C’est une nouvelle qui a de l’importance à mes yeux. La Commission européenne a décidé de punir la Pologne. Il s’agirait de lui supprimer le droit de vote au Conseil de gouvernement de l’Union. Le motif officiel concerne l’appréciation que la Commission a des réformes de la justice prévue par le gouvernement polonais du PIS. Il s’agit d’une décision sans précédent. Il est d’autant plus surprenant qu’elle ait été prise qu’elle n’a aucune chance d’aboutir. En effet la Hongrie, dirigée par Viktor Orban, ne le permettra jamais.
Bien sûr le motif de la punition est sérieux. Le gouvernement polonais, réactionnaire, nationaliste et obscurantiste prend des mesures qui, aux yeux de l’Union, constituent une menace pour l’indépendance de la justice de ce pays. Mais personne ne peut croire que cela émeuve sérieusement l’Union européenne, elle qui est capable de pactiser avec des néonazis en Ukraine. Le motif doit être plus puissant et la question des droits de l’homme, comme d’habitude, doit être un prétexte. Au demeurant peu importe. Le fond de l’affaire est sérieux. C’est la deuxième fois en peu de temps que l’Union prétend régir les décisions intérieures de ce pays. La première fois, ce fut lorsque le mandat du précédent président du conseil, Monsieur Donald Tusk, vint à échéance. Tusk est polonais. Un bon Polonais conforme aux normes européennes, c’est à dire allemandes. Le gouvernement allemand en effet fut le premier à émettre l’idée que Monsieur Tusk pourrait obtenir un second mandat de président. Aussitôt, le président français, c’était alors François Hollande, approuva comme d’habitude. Mais les Polonais, eux, avaient un autre candidat. L’Allemagne et ses satellites ont donc imposé de force un Polonais, membre de l’opposition dans son pays qui ne convenait pas au gouvernement polonais nouvellement élu. C’est une première dont la brutalité n’a pas été discutée.
Bien sûr, le président du Conseil de gouvernement n’a aucune autorité. Cette présidence n’est donc pas un enjeu. Mais l’événement dans ce cas est dans la violence contre un gouvernement qui récuse la candidature d’un de ses compatriotes. Imaginons ce que serait notre réaction si le gouvernement allemand proposait une candidature française contre l’avis du gouvernement français ! À présent, voici la menace la plus extrême qui ait jamais été faite, pour des raisons politiques, à un État membre de l’Union. Une autre partie se joue, c’est évident. Dans un passé récent, un autre gouvernement autoritaire s’était confronté à l’Union. C’est celui de Monsieur Orban en Hongrie. Orban ne céda rien. Il obtint tout. Ainsi vit-on le président du groupe de la droite européenne, c’était à l’époque un Français, l’embrasser en plein hémicycle sous les applaudissements de ses collègues. Tout cela dans l’indifférence la plus complète des traditionnels et perpétuels donneurs de leçons de morale européenne.
L’opération reprend cette fois-ci en direction de la Pologne. Évidemment, les raisons de s’inquiéter, concernant le gouvernement hongrois comme à propos du gouvernement polonais, sont réelles et sérieuses. Ces deux pays, après bien d’autres dans l’ancienne Europe de l’Est, sont en pleine dérive nationaliste, autoritaire et obscurantiste. Tout en piétinant l’essentiel de ce que nous croyons être des principes fondateurs de nos démocraties, ces deux pays ont fait amplement allégeance aux USA. C’est en Pologne que se trouvent des troupes américaines depuis peu. Et c’est là qu’est installée la batterie de missiles antimissiles qui menace la Russie et dont l’installation a été approuvée par François Hollande alors même qu’elle ruine la stratégie de dissuasion française. Je le mentionne pour signaler que les gouvernements de ces deux pays se fichent en effet comme d’une guigne de tous les discours mielleux et enchantés qui nous sont faits de l’Europe et de ses vertus démocratiques. Ils sont clairement et ouvertement bellicistes à l’égard de la Russie, mais évidemment dans les conditions de leur propre histoire, de leurs propres objectifs. La vision glamour de l’Europe n’a aucune prise sur eux tandis qu’elle sert à saouler et abrutir et même à empêcher de penser dans nos régions.
Pour ma part, je ne retiens qu’une chose de cette séquence. L’Union se donne le droit d’évaluer ce qu’est une bonne réforme de la magistrature et une mauvaise. C’est ce qu’elle est en train de faire en Pologne. Elle menace de sanctions, non pour les appliquer, mais pour faire constater son droit de menacer. Elle le fait à un moment où le Conseil de gouvernement est dirigé par un polonais que la Pologne a récusé. Dans ces conditions, la raison sérieuse d’être inquiet de l’évolution du régime polonais ne peut faire perdre de vue la signification de la réplique qui lui est opposée.
Sommes-nous d’accord pour que, après que l’Union européenne puisse décider de sanctions contre nos pays si nous n’appliquons pas la politique économique qui lui convient, elle puisse également intervenir sur des questions qui relèvent strictement la souveraineté d’un État, à savoir l’organisation de sa magistrature ? Est-ce bien cela que nous voulons ? Est-ce une évolution que nous approuvons ? À cet instant, et pour mieux impliquer mes lecteurs à la réflexion, je n’exprime pas de point de vue personnel. Je veux seulement alerter et m’assurer que chacun a bien compris le sens de ce qui se passe. Si demain nous gouvernons, sommes-nous prêts à admettre les injonctions qui nous serons faites sous prétexte que nos lois sociales menacent les droits de la propriété privée ? Par exemple. Sans oublier la violation des Droits de l’Homme que serait le fait de retirer leurs mandats sociaux aux fraudeurs du fisc ? Et ainsi de suite.