La Méditerranée futur golfe du Mexique ?

Le feu dans le golfe du Mexique et l’explosion du forage pétrolier qui s’y trouve est une alerte cruciale. La situation en Méditerranée doit résonner comme un écho pour nous tous. En effet une même menace nous y guette. Je pense aux forages qui sont entrepris au large de Chypre aujourd’hui disputés par la Turquie et la Grèce. L’île en feu avec une température de 45 degrés appelle déjà au secours pour contenir cet incendie. Qu’en serait-il avec le feu en mer ? Déjà d’aucuns considèrent la Méditerranée comme le pédiluve de l’Europe. J’en veux pour preuve le dégazage illégal du 11 juin dernier. Une nappe de 35km d’hydrocarbures lourds est venue souiller en partie les rivages de la Corse. Des moyens ont été déployés pour limiter les dégâts et pourchasser le responsable mais le mal est fait. Cette pollution criminelle inacceptable cache en réalité un tableau déjà critique. Je tire la sonnette d’alarme en me basant sur deux rapports publiés au début du mois de juin. Ils s’ajoutent à une pile déjà haute d’études en ce sens.

Ce « presque lac » est particulièrement fragile. En effet, la mer Méditerranée est reliée à l’océan mondial par un petit détroit de 14 kilomètres. De fait, les eaux de cette mer mettent près d’un siècle à se renouveler. En clair, tout ce qui se déverse en Méditerranée y reste un long moment, au risque de la transformer en cloaque. Déjà, la mer de Marmara qui fait l’interface avec la mer noire de l’autre côté du Bosphore est aujourd’hui couverte par une « morve marine » qui l’asphyxie !

Comme elle est presque fermée, les températures de la Méditerranée y augmentent 20% plus vite que la moyenne mondiale. De même, cela produit une évaporation plus rapide. Ainsi, chaque degré supplémentaire accroît cette évaporation de 7 %. En réalité, c’est déjà le cas. La vallée de la Roya ne s’est pas encore totalement remise du passage de la tempête Alex d’octobre 2020.
L’eau se réchauffe aussi plus vite qu’ailleurs. De fait, la partie Est se « tropicalise » selon le WWF. Cela signifie que l’eau devient plus chaude, contient moins d’oxygène et se retrouve envahie d’espèces exotiques. Près de 1 000 sont déjà arrivées par le canal de Suez. Les posidonies, algues de la région, stockent 5 fois plus de carbone que la forêt tropicale à surface équivalente et produisent de l’oxygène. Mais elles se meurent. Or, elles ont stocké un tiers des émissions de CO2 des pays du bassin depuis la Révolution industrielle. Le pire est à craindre si elles le relâchent. Pour finir, l’eau pourrait monter d’un mètre d’ici 2021. Or, un tiers de la population du bassin méditerranéen vit déjà sous le niveau de la mer. Sur 20 villes menacées de subir le plus de dégâts, 10 sont en Méditerranée.

Une équipe de scientifiques français a aussi compilé trente ans de données. La biodiversité de la Méditerranée était jusqu’à présent connue pour sa richesse. En effet, elle regroupe 18% des espèces marines connues dans seulement 0,3% du volume océanique mondial. Mais cette biodiversité s’est effondrée. Les trois quarts des stocks de poissons sont surexploités. La population de thon rouge a baissé de 90% depuis 1993. Aujourd’hui, la moitié des écosystèmes marins côtiers et de haute-mer et près d’un tiers des écosystèmes d’eau douce sont en péril. Tous les peuples riverains sont concernés par les conséquences du réchauffement climatique en Méditerranée. Ils sont donc tout autant liés par la bifurcation écologique à opérer. Nous devons donc créer les conditions d’une diplomatie écologique afin de la protéger.

L’Avenir en commun prévoit déjà, en son point 51, d’« unir le petit bassin méditerranéen autour d’objectifs communs de progrès ». Cela réunirait la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie. En effet, le processus de Barcelone engagé en 1995 est enlisé. Les obsessions libérales de l’Europe sous pression allemande ont défiguré l’Union pour la Méditerranée. En outre, son extension à des états en conflit permanent rend ce cadre quasiment impraticable. Je suis déjà intervenu dans l’hémicycle à ce sujet. Nous débattions de la création d’une communauté méditerranéenne des énergies renouvelables. C’était en novembre 2020. Je le redis : nous devons nous tourner vers le petit bassin méditerranéen pour faire face aux questions environnementales, énergétiques et climatiques.

La mer Méditerranée est la mère du monde européen. Tout est parti de là. Aujourd’hui, 500 millions d’habitants y vivent et en vivent. Les conditions de vie de l’ensemble des peuples méditerranéens dépendent du bon état de la mer qui nous lie. Il faut donc se donner les moyens de la respecter.

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