melenchon bastille 18 mars 6e republique

18.03.2012

Discours place de la Bastille le 18 mars 2012

Et où on était passés? Où on était disparus tout ce temps? On se manquait, on s’espérait…On s’est retrouvés ! Génie de la Bastille qui culmine sur cette place : nous voici de retour, nous le peuple des révolutions et des rebellions en France ! Nous sommes le drapeau rouge, et le rouge du drapeau ! Nous sommes la main ouverte, offerte pour la solidarité, et qui donne de la force en serrant les doigts pour communiquer son énergie ! Nous nous sommes rassemblés parce que nous allons faire de cette élection une insurrection civique qui va, en se donnant d’abord rendez-vous dans les urnes, commencer ce jour-là la révolution citoyenne qu’il est nécessaire d’accomplir pour changer en profondeur la vie du peuple qui pâtit, et ouvrir la brèche qu’attend toute l’Europe de son volcan français !

Oui ça se voit, ça se sent, ça se sait : le printemps est pour dans 3 jours. Chaque matin qui se lève, la lumière étend son domaine, la nuit se replie. Vienne le temps des cerises et des jours heureux! Tel est notre premier message ici, pour tous ceux qui nous entendent et nous écoutent, sur cette place, dans les rues adjacentes d’où l’on ne peut avancer, et dans chaque foyer où l’on nous regarde, ici en France métropolitaine et Outre-Mer, partout en Europe, et partout où l’on parle français, où l’on rêve français, parce qu’on attend son peuple ce grand mouvement qui ne libèrera pas seulement là où nous sommes, mais partout où il y a des servitudes. Nous adressons notre salut fraternel et notre solidarité au peuple grec qui pâtit, aux espagnols, aux portugais, aux italiens, à tous ceux qui ont pour l’instant sur leurs têtes le poids de l’oppression venue de l’abjecte troïka qui a décidé dorénavant de contrôler chaque peuple et à qui, paraît-il, il faudrait demander l’autorisation de disposer librement de nous. Ici, sur cette place, nous faisons le serment que si c’est nous qui sommes appelés à reconstruire la règle du jeu de notre pays en convoquant la Constituante qui est nécessaire, alors plus jamais une seule délégation de souveraineté du peuple ne sera opérée sans qu’il ait été auparavant consulté par voie de référendum. La souveraineté du peuple, telle est la grande question qui dorénavant va occuper toute l’Europe qui se voit une nouvelle fois engagée dans une entreprise qui commet la même erreur qu’aux précédentes saisons de l’Histoire : c’est qu’on la construit sans les peuples et sans la démocratie. Alors, pour commencer cet immense chantier, d’abord chez nous en France, nous sommes venus au bon endroit, à la bonne date.

Le bon endroit, ici où a été juré une première fois le serment de se rassembler, pour empêcher par tous les moyens dont nous disposons les fascistes de s’emparer de la patrie. Cette place où a été en 1935 rassemblée cette manifestation féministe qui déjà voulait briser les chaînes du patriarcat en demandant que le suffrage soit réellement universel. Cette place où a été brûlé le dernier trône des rois. Cette place où tout commence toujours et qui est le point de départ de toutes nos révolutions, et d’abord de la première, celle qui se fit en 1789 en abattant la citadelle des tyrans. Celle qui se fit, avec des mots et des principes si grands qu’ils rendaient possible ce fait, que depuis, il est possible d’être français où que l’on soit dans le monde et ici-même en France, que ses parents l’aient été ou non, du moment qu’on s’accorde pour dire et reconnaître comme égal quiconque comme nous dit « liberté, égalité, fraternité » !

Nous sommes à la bonne date, le 18 mars, commencement de la grande et glorieuse Commune de Paris. Voici parmi nous l’ombre d’une femme, Louise Michel, à qui nous nous dédions. Voici que nous répondons à notre tour à l’appel de Jules Vallès et du Cri du peuple qui concluait l’appel à la première insurrection par ces mots :« place au peuple, place à la Commune! » Et nous ne disons rien d’autre encore aujourd’hui. A la bonne date. 50 ans après la fin des combats en Algérie, je déclare au nom du peuple ici rassemblé : oui la guerre est finie, et nous ne permettrons pas qu’on la recommence ici! Nous sommes une même famille, peuples du Maghreb, peuples et nations arabes, berbères, et nous peuple français. Après le silence des armes, nous devons à nos enfants la paix des cœurs!

Peuple français, médite à cette occasion la terrible leçon de ton histoire : là où n’a plus cours l’égalité humaine, là où n’a plus cours la liberté totale des consciences et des droits politiques, là où n’a pas cours la fraternité, alors la France n’est plus possible.

C’est pourquoi il nous faut aujourd’hui dans cette France défigurée par les inégalités sociales,territoriales, culturelles,entre femmes et hommes, tourner la page une nouvelle fois de l’ancien régime, commencer un nouveau chapitre qui permettra, comme c’est notre tradition, divers que nous sommes, en refondant la république, de refonder la France elle-même. Et en refondant tous ensemble la République, de nous reconstituer comme un peuple unique, libre, fraternel et égal. Nous commencerons par où il faut commencer : c’est-à-dire qu’en convoquant cette constituante, nous commencerons la première de toutes les égalités qu’il est indispensable de constituer : la parité! Cette constituante devra être strictement paritaire, et ainsi commencera la marche de l’égalité. L’égalité par quoi tout commence en France. L’égalité qui nous conduira à proclamer la fin des privilèges du capital, l’établissement de la citoyenneté en entreprise, corrigeant ce qui n’avait pas été achevé quand, comme l’a dit Jean Jaurès, « la grande Révolution a rendu les français rois dans la cité et les a laissés serfs dans l’entreprise ». Ces droits nouveaux des travailleurs, le droit de veto, le droit de préemption sur la propriété du capital à la portée des travailleurs qui se constitueraient en coopérative ouvrière, le droit de réquisition par la Patrie lorsqu’un bien est réputé commun. C’est nous qui inscrirons ce droit nouveau qu’il y a une propriété collective humaine des biens de base, tels que l’eau et l’énergie. C’est nous qui donnerons toute sa place à la dignité de l’amour humain en étendant à tous les couples les droits qui s’attachent aujourd’hui aux couples hétérosexuels.

Liberté, liberté! C’est elle que nous voulons faire cheminer par la route de l’égalité. Liberté! Il faut que les droits fondamentaux de la personne humaine entrent dans cette constitution, et le premier d’entre tous : le droit de disposer de soi sans entrave aucune. C’est nous qui mettrons, pour que plus personne ne soit tenté d’y toucher quand les menaces s’accumulent, comme nous le voyons en ce moment, c’est nous qui mettrons dans notre constitution le droit à l’avortement qui reconnaît à chacune le droit de disposer d’elle-même, son corps n’étant la propriété de personne! C’est nous qui mettrons dans notre constitution le droit de décider de sa propre fin, et d’être assisté lorsqu’on en décide. C’est nous qui installerons et confirmerons la liberté de conscience la plus absolue, et qui pour cela déciderons que la laïcité, déjà inscrite dans la constitution, sera étendue sans aucune exception à tous les territoires de la République, c’est-à-dire que le concordat sera abrogé, et le bénéfice de la loi de 1905 étendu à tous les terres françaises : la Polynésie, la Guyane, Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie aussi bien qu’en Alsace et en Moselle. C’est nous qui étendrons les territoires de la liberté là où l’inventivité humaine et son génie a créé de nouveaux espaces. Car c’est nous qui dirons : la liberté sur la toile est inaliénable, et il ne sera plus jamais permis de faire Hadopi. C’est nous qui interdirons, fondant en cela un principe nouveau, qui interdirons une fois et pour toujours que le vivant soit breveté et qu’il y ait une propriété privée de l’existence elle-même. C’est nous qui libèrerons une bonne fois la justice, en faisant en sorte que son indépendance dorénavant ne soit plus garantie par un homme, surtout après avoir vu quel usage il avait été fait de cette garantie dans le passé. Dorénavant, nous placerons l’indépendance de la justice sous la protection et l’attention du parlement lui-même.

France d’égalité, de liberté, tu te dois d’être la patrie de la fraternité et des devoirs humains totalement accomplis! Nous, dans notre constitution, nous regarderons tous les enfants qui nous sont donnés d’un même œil. En France, dorénavant : né sur la terre de France, français! Droit du sol intégral! Tel est le premier devoir de fraternité humaine. Et en voici un autre, nouveau, qu’il s’agit d’assumer. Nous sommes, nous, co-responsables de l’écosystème dans lequel vivent tous les êtres humains et sans lequel pas un seul d’entre eux ne peut vivre ni mener quelque querelle politique que ce soit. C’est pourquoi nous accomplirons notre devoir à l’égard de l’humanité universelle. Nous proclamerons que les Français s’astreignent par leur constitution à s’acquitter de leur devoir en éteignant la dette écologique, et que plutôt que leur fichue règle d’or qui ne concerne que leur portefeuille, nous appliquerons la « règle verte » qui protège la planète!

Oui, notre rassemblement commence une insurrection. Le peuple qui s’était dissous dans l’abstention, dans le refus d’obtempérer aux injonctions des petits « je-sais-tout », aux mauvais qui leur donnent des conseils et qui, quand c’est leur honneur et leur devoir de porter leur parole, quand les français disent non, s’en vont ensuite dire que nous aurions dit oui. Ceux qui nous ont trahis, notre premier devoir pour commencer notre chemin est de nous en débarrasser! Telle est la première tâche que doit accomplir notre insurrection si elle veut pouvoir ensuite se donner le grand rendez-vous de la révolution citoyenne. Machado, le poète, a dit que le chemin se fait en marchant : cette marche nous l’avons commencée depuis la Nation et nous nous sommes retrouvés ici à Bastille pour une étape dont nous continuerons la trajectoire bientôt, de la Bastille des révolutions jusqu’à la place de la VIe République.

Nous sommes le cri du peuple, des ouvrières et des ouvriers précarisés, méprisés, humiliés, abandonnés! Nous sommes le cri du peuple, celui de la femme qui met au monde un enfant dans un camp de rétention! Nous sommes le cri du peuple, celui de l’enfant qui n’a pas de toit et qui n’a pas d’instituteur quand il va a l’école! Nous sommes le cri du peuple, de tous ceux qui, prêts à apporter le concours de leur intelligence, de leur créativité, qui, parfois menant bonne vie, refusent pourtant d’appliquer la morale de l’égoïsme qui dit « profite et tais-toi! ». Je vous appelle à commencer ce printemps des peuples. Ouvrez en France par vos bulletins de vote la brèche par laquelle ensuite passera le vote des grecs, puis en octobre prochain celui de nos camarades allemands qui souffrent des merveilles du prétendu modèle libéral. Voici le printemps! Faites votre devoir en accourant à la rescousse partout où les luttes ouvrières vous appellent. Faites votre devoir en vous découvrant les uns les autres, mettez à la mode la couleur rouge! Prenez les places et les rues de la République, comme vous le pouvez, dans chaque ville et chaque village de France. Et vous autres, à Toulouse sur le Capitole, à Marseille au Prado, organisez la réplique du 18 mars à la Bastille! Assemblez-vous par milliers, vous souvenant de l’appel sacré que vous ont adressé ceux qui vous ont précédé dans cette lutte, inscrivant dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 : « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des devoirs et le plus indispensable des devoirs »!

Vive l’Humanité universelle, vive la France, vive la République, vive la Sociale!

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