 ». Cet exercice de communication grossier était censé présenter les grandes orientations d’investissement de l’État. Vu de très près, il s’agissait davantage d’un exercice de propagande électorale que d’un discours de Président de la République. Un saupoudrage épars, sans direction particulière ni planification. Et pour cause, Macron l’a dit : pour lui, l’arbitre au final c’est toujours le marché.

L’annonce avait d’ailleurs un air de déjà vu. Un an après l’annonce du plan « France relance », Macron recycle la même méthode pour annoncer cette fois-ci le plan « France 2030 ». Là encore, un chiffre spectaculaire : 30 milliards d’euros sur cinq ans. Reste plus qu’a compter sérieusement. Cela ne fait donc en moyenne que 6 milliards d’euros par an. C’est là un ordre de grandeur qui n’a rien d’exceptionnel. Pour 2022, cela devrait se traduire par un simple amendement pour renforcer de 3 ou 4 milliards d’euros les crédits du Programme d’Investissements Avenir 4 (PIA4), jusqu’à présent doté de 20 milliards d’euros. Pas de quoi décoiffer.

Pour rappel, en 2010, le premier plan d’investissement d’avenir lancé par Sarkozy  était doté de 35 milliards d’euros, en 2014, le deuxième de 12 milliards d’euros, et en 2017, le troisième de 10 milliards d’euros. Soit, plus de 60 milliards d’euros de crédits de soutien à l’investissement du privé sur 10 ans, ce qui fait donc une moyenne de 6 milliards d’euros par an. Avec le lancement de ce « nouveau » plan, Macron ne fait que reconduire sa politique habituelle en matière d’investissement. Mais il accompagne cela d’annonces fracassantes et d’une intense préparation d’artillerie médiatique reprenant comme d’habitude sans recul ni critique la parole et les infographies officielles.

Sur ces 30 milliards, combien de dépenses supplémentaires et combien de prêts ? Quel calendrier de mise en œuvre ? On n’en sait rien. Seule certitude : la poursuite d’une politique de l’offre archaïque, de cadeaux sans contreparties aux entreprises, largement captés par les secteurs les plus polluants. Et la poursuite des baisses de moyens de la recherche publique et de l’enseignement supérieur, véritables clefs de la souveraineté industrielle pour l’avenir. Pour citer Les Echos : «Plus qu’une question de chiffre, c’est une philosophie.» Une jolie façon de reconnaître qu’une fois de plus, le lancement de ce plan n’est qu’un exercice de communication, un roman dans lequel il prétend formuler le récit enchanteur d’une «Industrie française, porteuse de valeurs d’humanisme».

«Notre pays doit continuer de faire des réformes pour produire plus et produire davantage (…) les Chinois sont en train de le faire, mais pas avec le même modèle sur le respect des libertés individuelles, l’agriculture. Avec les Américains, nous avons des valeurs communes, mais pas la même vision de la société, sur la solidarité». En d’autres termes, face au méchant capitalisme étranger, Macron propose un gentil capitalisme avec une baguette sous le bras et un béret. Il ajoute ainsi : «je l’ai plusieurs fois dit, assumant moi-même de l’être ; je suis le premier des Gaulois réfractaires».  Macron ferait presque passer son mépris de classe pour une manie affectueuse. Mais la haine des pauvres et les délires néolibéraux ne sont jamais bien loin. Le dénigrement des travailleurs français n’est jamais loin dans sa bouche.

Ainsi, lors de son allocution, il affirme que La France est «un pays qui travaille moins que les autres». C’est faux. «Les Français travaillaient 37,3 h/semaine en 2018» et font partie des plus productifs d’Europe, selon Eurostat. C’est encore plus criant sur la productivité : près de 15 points au-dessus de la moyenne européenne et devant l’Allemagne. Le Financial Times avait même écrit que les Français pourraient s’arrêter de travailler le jeudi soir et produire autant que les Britanniques. Alors que de nombreux économistes appellent comme nous à baisser le temps de travail, Macron recycle les vieilles rengaines mensongères de ceux pour qui le burnous ne sue jamais assez. À la fable des Français fainéants, il ajoute celle des pauvres petits actionnaires. La faible compétitivité de l’industrie serait due entre autres, à la faiblesse de la rémunération du capital. Quel culot ! La France est championne du monde des dividendes. Et le moins-disant fiscal n’est pas l’Alpha et l’Omega pour attirer les investissements. Même les États-Unis l’ont compris. Les facteurs opérationnels (taille et nature du marché, niveau de qualification, qualité des infrastructures…) sont beaucoup plus déterminants, comme l’indique le Conseil des prélèvements obligatoires.

Dans le détail, le plan de Macron est surtout anti-écologique. Quand il parle de grands fonds marins, c’est immédiatement pour évoquer les métaux rares. Il ne dit rien de la négociation qui a lieu en ce moment à l’ONU précisément pour créer un traité international pour éviter leur exploitation sauvage. Il veut enfermer davantage la France dans le choix du nucléaire. telle est sa dernière trouvaille, les «mini-réacteurs». Les SMR (Small Modular Reactor) ne pourront pas répondre à l’urgence climatique, malgré ce qu’affirme Macron. D’après Yves Marignac, le porte-parole de NégaWatt, le modèle de SMR d’EDF ne seront pas commercialisables avant 2035 au mieux et coûtent plus chers que les énergies renouvelables. Toutes les impasses du nucléaire se posent également pour ces SMR : déchets, dépendance pour l’approvisionnement en uranium, accidents : tout est là, en plus grand nombre, et en modèle géant. Et une fois de plus, on doit souligner l’absence de tout débat démocratique sur le nucléaire. Macron a décidé seul. Tout seul. C’est du grand bluff. Car les énergies renouvelables sont reléguées au moment où elles servent de prétexte au discours officiel. Elles se voient affecter deux fois moins d’investissements : cinq cents millions d’euros contre un milliard pour l’atome.

Le reste est à l’avenant. Pas un mot sur la nécessaire réduction du transport aérien. Au contraire il  veut développer un avion «bas-carbone». Et bien sûr il se montre plus optimiste que les professionnels du secteur. En effet il annonce ses vols en 2030. mais le PDG d’Airbus parle du développement d’un avion neutre en carbone pas avant 2035. De leur côté, trois cents compagnies aériennes regroupées dans l’association du transport aérien international ne visent la neutralité qu’en 2050. La date n’est pas tout. Au-delà des questions d’échéance, il est nécessaire de rappeler que l’avion neutre en carbone est pour le moment un mythe. Car son fonctionnement nécessite des biocarburants qui concourent à la déforestation importée ou s’appuie sur des techniques de compensation carbone. Pour finir avec le transport, notons que Macron n’alloue aucun budget pour développer les infrastructures ferroviaires. Il n’y a donc rien non plus pour organiser le report du transport routier vers le train.

Et pour finir, rien non plus dans le domaine crucial des investissements nécessaires pour économiser de l’énergie. Tous les spécialistes de la question savent que c’est dans ce domaine que gisent les plus grandes ressources pour faire bifurquer le système. La priorité est bien de mettre en place des politiques de sobriété et d’efficacité énergétiques. Avec la rénovation thermique de l’ensemble du parc immobilier, par exemple. Une question bien urgente pourtant. En effet la politique de Macron jusqu’à présent est un échec : la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France est insuffisante pour atteindre les objectifs climatiques fixés pour 2030. Le Haut Conseil pour le Climat précise qu’«en raison du retard accumulé par la France, le rythme actuel de réduction annuelle devra pratiquement doubler, pour atteindre au moins 3,0 % dès 2021 (-13 Mt éqCO2) et 3,3 % en moyenne sur la période du troisième budget carbone (2024-2028)». Sur le prochain quinquennat, l’institut de l’économie pour le climat (I4CE) estime qu’il faudra atteindre 200 milliards d’euros d’investissements écologiques. Ca n’en prend pas le chemin avec les gesticulations du plan France 2030. Donc il faut dégager Macron dès 2022.

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