Les élections aux États-Unis montrent un pays placé sous haute tension d’extrême droite. Car même quand ils sont battus, les trumpistes finissent à un très haut niveau électoral. En un sens, c’est un alignement sur le reste du monde. Face à cette poussée, les « Démocrates » ne font pas un rempart convaincant. Les politiques de la « gauche » d’accompagnement mettent en danger toute la démocratie en abandonnant à l’extrême droite la critique du système. Tel est le risque que les « Démocrates » américains ont une fois de plus assumé. La gauche de rupture sauve les meubles. Pour autant, la perspective générale c’est que le temps états-unien s’achève. Mais, sur place, les voies de la suite semblent bien confuses. Notre intérêt serait qu’existe une vraie « gauche » agissant à visage découvert et capable d’organiser concrètement une alternative politique. C’est à ce prix seulement que les États-Unis nous aideraient à la rupture nécessaire avec le désordre établi que ce pays impose à notre monde.
Les majorités nationalistes ou ultranationalistes dominent dans un nombre croissant de parlements et non des moindres. L’Inde, la Russie, l’Indonésie, sans oublier le Brésil des bolsonaristes majoritaires dans les assemblées et les gouvernorats. En Europe les nationalistes gouvernent notamment la Pologne, la Hongrie, la Suède, l’Italie. Partout ils sont en offensive et progression. Partout les droites traditionnelles et les partis du « centre » s’alignent progressivement sur leurs thèmes et obsessions. Le nouveau moment politique est celui-là. Il en résulte une profonde modification du tableau géopolitique mondial. Pour être exact je dirai que les anciennes questions se formulent dans les termes de ce moment. Ce qui les prolonge mais en modifie les perspectives. Autrement dit la crise climatique et celle du capitalisme financier se présentent sous les traits d’une gouvernance politique sous influence ou contrôle de l’extrême droite.
Pour ce qui concerne les États-Unis, il est frappant d’avoir vu en si peu de temps les commentateurs passer de l’état de peur, plus ou moins sincère, du retour du trumpisme, à celui d’aveuglement sur la nature de la résistance des démocrates. Dans la première phase on doit parler de désillusion. Car beaucoup semblent découvrir une réalité qui appartient pourtant depuis longtemps à ce pays. Combien ont fini par oublier la nation du génocide des Indiens, de l’esclavagisme, de l’inégalité des droits et de Rosa Park jusque dans les années 70, le pays des meurtres politiques, du vol de 50% du territoire de son voisin mexicain, des coups d’État violents dans toute l’Amérique latine et de 22 ans de conflits guerriers sur 220 ans d’existence.
Sans oublier les records d’absurdes bigoteries dans tous les domaines et notamment aussi bien chez les républicains que les démocrates ou les billets de banque. La surévaluation de ce pays dans l’esprit de ses admirateurs est sidérante. Pas un de ces commentateurs ne s’émeut du fait qu’un pays de ce niveau et de cette puissance ne connaisse pas le résultat définitif de ses élections plus d’une semaine après la clôture des votes ! Deux semaines d’attente sont encore annoncées. Ne perdons pas de vue que cette situation peut devenir contagieuse. Le système français n’est-il pas entré dans cette pente depuis l’avènement de Macron ?
Pour ce qui est de l’euphorie depuis lors, elle aussi plus ou moins sincère, elle est à la fois risible et inquiétante. Un bon exemple de cette situation est donné par les « analyses » du journal « Le Monde ». Il passe de l’affolement et de la description des insurmontables difficultés des démocrates étalés en double page à la douce satisfaction sans véritable analyse de ce qui s’est passé si contrairement aux pronostics du journal. Et cela sous la même plume. Un regard plus soucieux des faits se serait aperçu que l’état-major démocrate a passé beaucoup plus de temps à tenter de contrer les investitures des candidats de l’aile Sanders du parti démocrate qu’à combattre les thèses des candidats trumpistes. Un signal de la tension qui s’incruste dorénavant dans ce parti, à l’image de ce que l’on a connu dans tous les partis sociaux-démocrates du monde qui tentent de détruire ou de marginaliser leur aile gauche.
Mais pourtant, pour finir, c’est bien cette aile qui sauve les meubles. C’est elle qui marque les seuls succès sur les « extrêmes » républicains en leur prenant notamment un état. Et tous les élus de la précédente vague Bernie Sanders sont triomphalement réélus. Mais à quoi servent-ils s’ils ne dessinent aucune alternative pour leur pays et le monde que celui-ci domine avec tant de brutalité ? Que signifie leur enfermement entre soi et leur indifférence à l’égard de tous les mouvements politiques anti-capitalistes dans le monde ? Pour ne rien dire de leur peur craintive du « qu’en dira-t-on » dès qu’il s’agit de nous les Insoumis français ? D’une certaine façon ils expriment aussi quelque chose de cet ample repli sur soi que l’on sent partout en observant les intervenants politiques des États-Unis. Il ne sert à rien de le regretter. L’avenir est ailleurs.