Vers la liberté du genre

Ce 21 novembre j’ai été invité à l’anniversaire des 25 ans d’existence de l’Inter-LGBT qui est aussi celui des vingt-cinq ans de la création du PACS. Comme je suis le premier législateur ayant pris l’initiative d’une proposition de loi sur le sujet, j’ai été invité à m’exprimer au cours de la soirée réservée à cette célébration. Je pense que mon bref propos peut être utile à lire et peut être à utiliser pour les personnes dont le combat s’est dorénavant tourné vers la conquête du droit à la liberté de genre. Car j’ai conclu sur ce thème.
 

Vers la liberté du genre

« Je vous remercie de m’avoir invité à participer à cette célébration. J’en suis très honoré. Et maintenant, je suis aussi très ému d’avoir assisté au premier drag show de ma vie pourtant déjà bien longue. Pour relever le défi de parler en sept minutes format inhabituel pour moi, j’ai donc écrit ce que je voulais vous dire.

Oui, en 1990, après deux ans d’un laborieux travail de contact « au bouton de veste », j’ai pu constituer un groupe de six parlementaires, femmes et hommes au Sénat, pour porter « à titre individuel », cela nous avait été bien spécifié, une proposition de loi en faveur du « partenariat civil ». Ce terme était emprunté à la législation danoise sur le sujet.

C’était là une préfiguration des initiatives qui ensuite ont eu lieu à l’Assemblée nationale. Elles ont permis de produire pour finir le PACS, grâce à la majorité parlementaire rouge, rose, verte, de 1999.

Mais je voudrais dire, avant tout et surtout, solennellement, que cette conquête, si elle a transité par certains d’entre nous parlementaires, doit d’abord être attribuée aux femmes et aux hommes qui l’ont porté, envers et contre tout. Ce n’est donc pas une faveur qui a été octroyée, mais le résultat d’une lutte collective dure et cruelle. Elle était menée dans le contexte particulièrement cruel de l’épidémie du sida, qui tuait alors quasiment à coup sûr tous ceux qu’elle touchait.

Pour ma part, j’ai été alerté et convaincu, ce qui n’était pas rien puisque je n’y connaissais strictement rien, par les membres de l’association « Gays pour les libertés ». Je leur dédie, ne sachant où ils sont aujourd’hui et s’ils sont là encore, l’hommage que vous rendez à cette loi. Elle a résulté de leur action, non de la mienne, ni de mes comparses. De plus, ce rôle précurseur de législateur comme sénateur de l’Essonne, je le partage pleinement avec ceux qui ont signé ce premier texte dans une indifférence mâtinée d’hostilité et de moqueries parfois à peine masquées. C’est pourquoi je prends la liberté de vous en lire le nom de ces courageux à cet instant, ne sachant pas non plus à leur sujet s’ils sont toujours là.

Il s’agit de Maryse Berger-Lavigne de la Haute-Garonne, Jean-Pierre Bayle et de Guy Penne des Français établis hors de France, François Autain de Loire-Atlantique, Gilbert Belin du Puy de Dôme, Marc Bœuf de la Gironde, Roland Courteau de l’Aude, André Delelis du Pas de Calais, Louis Philibert des Bouches du Rhône, Roger Quilliot du Puy de Dôme, Franck Sérusclat du Rhône.

Le Pacs a fonctionné aussitôt comme une liberté collective. Il a bénéficié non seulement aux couples homosexuels, mais aussi aux couples hétérosexuels. En définitive, en renforçant les possibilités de solidarité sociale assumée, le texte a été le moyen d’une amélioration de la vie de la société tout entière, dans toutes ses composantes.

La preuve a été ainsi apportée qu’une possibilité de liberté constituée sur l’idée d’égalité des droits est toujours un bienfait pour tous puisqu’elle libère et n’impose rien. Cela signifie que les combats pour l’égalité des droits humains sont indivisibles. Alors il est vain de vouloir distinguer une différence entre le domaine social ou sociétal.

J’attribue à ces premiers pas, aux combats opiniâtres menés avec souvent la force de la tendresse et de l’écoute de l’autre, qui permettaient de convaincre, le fait que, pour finir, le droit au mariage pour tous a pu trouver son chemin et son aboutissement dans une société désormais moins brutale et mieux éclairée sur ce sujet.

Comprenons à cette occasion, si vous le permettez, combien la règle de l’humanisme auquel je me rattache philosophiquement, peut être bienfaisante pour la société. Elle postule que l’être humain est l’auteur de son existence. Alors la liberté doit lui être donnée d’être soi-même aussi totalement que nécessaire. L’orientation sexuelle de chaque individu mais aussi l’orientation de genre n’est pas un choix de sa part. Vouloir lui en imposer une ne peut jamais être autre chose qu’une odieuse et indigne violence. Que cela nous serve de leçon pour le présent.

L’identité de genre peut donc être discutée par ceux à qui elle est attribuée. Car cela non plus ne résulte de rien d’autre que de toute la force d’un ressenti et d’une certitude qui appartient à chacun, chacune, de façon intime et irrépressible. Dès lors, nous pouvons être certains que l’identité de genre est d’abord, d’une manière ou d’une autre, déclarative. La liberté de genre est donc un droit. On doit pouvoir exercer cette liberté par une simple déclaration gratuite devant un officier d’état civil.

Cette liberté ne comporte aucun inconvénient pour la société. Au contraire ! Oui : au contraire, car elle fait cesser la violence d’une identité imposée et forcée.

Je suis fier d’avoir porté cette revendication dans le programme insoumis à l’élection présidentielle puis législative au nom du Nouveau Front Populaire. Les sarcasmes avec lesquels elle a été accueillie par le président de la République suffisent à montrer qu’il s’agit bien d’un combat à mener pour l’obtenir. Rien ne sera accordé par faveur, là non plus.

Comme chaque fois qu’il s’agit d’une liberté, je suis certain que la liberté de genre est une étape incontournable dans l’évolution de la condition humaine. Et, d’une façon ou d’une autre, elle s’imposera moins par la force des choses que par les mains tendues, la tendresse, l’affection, la force de conviction qui permet de comprendre que personne ne perd rien à la liberté de l’autre.

Que cette soirée en soit une étape ! Vous êtes certain de trouver de votre côté tous ceux qui ont bien compris combien  « l’égalité des droits » est, en toutes circonstances, un appel au dépassement. 

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