Visite d'une entreprise de salaison par Jean-Luc Melenchon

Ce dont Boulogne est le nom

Ma visite à Boulogne-sur-Mer fut une réussite. Le soir, il n’y avait pas assez de chaises pour accueillir les 700 personnes venues assistes à la réunion publique ! La presse locale a bien relayé ce succès. Mais aussi le contenu de ma visite sur le thème de l’économie de la mer : visite d’une entreprise de fumaison-salaison de poissons, déjeuner avec des entrepreneurs dans les énergies renouvelables marines, échange avec des syndicalistes de la pêche, du mareyage et du port. Je trouve dommage que  mon discours sur la pauvreté ait été ignoré. C’était pourtant l’une des raisons du choix de cette ville. Je ne suis pas allé à Boulogne-sur-Mer par hasard. Cette ville était un bon symbole pour mettre au cœur de notre campagne plusieurs questions.

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Boulogne était le bon endroit pour parler de la pauvreté et de l’emploi. La région Hauts-de-France détient le triste record de France du taux de pauvreté et du taux de chômage en métropole. Dans cette région, plus d’un million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 1000 euros par mois. Cela représente plus de 18% de la population quand la moyenne nationale est de 14%. Dans la ville de Boulogne, c’est encore plus sidérant. Une famille sur trois est pauvre. Ce ne sont pas que des chiffres : ce sont des êtres humains, et en particulier souvent des enfants.

La pauvreté n’est pas seulement une question financière. C’est une réalité humaine globale. C’est d’abord une question de dignité quand on voit les insultes mensongères des puissants contre les supposés « assistés » qui vivraient mieux des allocations qu’en travaillant, alors que l’écart de revenu atteint 300 à 500 euros selon les situations. C’est aussi une question de santé alors qu’un Français sur trois renonce à se soigner, et que la région Hauts-de-France concentre le record d’AVC et deux fois plus de diabétiques que la moyenne nationale, sans oublier l’épidémie d’obésité liée à la malbouffe vendue aux pauvres gens. C’est aussi évidemment l’emploi, le logement, l’éducation, l’accès à la culture etc. C’est cette réalité humaine que j’ai pointée dans mon discours en proposant de faire de la lutte contre la pauvreté une priorité absolue de notre programme et de notre action au pouvoir demain.

Boulogne et sa région sont aussi un territoire martyr du chômage qui ronge notre pays. Dans les Hauts-de-France, le taux de chômage atteint 12,3% de la population contre 10% en moyenne nationale ce qui est déjà énorme. La veille de ma venue, on apprenait que le nombre de demandeurs d’emploi avait explosé de 80 000 personnes supplémentaires au mois d’août. L’échec de la politique de François Hollande est total, comme nous l’annoncions depuis des années.

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Dans mon discours, j’ai donc fait une large place à nos propositions pour revenir au plein-emploi : relance de l’activité par la planification écologique, transition énergétique, révolution agricole, économie de la mer etc. Évidemment, l’économie de la mer a occupé l’essentiel de ma présence et de mon expression sur place. C’était le bon lieu pour expliquer comment j’entends créer 300 000 emplois supplémentaires dans l’économie maritime. Comment aurait-il pu en être autrement ?

Boulogne-sur-Mer est le premier port de pêche français et le premier centre européen de transformation des poissons et autres produits de la mer. Plus de 5000 emplois en dépendent dans le Boulonnais. La visite de l’entreprise artisanale de fumaison-salaison de poisson Corrue & Deseille était donc une volonté de voir sur place. J’y ai découvert une activité très artisanale, avec un savoir-faire professionnel particulier souvent manuel, mais aussi des conditions de travail rudes (horaires, froid…) malgré des efforts que m’a exposé le dirigeant Pierre Corrue pour alléger certaines tâches.

Le lendemain matin, j’ai rencontré des syndicalistes de la pêche, du mareyage et du port. Tous m’ont tenu le même discours : les entreprises du secteur souffrent du climat économique général mais aussi de la concurrence déloyale des entreprises soumises au droit social d’autres pays pour leurs navires ou exploitant des travailleurs détachés dans la zone industrialo-portuaire. À ce sujet, délégué du personnel et patron de l’entreprise Corrue m’ont tenu un langage très proche. Je le résume à grands traits par une formule « oui à des normes sociales, mais les mêmes pour tous ». C’était autant une critique du dumping organisé par l’Union européenne que des menaces que fait peser la loi El Khomri sur l’unité des règles sociales à l’intérieur d’une même branche professionnelle en France.

L’écologie n’était pas absente : un syndicaliste CGT fin connaisseur du port m’a aussi appris que la majorité des poissons transformés à Boulogne arrivait… par camion et non par le port. Mais aussi qu’il y a une trentaine d’années, une gare ferroviaire était installée dans le port et reliée directement au marché de Rungis en région parisienne. La gare a fermé depuis. Et Alstom manque désormais de commandes pour des locomotives de fret. Le monde à l’envers. La loi du marché et la politique de l’offre à plein régime

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