Chemin faisant, je profite de chaque halte pour faire une escale électorale avant ma conférence. Je sais que les camarades sont contents de ça. Moi je le suis de les voir à l’œuvre. En fait ils n’ont pas besoin de moi, juste une sorte de label qui s’ajoute à leurs efforts. Mais je m’y plie avec plaisir. Au passage je m’instruis, je découvre des personnes, j’apprends à réévaluer des situations locales. Je ne cache pas combien je suis déçu par les divisions quand je les constate et combien je suis heureux en cas contraire. Ainsi, à Lyon, je ne me fais pas à l’idée que les communistes de la région Rhône-Alpes-Auvergne aient choisis de partir seuls, en dehors du rassemblement opéré avec EELV, la Nouvelle Gauche Socialiste, Nouvelle Donne et le Parti de Gauche bien sûr. Les premiers sondages donnent entre 2 et 4% à la liste communiste. Quelle que soit ma méfiance a l’égard de la marchandise sondagière, je connais aussi son pouvoir auto réalisateur. À quoi bon maintenir ce choix suicidaire ?
J’ajoute ceci : si les communistes rejoignaient la liste de rassemblement citoyen, je suis certain qu’ils y apporteraient bien davantage que les 2 ou 4 points que leur vaut l’incompréhension des électeurs de notre gauche !
Qu’est ce qui se passe dans ce secteur ? Après le choix désastreux de l’alliance avec le PS à Grenoble et le maintien au second tour contre notre liste gagnante, voilà une redite dont personne ne comprend ni le sens ni la visée. Evidemment, la liste communiste ne s’appelle pas comme ça. Elle se donne le titre de liste « Front de Gauche », achevant le désastre pour tous en y ajoutant localement une querelle sur le droit d’usage du sigle.
J’ai observé la même chose dans la région Nord, un comble pour une liste communiste aussi soucieuse de son identité. Pourtant, là-bas aussi, la rupture des écologistes avec le PS est riche de perspectives. Aux départementales, dans les cantons de Lille, cette coalition avait atteint les 20%. C’est un évènement que les écologistes de toute la grande région Nord-Pas de Calais et Picardie aient choisi l’alliance avec le Front de Gauche. Pourquoi refuser la main tendue que nous avons tant attendue et espérée ? A ces déboires s’ajoutera à la fin le discrédit d’un score confidentiel qui nous atteindra tous.
Pourtant, un contre modèle unitaire des communistes existe. Ainsi en Provence-Alpes-Côte-D’azur, le choix communiste est exactement l’inverse. Pilier de la méthode du rassemblement, Jean Marc Copola et ses camarades ont travaillé à la formation d’une liste de toute l’opposition de gauche face a Marion Maréchal Le Pen et Christian Estrosi. Il y a eu d’autant plus de mérite que la tête de liste lui était acquise dans la mesure où le PG en était entièrement d’accord. Pour parvenir à l’union, il a accepté que le dépôt administratif de la liste se fasse au nom de Sophie Camard, la tête de liste écologiste avec laquelle il fonctionne en binôme. Cette attitude ouverte et unitaire, mes amis la comprennent d’autant mieux qu’ils s’en sont fait une règle. Partout ils ont préféré céder le pas plutôt que de courir le risque de la division, si amères que soient parfois pour eux les conditions de l’accord.
Cet état d’esprit s’est confirmé en région Île-de-France où Eric Coquerel, le coordinateur du Parti de Gauche s’est effacé au profit d’une tête de liste communiste dans la mesure où il s’agissait de l’exigence du secrétaire national du PCF, Pierre Laurent et que nous voulions donner le signal du respect de sa fonction et de l’unité au sommet du Front de Gauche. C’est d’ailleurs en raison de ce sacrifice que s’est déchainé l’indignation des militants engagés dans la campagne électorale quand, après avoir construit cette unité, ils ont dû affronter la publication d’un sondage donnant Pierre Laurent à 2% et Eric Coquerel à 5%, affichage d’une division qui n’existe pas. Mais sans doute est-ce pour mieux masquer peut-être une union qui dérange les petits calculs de l’état-major du PS.
Si l’on en croit les vantardises du très bavard Julien Dray, le PS comptait sottement rééditer l’opération d’intéressement des communistes qu’Anne Hidalgo a fait dès le premier tour des municipales. Ce temps-là est fini. D’autres sondages ont donné la liste du trio Laurent, Coquerel, Autain à 10%. Et je crois fermement que leur liste fera mieux encore car toutes les conditions sont réunies pour cela. En tous cas, quoique je ne me mêle ni de négociations ni de conduite de campagne du fait de mon retrait de la direction du Parti de Gauche qu’anime désormais une équipe de vingt personnes coordonnées par Eric Coquerel et Danielle Simonnet, je serai aux côtés de Pierre Laurent et de la liste pour la soutenir au meeting du 4 novembre à Paris.
De tout ceci, je tire une leçon morose. Une nouvelle fois nous ne serons pas vraiment lisibles le soir des résultats, puisque les situations se sont créées d’après les humeurs locales, sans coordination ni négociation nationale. Je ne dirais jamais assez combien je déplore ce localisme et la tyrannie qu’il fait subir à tout le monde sans aucun recours possible.
Au niveau national, il nous faut donc assumer un tableau incompréhensible par les gens normaux et qui est le simple résultat de l’addition de stratégies locales et d’autant de baronnies. Le bonheur des fédéralistes est l’enfer de l’action politique organisé et responsable. Dans une élection plus nationale que jamais, dans des régions sans existence réelle, face à des partis nationalement centralisés, les partis de l’autre gauche s’abandonnent à un capharnaüm à pleurer. Le plus stupéfiant est de voir ceux-là même qui sont les plus bruyants pour réclamer dans les discours l’action et l’implication citoyenne refuser obstinément la mise en place d’assemblées représentatives des citoyens engagés avec les listes. Je ne dis que cela.
Pour finir, plusieurs cas se présenteront : les listes Front de Gauche uni, les listes « Front de Gauche communiste », les listes du Front de Gauche et d’EELV, les listes du Parti de Gauche et d’EELV. Deux régions seulement sont dans la configuration Front de gauche/EELV. Il faut les observer spécialement : il s’agit de PACA et Midi-Pyrennées-Languedoc-Roussillon. Je n’en dis pas davantage pour aujourd’hui.
Si l’on met de côté ce puzzle bigarré, comment lire sérieusement les résultats ? Quatre paquets se dessinent en cohérence politique, au delà des zizanies internes : les listes d’extrême-droite, les listes de la droite, les listes du gouvernement, les listes de l’opposition de gauche. Sur treize régions c’est simple à répartir et à calculer. Exemple dans le nord la liste EELV/PG (pour résumer) et la liste Communiste, quoique séparées sont toutes deux dans l’opposition de gauche. En Bourgogne Franche Comté la liste PS/PRG et la liste PS dissidents sont toutes les deux dans le camp gouvernemental. C’est tellement simple qu’on comprend que cela ne se fera pas.
Les faux monnayeurs du ministère de l’intérieur et les entreprises de sondages vont nous bidouiller une tambouille sur le mode qui a prévalu pour les départementales. En fait, tout l’enjeu pour eux est le résultat annoncé à 20 heures. La dernière fois le PS avait été annoncé à 28% à égalité ou presque avec la droite et surtout avec l’extrême droite. Le lendemain, il était retombé à 19% dans les calculs. Mais qui est revenu sur l’escroquerie de la veille ? L’essentiel pour le PS est que n’apparaisse pas l’existence d’une « opposition de gauche ». De manière à justifier le discours du « vote utile ». L’infecte sphère médiatique sert la soupe à grosse louche au tripartisme dont ses maitres ont tant besoin. Partout, même pour les sondages, ont ne publie que les trois premiers. Le fameux tripartisme est venu remplacer l’ancien bipartisme.
Inconvénient : ce n’est pas la réalité et c’est une forme de bourrage de crâne. Avantage: ils nous foutent la paix pour travailler et la détestation à leur égard progresse chez les gens qui n’aiment pas se faire manipuler.