Les images révélées par l’association L214 sur la maltraitance des animaux dans les abattoirs soulèvent de dégout et d’indignation. Instinctivement nous comprenons qu’une société capable d’admettre de tels procédés est en mauvais état. Mais aussitôt, dans le contexte de la zemmourisation de l’info, les commentaires qui ont suivi ont aussi montré l’ampleur d’un certain affaissement intellectuel. Car évidemment l’abattage sous rituel religieux a concentré l’attention. J’y ai vu une fois de plus le rôle de diversion que les questions religieuses peuvent jouer. Pendant qu’on montrera du doigt les juifs et les musulmans on passera à côté de l’essentiel sur cette question.
Car évidemment l’abattage rituel est totalement marginal dans l’ensemble des mises à mort d’animaux dans les abattoirs. Ce qui est en question dans la vraie vie ce n’est pas l’abattage rituel, c’est l’abattage industriel. L’abattage Casher (judaïsme) ou Hallal (musulman) sans étourdissement c’est 0,1% des bêtes tuées. Et l’abattage industriel c’est l’œuvre de quatre groupes dont les soixante-dix établissements couvrent 75% de l’activité ! Il faut prendre la mesure de celle-ci. On tue chaque année un milliard deux cent millions d’animaux ! C’est à dire trois millions deux cent mille par jour. Ces bêtes ne viennent pas à l’abattoir sans y être transportées. La chaine de la souffrance commence bien avant la porte d’entrée de l’abattoir. En Europe les transport continus d’animaux vivants peuvent légalement durer jusqu’à 29 heures d’affilée !
Et, disons-le tout de suite les bêtes ne sont pas les seules à souffrir dans cette industrie. Les conditions de travail y sont terribles pour les cinquante mille ouvriers du secteur. Terribles physiquement et psychologiquement. Les accidents du travail y sont quatre fois supérieurs à la moyenne compte tenu des cadences. Les dépressions et suicides assez nombreux pour provoquer un rythme de démission qui est une des constantes des difficultés de la gestion de cette activité. Finalement la maltraitance est partout. Elle commence en amont avec le sort réservé aux animaux dans leur courte vie de chair à manger. Le modèle agro-industriel est générateur de maltraitance d’un bout à l’autre de son déroulement.
En France il y a trois mille fermes-usines recensées par Greenpeace. L’élevage en cage concerne 99,9% des lapins, 95% des cochons et 83% des poulets. Un martyr généralisé. Et une monstruosité du point de vue général par la réduction de la biodiversité que ce système provoque. Car la disparition des oiseaux à cause des épandages de pesticides qui tuent leur nourriture et l’élevage hyper intensif aboutissent à un résultat inouï. Le voici : 70% des oiseaux sur la planète sont de la volaille d’élevage, poulet, canard dindes et compagnie. Ajoutons-y ce que l’actualité de la Covid a permis de savoir de façon dorénavant inoubliable: ces élevages sont des foyers de contamination virulents. Ils sont les haut lieux de la zoonose ce mécanisme de transmission des virus d’animaux sauvages vers les êtres humains. Voilà un problème hautement contemporain : les épidémies dans l’élevage ont triplé en 15 ans !
Éradiquer la maltraitance animale a été un thème d’intervention constant des Insoumis sur le terrain et à l’Assemblée nationale. Cette question devenait véritablement viscérale quand on défendit les amendements pour interdire le broyage des cinquante millions de poussins vivants ou le castrage à vif des porcelets. Le raisonnement de base ne se contentait pas d’exprimer la répugnance pour ce type d’indifférence à la cruauté de tels traitements. J’ai présenté à la tribune notre philosophie. Respecter la sensibilité des animaux et constater leur capacité de conscience de soi c’est affirmer notre humanité. En effet c’est s’obliger à assumer la responsabilité que la conscience et le savoir dont nous sommes capables, le discernement que nous devons mettre en œuvre pour vivre, nous assignent.
Dès lors le refus de la maltraitance animale est un humanisme parce qu’il suppose un être humain conscient de sa singularité dans le vivant par ce fait qu’il se construit lui même et donne à ses actes un sens dont il veut assumer la responsabilité. Le refus de la souffrance animale est aussi assez directement lié à la conscience anti raciste parce qu’elle en reproduit le déroulement. Le racisme englobe les personnes visées dans une négation de leur singularité individuelle. Dans le racisme ce sont des catégories collectives qui sont supposées être à l’œuvre (les noirs en général, les blancs en général et ainsi de suite) au prix de la négation de individus qui entrent dans ces catégorie. Et c’est le point de départ de l’indifférence à leur capacité à souffrir qui est toujours une expression de l’individualité.