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Message de Jean-Luc Mélenchon à Benoît Hamon. Pour en savoir plus sur le meeting de Lyon, cliquez ici. Pour en savoir plus sur le meeting de Paris, cliquez ici.

Retrouvez la retranscription de cette vidéo :

Bonjour,

Je m’exprime devant vous de cette façon parce que, comme vous, je vois que la campagne pour l’élection présidentielle dans laquelle je suis candidat entre dans une grande turbulence et que cela mérite réflexion.

Vous avez vu qu’après que messieurs Juppé et Sarkozy aient été éliminés de cette élection, après que le président de la République en exercice ait dû renoncer à venir défendre son bilan devant les Français, c’est au tour de monsieur Fillon, dorénavant, d’être lui-même dans la tourmente. Et beaucoup d’observateurs pensent que, d’ici à quelques jours, son rôle deviendra intenable compte tenu de ce que les médias et les enquêtes lui reprochent. Clairement, nous entrons dans une zone de grandes turbulences. D’autant que, dimanche dernier, l’élimination de monsieur Valls a terminé ce tableau.

Que se passe-t-il ? Et bien je crois que tout le monde le voit simplement : que ce soit dans un parti ou dans l’autre, de toute façon, il y a un courant qui pousse à dégager les responsables de la situation que nous vivons aujourd’hui. Cette vague, elle est d’une puissance terrible. Et qui essaye de s’y opposer sera emporté. Et tant mieux ! Il faut ouvrir des perspectives positives mais personne ne fera rien contre cette volonté générale qui s’exprime aujourd’hui.

Pour ma part, j’ai choisi mon camp. Et depuis un moment, vous le savez. M’a-t-on assez reproché d’avoir dit : « On vote, ils dégagent ». Bon, c’était un peu piquant, mais enfin il faut bien admettre que ça correspond à l’état d’esprit des Français qui se manifeste aussi bien d’ailleurs à droite qu’à gauche.

À ce moment, après l’élimination de monsieur Valls, monsieur Benoît Hamon s’adresse à moi et il dit qu’il me tend la main. Et bien j’en suis heureux. Car, d’une façon générale, ça change d’avec ce que j’ai connu pendant les dix dernières années, où personne ne me parlait sur ce ton. J’ai noté aussi le nombre des mots de mon vocabulaire et de mon programme qui étaient repris par lui et j’en suis enchanté. Je considère que ça fait avancer les idées et je ne réclame pas de droits d’auteur, au contraire : plus on partage, plus je suis content. Je l’ai toujours dit et je crois que pensent comme moi beaucoup de gens.

Doit-on se parler ? Mais évidemment qu’on doit le faire. Moi, je suis partisan d’une pratique républicaine de l’échange et du dialogue. On doit pouvoir se parler dans ce pays. Vous voyez, quand j’arrive dans une ville comme Tourcoing pour y faire un meeting, ou Toulouse, où j’ai fait mon pique-nique, ou bien encore Périgueux, le maire de la commune n’est pas de mon bord et nous n’avons pas du tout l’intention de changer d’avis. Et pourtant nous nous rencontrons et nous parlons, et je suis accueilli d’une manière tout à fait courtoise dans ces municipalités. Alors, à plus forte raison, je pense que cela doit être possible pour moi de parler avec Benoît Hamon que j’ai connu comme responsable du syndicat étudiant, comme dirigeant du mouvement de la jeunesse socialiste, et ensuite comme ministre. Par conséquent, il n’y a rien qui s’oppose à ce qu’on se parle.

Mais ce n’est pas une affaire de rapports personnels, cette affaire-là. C’est une affaire de fond : de quel côté se place-t-on pour la suite des évènements et pour la façon de gérer le pays à partir de l’élection de 2017. Je demande qu’on y réfléchisse : on n’est pas en train de faire un congrès de parti, on est en train de préparer l’élection pour une période historique où la France va peser très lourd dans la balance sur des grandes questions : traités de commerce internationaux, traités européens… enfin, toutes ces questions arrivent sur la table. Donc il faut y aller avec de l’ordre, de la méthode et une clarté absolue des points de vue. Et puis pas de double langage : plus personne dans ce pays n’a l’intention de se faire faire une deuxième fois le coup du Bourget, c’est à dire un grand discours, extrêmement flatteur à entendre aux oreilles, suivi de pratiques qui sont exactement à l’inverse.

Benoît Hamon, qui est le vainqueur de la primaire du PS, s’adresse à moi. Alors j’ai regardé attentivement ce qu’il me demandait. J’ai bien vu qu’il n’a pas l’intention de mettre en cause sa candidature. Il ne la met pas en discussion entre nous. Bon. Il a tranché la question dans un entretient avec monsieur Bourdin. Et je vous demande de… plutôt que de le dire moi, autant que ce soit lui qui le dise avec ses mots. Voici :

— Extrait Benoît Hamon —
Benoît Hamon : On n’est pas candidat à l’élection présidentielle pour faire un tour de piste.
Jean-Jacques Bourdin : Donc vous irez jusqu’au bout ?
Benoît Hamon : Mais je l’ai déjà dit lors des primaires.
Jean-Jacques Bourdin : Donc vous irez jusqu’au bout ?
Benoît Hamon : J’irai jusqu’au bout : il y aura un bulletin de vote Benoît Hamon à l’élection présidentielle
—Fin de l’extrait —

Bon, vous avez entendu. Donc, maintenant, que me propose-t-il ? De former une majorité gouvernementale parlementaire cohérente. Alors je dis, en toute sympathie, à Benoît Hamon : ce n’est pas possible que vous nous demandiez de former une majorité parlementaire gouvernementale cohérente, comme vous le dites, en mélangeant des gens qui veulent tourner la page, comme nous, avec des gens qui sont responsables de ce qu’il y a sur la page, comme c’est le cas des députés que vous avez l’intention d’investir pour la prochaine élection à l’occasion de votre convention. Car nous allons retrouver des gens dont je vous demande comment nous faisons pour ensuite former une majorité avec eux puisque nous les avons combattus pendant des années.

En fait, pour être plus concret, comment voulez-vous former une majorité pour abolir la loi El Khomri avec madame El Khomri comme députée du PS ? Comment voulez-vous qu’on abroge toutes les brutalités auxquelles le président du groupe du PS Bruno Le Roux s’est abandonné avec monsieur Bruno Le Roux comme candidat ? Comment peut-on même imaginer de changer quoi que ce soit alors que vous vous proposez de faire réélire comme député d’Évry monsieur Manuel Valls ? Ce n’est pas sérieux. On ne fera croire à personne que tout cela peut fonctionner ensemble puisque ça n’a déjà pas fonctionné ensemble jusque là.

Alors j’admet que vous ayez voté le soutien au Premier ministre de François Hollande, le dernier en date, mais vous ne pouvez pas nous demander de participer au grand-écart dans lequel vous vous trouvez. Et puis ce n’est pas tout : vous nous demandez aussi de former une majorité cohérente avec des députés de votre parti qui se préparent à voter pour monsieur Macron. Mais rien de tout ça n’est sérieux ! On ne peut pas gouverner un grand pays avec des équipes de bric et de broc, les uns qui ont été contre les autres pendant des années, tout soudain se retrouvant et s’embrassant sur la bouche. Assez de carabistouilles, c’est le moment de la clarté.

Je dis donc à Benoît Hamon, en toute sympathie : maintenant, il faut choisir. Vous avez une vague qui est en mouvement. Alors adossez-vous à elle. Faites-vous porter à elle. Choisissez. Entre eux et nous, choisissez. Entre la vague dégagiste et le sauvetage de l’ancien monde, choisissez. Choisissez et tranchez.

Parce que nous, nous ne changerons pas d’avis : nous voulons tourner la page, nous voulons passer à la 6e République, nous voulons sortir des traités européens, nous voulons la planification écologique, nous voulons sortir de l’OTAN, et ainsi de suite. Nous voulons le partage des richesses, d’une manière claire et nette dans ce pays, en faveur de ceux qui ont été détroussés par les deux derniers présidents de la République. Nous voulons que la vie change pour ces millions de pauvres, de gens qui n’ont plus de logement, qui sont dans la rue, et qui n’ont rien à faire de nos arrangements. Ce qui compte pour eux c’est que la vie change pour de vrai, et on ne la changera pas en rafistolant le vieux monde.

Enfin, je vous dis ça, c’est mon point de vue. Vous l’aurez entendu, cher Benoît Hamon, et moi j’entendrai la réponse que vous me donnerez samedi, en fonction du fait que vous aurez ou non investi ces personnes qui n’ont rien à faire dans la majorité parlementaire que vous nous proposez de composer avec vous. En tout cas, nous, de ce genre d’équipage, nous ne ferons jamais partie.

Enfin, pour vous tous qui m’écoutez, je vous donne rendez-vous ce dimanche à Lyon. J’espère que vous serez nombreux au meeting que j’y organise. Parce que ce jour-là, à Lyon, il y aura, entre les deux fleuves, la Saône et le Rhône, les trois grandes pensées qui animent notre époque : le communautarisme de madame Le Pen, parce que ce n’est que du communautarisme ce qu’elle fait ; l’indifférence aux autres qu’incarne le libéralisme de monsieur Macron, qui propose l’ubéralisation pour tous ; et notre pratique à nous, l’humanisme, celui de la solidarité, de la coopération plutôt que de la compétition, et de l’universalisme, c’est à dire que nous pensons que tous les êtres humains sont semblables par leurs besoins et que, dès lors, ils sont égaux en droits pour y trouver une réponse, à ces besoins.

Ça, c’est l’enjeu. Voilà. J’espère que vous serez aussi nombreux. Alors à Paris aussi, hein ! Ça a lieu aux Docks d’Aubervilliers. Là, il y aura mon hologramme donc ça sera pour vous l’occasion de découvrir ce que tout le monde sait : quand l’esprit humain invente, quand on ne lui pose pas avant des conditions de couleur de peau, de religion ou de genre, et bien l’imagination se déchaîne et elle met en partage les savoirs. C’est ce que la science nous apprend et j’en suis tellement heureux.

Encore un mot. La veille, samedi, je serai dans un petit village de Haute-Saône qui s’appelle Champagney. J’y vais parce que l’année 1789, les gens de ce petit village, comme dans quelques autres petits villages de France, ayant appris qu’on faisait la traite des esclaves, ont été indignés de le savoir. Et ils ont écrit, dans leurs cahiers de doléances et leurs lettres au roi qu’on ne pouvait pas traiter les gens de cette façon puisque tous les êtres humains étaient semblables. Ils utilisent, pour la première fois, ce mot dans le vocabulaire politique, et ils le répètent dans leurs textes. Si bien qu’ils ont témoigné pour notre honneur du fait que quand le peuple français a eu a s’exprimer sur cette question, il était contre. « Et pourquoi, me direz-vous, ce samedi-là ? ». Et bien parce que c’est le 4 février et la première abolition de l’esclavage en France dans la grande Révolution de 1789, a eu lieu un 4 février. Et je voudrais marquer d’une pierre blanche cet instant, ce moment magnifique.

À notre tour d’être dignes de nos anciens. Ne supportons pas l’esclavage social qu’endurent tant de gens dans ce pays, qui souffrent au travail. Ne supportons pas l’esclavage de la relégation auxquelles tant de personnes sont contraintes par le chômage. Ne supportons pas la condition de « sous-citoyens » de ceux qui n’ont même plus d’adresse parce qu’ils sont dans la rue et n’ont plus aucune capacité de participer à la vie de la communauté humaine. Voilà ce que signifiera ma présence ce 4 février et je suis heureux de pouvoir vous en parler.

Bon, bref, d’ici dimanche, on aura les réponses à mes questions. Je les redis, pour le cas où il n’aurait pas compris : Benoît Hamon, choisissez entre eux et nous.

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