Mots et maux

Tout bien pesé, Macron n’est-ce pas Orbán ? Le néo « dictateur » hongrois avait été élu une première fois comme libéral. Le peuple hongrois l’a vomi. Il a donc élu ensuite une sorte de François Hollande. Orbán est alors revenu au pouvoir à l’élection suivante. Mais cette fois-ci avec le programme politique de l’extrême-droite. C’est-à-dire celui des libéraux emballé dans du papier nationaliste et raciste. Et il tient. Ses députés sont arrivés pour certains en uniforme à l’Assemblée nationale. Et depuis est apparu le mot « illibéral » pour nommer cette nouvelle forme de droite. Le mot est choisi pour que le mot contraire soit valorisé. « Illibéral » ce serait le contraire de libéral en quelque sorte. Une ruse grossière ! Car « l’illibéral » c’est du libéralisme sans l’emballage des mots de la démocratie. Les pouvoirs libéraux y sont tous conduits mécaniquement. C’est leur pente naturelle. Le libéralisme veut faire triompher le marché et pour cela ils déréglementent tout. Et pour y parvenir il doit détruire la source de toutes les réglementations c’est-à-dire… la méthode de la représentation politique par la démocratie, les libertés publiques et individuelles qui y contribuent. Tout ce qui meurt en ce moment sous nos yeux. Macron est donc Orbán en ce sens que progressivement il adopté le vocabulaire de l’extrême droite, ses projets, ses propositions. Tel est le bout du voyage avec lui. Immigrationniste, changement de sexe a la mairie, après l’apologie de Pétain et Maurras : le vocabulaire c’est l’homme.

« Majorité présidentielle ». Imperturbables, les répondeurs automatiques médiatiques continuent à parler de « majorité présidentielle » pour désigner les restes de la tribu macroniste. Les mots parfois collent aux dents davantage qu’un caramel mou. Pourtant, depuis 2022 il n’y a plus de « majorité » ni présidentielle, ni parlementaire, ni dans les urnes, ni dans la rue. Et de là d’ailleurs vient tout ce que nous vivons. Naguère la pluie de 49.3 et à présent la dissolution. « Majorité présidentielle » : pour eux c’est une marque de déférence. Comme « excellence » à un ambassadeur même s’il n’est bon à rien, « votre altesse » à un prince pourtant bien petit de toutes les façons, « monseigneur » à un cardinal avec qui vous avez joué à la pétanque… Et ainsi de suite. Mais la confusion mentale commence avec les mots qu’on utilise pour mal désigner les choses. Justement, ce lundi, le journal « La Croix » publie un grand entretien passionnant avec Frédéric Joly qui « décrypte notre incapacité à parler une langue commune ». Ce qu’il décrit est profond. C’est le processus de balkanisation du parler, mouvement inverse de celui de la créolisation. La créolisation vient de l’effort pour rester capable de dialoguer entre humains sur la base d’une création mis aussitôt en usage commun, en partage. La créolisation c’est l’universel en voie de réalisation. La balkanisation fonctionne à l’inverse. Elle épouse l’émiettement de la société. C’est le différentialisme en marche, en généralisation.  Alors les façons de parler s’enferment à mesure que les liens sociaux se fragmentent chaque jour davantage. Mais aussi avec la réduction des soucis d’expression à faire de la brièveté. Brièveté confondue avec performance. Naturellement je ne crois pas que le chaos actuel soit un échec de la langue commune. Mais je suis certain qu’il y contribue ou plutôt qu’il la favorise. En tous cas l’entretien est vraiment intéressant en dépit de la critique très dure contre moi. Mais je n’y vois pas davantage que la cotisation de base de toute personne soucieuse de conserver sa respectabilité dans la bonne société. On se contentera donc de prendre dans son propos ce que nous avons besoin de prendre pour penser. En tous cas, « la majorité présidentielle » tient ses derniers jours sur les seules lèvres d’une classe médiatique. Cette classe est peu soucieuse de savoir si sa langue n’est pas le principal symptôme de sa séparation d’avec le grand nombre. Ni si de telles absurdités ne contribuent pas à paralyser les discussions et la pensée puisqu’elle désigne des choses qui n’existent pas comme cette « majorité présidentielle » !

Combien ça coûte ? C’est la question du moment. Je vais montrer qu’elle n’a pas autant de sens qu’elle en a l’air. Les mots piègent ici la pensée. Mais déjà savourons le moment. Le coût du programme du Nouveau Front Populaire est scruté. Nous répondons à tout. Manifestement les chiffrages des fascistes et des macronistes intéressent beaucoup moins. Facile : ils n’ont pas publié de programme. Carrément. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas travaillé. Et parce que le modèle économique dont ils se réclament ne marche pas comme le prouvent les trois mille milliards de dettes et l’état de dévastation du pays. De notre côté, nous les insoumis nous sommes habitués à travailler davantage que tous les autres. Cet exercice nous prépare bien à l’exercice du pouvoir. Et sur ce sujet du programme et du chiffrage nous avons l’expérience de trois campagnes présidentielles. N’empêche : chiffrer, c’est un travail délicat. Surtout en présence de quatre organisations qui sont loin d’être toutes au même niveau de précision dans les évaluations. Ni même dans le niveau d’élaboration programmatique.

Le chiffrage du programme du « Nouveau Front Populaire » a été bouclé dans la nuit du 20 juin à 3h30 du matin après trois jours et trois nuits de discussion. Une par une chaque référence chiffrée a été vérifiée et discutée. Je peux parler de l’état d’esprit des insoumis. Nous avons une lecture simple du programme : tout doit être appliqué, de la première à la dernière ligne, et chaque mesure doit se lire dans une orientation de rupture avec la logique idéologique et pratique qui a prévalu chez les libéraux au cours des quarante dernières années. Le groupe de travail commun sur le chiffrage conclut son travail sur une séquence de trois budgets adoptés. Et cela donne cent cinquante milliards de dépenses et autant en recettes. La conclusion dit que les recettes et les dépenses continueront ensuite de croître comme cela est évident. Côté insoumis, nous avons donc chiffré sur cinq ans, soit la durée de la législature en cours. Et nous parvenons à deux cents milliards d’euros en cinq ans.
 

Alors, est-ce que 200 milliards d’euros c’est beaucoup ? C’est beaucoup, oui. Mais tout dépend par rapport à quoi ! Pour se faire une idée, le mieux est de se demander quel genre d’augmentation de la dépense publique cela représente. Ces 200 milliards, il faut donc les mettre en perspective. On voit alors que cela représente 18% d’augmentation des dépenses publiques de l’État et de la sécurité sociale. Non pas, en 15 jours, 100 jours ou même 1 an. Mais en 5 ans. Est-ce que cela permet de parler d’une « explosion de dépenses » ? Comment le mesurer ? C’est simple : en comparant avec les dépenses réalisées par d’autres gouvernements sur la même durée au cours des précédentes législatures ?

Comparons donc nos dépenses et celles des autres. Durant son deuxième mandat, Jacques Chirac a augmenté les dépenses publiques de 21%. Soit davantage que nous. Mais oui ! Trois points de plus. Sarkozy lui, c’était +15%. À peine moins que nous : trois points. En définitive, en appliquant jusqu’au bout le programme du Nouveau Front Populaire, on ne ferait guère plus que ces deux grands dépensiers. Alors ? On voit alors mieux que jamais ou est la différence entre droite et gauche ! Le fin mot de l’affaire est le suivant: on ne dépense pas pour les mêmes ! Pour nous, la dépense servira à faire la gratuité intégrale à l’école, à augmenter de 10% les fonctionnaires, à rendre des années de vie à la retraite, à restaurer l’hôpital et l’école publique, à investir dans les trains, les rénovations de logements ou les énergies renouvelables. Eux ont gavé de subventions sous forme de dégrèvement d’impôts de toutes sortes les « entreprises » c’est-à-dire en réalité les actionnaires. Autant de recettes en moins pour l’État. Résultat au budget suivant : du déficit et donc de l’emprunt et des coupes dans les dépenses de service public pour essayer de revenir à l’équilibre. Les libéraux se frottent les mains : d’une part, ils comptent sur le fait que le secteur privé occupe l’espace que n’a plus le service public d’un côté. De l’autre les dettes permettent au système bancaire de se remplir de profits disponibles pour le secteur privé et la spéculation dans la sphère financière. Pour eux, l’effondrement de l’État qu’ils provoquent est en tout point une bonne affaire !
 

Ce qu’il faut interroger c’est le sens des politiques économiques, plutôt que les chiffres eux-mêmes. Car les chiffres demandés n’ont de sens qu’à l’intérieur d’une façon de voir les performances d’un modèle économique. On devrait plutôt s’interroger sur des indicateurs de performances humaines. Mais en toute hypothèse le modèle néolibéral est contre-performant sur tous les tableaux. Il crée des dettes abyssales tout en dévastant les services indispensables accessibles aux populations. C’est cette page qu’il est urgent de tourner.

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