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02.11.2022

Nous réclamons notre droit à la dignité

Le 2 novembre 2022, Jean-Luc Mélenchon intervenait lors du rassemblement pour le droit de mourir dans la dignité à Paris en tant que membre du comité d’honneur de l’association ADMD.

Retrouvez ci-dessous la retranscription de son discours:

« Mes chers concitoyens, oubliez un instant l’homme politique que je suis, quand bien même je me présente devant vous, entouré de trois députés insoumis, M. Clouet, Madame Fiat et mon camarade Kerbrat. Quand bien même nous avons déposé une proposition de loi, je me suis dit qu’est-ce que je peux bien faire d’utile à cet instant ? Je voudrais plaider pour le sens philosophique de ce que nous entreprenons.

Je crois, moi, que c’est une question qui a à voir avec la morale, qui a à voir avec la religion et qui a à voir avec la politique. Mais précisément, c’est le point de vue laïque qui permet de dénouer les contradictions qui pourraient apparaître à partir du moment où l’on mettrait d’abord en avant la morale, d’abord en avant la politique et d’abord en avant la philosophie.

C’est parce que la loi doit séparer ces questions de la question de la liberté et pour moi, je veux plaider ici le point de vue qui est celui de l’humanisme philosophique, celui qui a commencé au XVᵉ siècle par ce texte qui s’appelle « De la dignité de l’homme », en 1487 de Pic de la Mirandole. Et quelle est cette dignité fondamentale de la personne humaine ? C’est la liberté.

C’est la liberté qui nous institue en tant qu’être humain. Non pas que nous la connaissions, que nous la vivions, que nous disposions, mais nous sommes aptes à la liberté, à la liberté de juger, de décider. Et avant toute chose, cette liberté nous conduit à la pleine propriété de nous-mêmes, ou plus exactement dit à la pleine maîtrise de nous-mêmes.

Et c’est dans cette pleine maîtrise que nous affirmons notre identité humaine. Voilà ce qui est le plus important pour la cause qui, au fil des siècles, nous accompagne dans notre détermination. Nous ne revendiquons pas un privilège personnel. Après tout, chacun d’entre-nous, dès lors qu’il en a la possibilité, peut éteindre la lumière tout seul. Nous la plaidons pour ceux qui ne sont plus en situation de pouvoir la mettre en œuvre eux-mêmes.

Et c’est donc un acte d’amour que nous plaidons. Un acte d’amour pour ceux qui doivent, veulent partir et à qui on ne saurait infliger l’agonie. Parce que mourir n’est pas une peine mais un élément de la condition humaine. Et nous savons que, de même qu’il nous faut naître, il nous faut mourir. Et c’est la raison pour laquelle, jusqu’à cet instant, la liberté doit l’emporter par-dessus tout.

Les êtres humains étant ainsi décrits, c’est à nous d’en assumer dans tous ses aspects la volonté. Tu as eu raison d’évoquer la question du droit à l’interruption volontaire de grossesse, dont je rappelle que c’est un droit, mais un droit de quoi ? De se posséder soi même entièrement, de se maîtriser soi même entièrement. Et demain, il nous faudra aussi poser la question de la liberté du genre, car elle existe elle aussi aujourd’hui.

Mais encore une fois, cette liberté est dans la main de gens dont on charge de savoir à notre place : juges, médecins, psychologues, comme c’était le cas autrefois pour l’interruption volontaire de grossesse dans la période intérimaire entre la liberté qui a été donnée et la période de l’interdiction absolue. Eh bien non, chacun s’appartient à soi-même et s’appartient résolument et jusqu’au bout.

Voilà ce que nous voulons dire, je pense, beaucoup d’entre-nous avec fierté. Bien sûr, on ne répondra pas aux excessifs qui prolongent sur nous les condamnations morales qu’ils porteraient sans doute sur eux-mêmed s’ils avaient à recourir à une telle méthode. Mais nous réclamons pour nous-mêmes cette dignité, celle de la liberté pour tous. Et en le réclamant, nous ne faisons rien d’autre, encore une fois, que de reconnaître à nos semblables, pour reprendre la parole, qui, depuis le siècle des Lumières, nous unit les uns aux autres.

Non que nous soyons identiques, nous ne le sommes pas, nous ne le sommes d’aucune manière, mais nous sommes semblables en tous points, par nos besoins et par nos aspirations les plus fondamentales. L’aspiration à la liberté de se maîtriser soi-même complètement est irréductiblement attachée à la personne humaine. Voilà ce que je pense utile aussi de dire : nous ne quémandons pas une faveur. Nous réclamons notre droit à la dignité, celle qui nous institue et qui a été découverte par la parole humaniste depuis la fin du XIVᵉ siècle. »

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