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A l'étroit au milieu des montagnes, la ville de La Paz escalade les pentes | ![]() |
Le passage d'une compagnie de téléphone à l'autre en France donne lieu a des désordres inouïs, tout le monde le sait. Pour moi ce n'était pas le moment. Ma ligne est coupée en direction de l'internet depuis trois jours. Sans crier gare, cela va de soi. Deux transmissions sont donc perdues en route. Cependant j'ai reconstitué mes deux notes évaporées et si ces lignes sont lisibles c'est que tout a pu être mis en place. Je suis à La Paz en Bolivie. Et la première chose que j'en retiens c'est que ça coupe le souffle d'être installé à plus de 4000 mètres d'altitude. La première journée est spécialement rude physiquement. On recommande aux amis dit-on de manger peu, de ne boire aucun alcool et de marcher lentement. Je le fais scrupuleusement. Ensuite quand on jette un oeil, tout est choc. 60 % de la population est indienne répartie en 35 groupes ethniques. Impossible de ne pas s'en rendre compte: costume, dégaine, interpellations, tout signale que nous sommes dans cet « extrême occident » dont parlait le professeur et ambassadeur de France Alain Rouquier. La carte des dominants et des dominés est donc aussi une carte ethnique. Et la domination a toujours été très féroce ici. Très.
Par conséquent, quand le néolibéralisme est venu faire ses merveilles, le peu qui était disponible pour espérer un avenir meilleur et intégrateur pour tous a disparu. Toute la propriété nationale a été vendue. Absolument tout. Même chez Pinochet le cuivre est resté propriété d'Etat. Ici : rien. La privatisation a aussitôt produit ses « bienfaits ». Exemple : les mines d'étain et d'argent rentables sur le moment sont restées exploitées. Les autres ? Devinez. Des milliers de mineurs et leurs familles ont été abandonnés à leur sort. Au lieu de constituer des start-up ou au pire de livrer des pizzas comme ils auraient pu le faire pour rester dans le coup, une partie est allée planter de la coca et les autres sont retournés exploiter à la pioche et au bâton de dynamite les mines abandonnées. Tout le reste est à l'avenant. Pillé de nouveau pire que jamais, le pays a été invité à choisir entre des libéraux et d'autres libéraux présentés dans divers emballages, dont le modèle local des partis membres de l'Internationale socialiste corrompus jusqu'à la moelle. Le président du Sénat de Bolivie, partisan de Evo Morales, monsieur Santos Ramirez Valverde, m'a dit : « Nous savons parfaitement que la gauche et la droite ce n'est pas pareil. Mais nous disons que nous ne sommes ni de droite ni de gauche. Car les gens ne les aiment ni les uns ni les autres parce qu'ils ont été aussi cruels et corrompus ».
La Paz est entouré comme dans un bocal par des hauteurs qui la surplombent et qui lui valent d'être comme une ville assiégée ou rien ne rentre et rien ne sort sitôt qu'il y a un conflit social ou politique. Et spécialement quand la population d'El Alto, juste au dessus de La Paz, se met en mouvement. Car ce sont des durs de durs à cuire. En 1952, il s'agissait d'un faubourg populaire peuplé de 11 000 personnes. La température oscille entre moins dix et plus vingt quand le ciel est dégagé. Aujourd'hui il y a là 800 000 habitants. Ceux là ont construit toute la ville de leurs propres mains.. Il y a là 81 % d'indiens. 75 % des familles n'ont accès à aucun soin médical. 40% de la population est analphabète. 20% n'ont ni eau potable ni électricité et 80% vivent dans des rues en terre. Ils pratiquent l'auto-emploi familial. Dans les meetings où tout le monde se déplace par famille sous le contrôle des comités de quartier, les gens crient comme principal slogan : « El alto debout, jamais à genoux ». Les belles personnes pensent que ce sont des animaux sales et dangereux. Le racisme dégouline à plein tonneau de tous les commentaires à leur sujet dans la bonne société. Toute patience épuisée, ceux-là et tous les autres ont explosé le système politique traditionnel et donné un très grand pouvoir politique à Evo Morales et son mouvement, le MAS, « Mouvement vers le socialisme ». Je leur donne raison. Et maintenant j'ouvre les yeux. Et je n'ai pas l'intention de me cacher mes propres questions. Pour ma part je ne comprends pas bien comment on articule indigénisme et droits universels. Je pose la question à tous ceux que je rencontre.