macron point

31.10.2017

« Avoir le point » ou pas

J’ai dit au fil d’une discussion avec les journalistes qui m’accompagnaient à Athènes que « pour l’instant, Macron a le point ». « Pour l’instant » n’y fit rien, même si j’ai dit déjà la même chose à TF1 il y a quinze jours. Ici, 24 heures plus tard j’aurais reconnu avoir « perdu une bataille » ! Rien de moins ! Et ainsi de suite d’une rangée de moutons médiatiques à l’autre. Et comme la joie n’a pas de frontière, j’ai même retrouvé l’information telle que reformatée par les machines à buzz française dans la presse espagnole. Le buzz a donc fonctionné, étouffant aussitôt tout le reste de ce que j’ai dit et fait en Grèce. Nouvelle vérification du fait que la sphère médiatique ne rend pas compte de l’actualité mais la fabrique dans un format sensationnaliste correspondant au niveau de culture qu’elle suppose rencontrer chez ses lecteurs. Je dirai que son but n’est pas d’informer mais d’empêcher de penser.

Car mon propos n’était pas celui d’un commentateur mais celui d’un protagoniste engagé dans une lutte pour la défense de ce qu’il croit fondamental. Je ne pousserai pas l’impudence jusqu’à rappeler qu’un plus illustre que moi fit en son temps la distinction entre perdre une bataille et perdre une guerre. Et fonda toute sa stratégie sur ce constat. Combien sauraient de quoi je parle dans ces médias ? Que comprennent-ils à une nuance ? Mon intention est d’interpeller les miens, ceux de ma famille politique et sociale. Comment je sais que Macron a le point aujourd’hui ? Parce qu’il peut se permettre d’avancer sur tant de front sociaux sans ralentir. Comment est-ce possible alors qu’il n’a pas de base sociale pour sa politique dans le pays ? Voilà la question que je pose. Je le fais non pour poser une question mais pour faire comprendre qu’il faut une réponse concrète.

La forme et la tactique de résistance à la politique du gouvernement ne peut plus rester enfermée dans le « chacun de son côté ». Il est plus que temps d’organiser la jonction des efforts entre le mouvement social, associatif et les forces politiques de la résistance au coup d’État social. Je prends la responsabilité de le dire haut et fort avant qu’il ne soit trop tard. Et je ne vois pas d’intérêt à appliquer des piqûres de ciment en niant ce que tout le monde sait et voit. Quand la CFDT invite a une réunion qui se finit dans un bistrot parce que la centrale a refusé de prêter une salle à ceux qui ne sont pas de son avis et qu’elle congédie, un seuil dans le dérisoire n’est-il pas franchi ? Et combien d’autres choses à pointer. Comme ces négociations séparées de certaines branches professionnelles, cruel démenti du système syndical confédéré où la force du collectif est poussée à s’émietter.  Ne pas accepter de le voir, c’est renoncer à imaginer la réponse à la question : comment inverser le cours des évènements ? Voilà la seule question qui vaille. C’est celle que je pose.

Bien-sûr, le 16 novembre, il faut être dans la mobilisation syndicale. Comme à chaque étape, « La France insoumise » mobilise aux côtés des syndicats alors que l’inverse n’est jamais vrai. Personne, y compris parmi ceux qui donnent des leçons, ne mobilise autant. Mais on ne peut en rester là, tel est mon message. Contre les ordonnances, il ne s’agit pas de faire un baroud d’honneur. Il s’agit de mener une lutte avec clarté sur l’objectif et les moyens de l’atteindre : faire reculer le pouvoir, sauver nos acquis sociaux et une  manière de vivre en société ! C’est de cela dont on parle. Le 23 septembre, dans mon discours place de la République, conformément aux conclusions de notre groupe parlementaire, j’avais fait le geste de nous mettre en retrait en appelant les syndicats a diriger tout le mouvement et en proposant une marche générale avenue des Champs Élysées. La suite, nous l’avons sous les yeux. La stratégie qui a échoué face à El Khomri a encore moins bien marché face à Macron. Je ne vois aucune raison de faire semblant de ne pas l’avoir vu.

Car de notre côté, dans l’hémicycle, nous nous sommes trouvés progressivement absolument seuls sur la barricade. Le débat du projet de loi de finance de la Sécurité sociale a pu être bouclé en quatre jours pourtant annoncés de longue date sans un seul instant de mobilisation spécifique. Une nouvelle fois, le dogme du « mouvement social indépendant de la politique » a montré sa limite. Je le dis parce qu’à ce rythme tous les acquis sociaux essentiels du pays vont y passer et nous aurons été cloués dans une double interdiction : interdit de critiquer « la seule politique possible » d’un côté, interdiction de discuter de l’organisation de la lutte de l’autre.

La « Charte d’Amiens » sans cesse invoquée une nouvelle fois aura eu bon dos. Il serait temps que nombre de ceux qui s’y réfèrent pour stigmatiser la présence des organisations politiques dans le combat social se demandent si ce document qui date de 1905 et résulte de la bataille entre marxistes et anarchistes au début du siècle précédent doit rester un dogme sans nuance 111 ans plus tard. Car ce texte fixe une stratégie d’unité ouvrière en tenant à distance les « sectes socialistes » (à l’époque, en 1905, il y a cinq partis socialistes) pour permettre le déclenchement de la « grève générale révolutionnaire »… Parmi les dirigeants du mouvement social actuel, qui a l’intention de préparer aujourd’hui une « grève générale révolutionnaire » comme cela est prévu dans la « charte d’Amiens »? Personne !

Il faut donc en finir avec cette hypocrisie. Il faut savoir faire équipe et savoir joindre les efforts de mobilisation entre la sphère politique et la sphère du mouvement social. Et je dis le mouvement social en pensant non seulement au syndicalisme mais à tout l’univers associatif, lui aussi laissé de côté à présent en dépit de ses propres efforts pour se mobiliser. Bref, nous avons besoin d’une convergence populaire. En tous cas je le dis clairement : les organisations politiques ont toute leur place dans la mobilisation et la conduite du mouvement de résistance sociale. La jonction entre elles et les organisations du mouvement syndical et associatif est indispensable face à la politique de Macron. Car cette politique vise en fait, à partir du terrain social, à une reconstruction politique générale de la société. Ce n’est donc pas seulement une « question syndicale » qui est posée. Ni la refonte du code du travail, ni la destruction de la Sécurité sociale ne sont des questions exclusivement syndicales. Ce sont des questions de société qui ont un contenu hautement politique comme nous ne cessons de le dire à la tribune de l’Assemblée et au pays.

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