En 2007, il faut finir le travail du 29 mai


Tribune publiée dans Le Figaro le jeudi 25 mai 2006

Le Non au référendum a été vécu comme une humiliation personnelle pour les tenants du Oui de droite comme de gauche. Je ne m’explique pas autrement la jubilation morbide qui conduit tant d’entre eux à attribuer sans autre démonstration à ce vote l’impasse actuelle du projet européen comme les malheurs les plus divers que le pays endure, de la fin des quotas textiles chinois à l’arrogance blairiste contre la PAC. Il en a été de même dans la reprise du refrain qui fait du plombier polonais le symbole de la xénophobie des partisans du non ou l’existence d’un plan B que nous aurions annoncé. Pourtant le plombier est une invention de M. Bolkestein et le plan B une mauvaise plaisanterie de la Commission européenne.

Entre temps le plombier polonais a élu une majorité gouvernementale nationale-catholique anti-européenne depuis ralliée par l’extrême droite, et il est devenu moins romanesque d’invoquer sa radieuse appétence d’Europe. Quant à la panne du plan B, quelle comédie, quelle hypocrisie ! Les tenants du Oui de gauche n’ont pris aucune initiative en direction des autres partis de gauche et sociaux démocrates pour relancer le processus européen en tenant compte du vote négatif des Français et des Hollandais. Au contraire ils ont laissé les responsables européens de la sociale démocratie et des Verts répéter publiquement leur attachement à la mise en ?uvre prochaine de la Constitution.

A présent ce double jeu est patent. Avec la victoire du parti social-démocrate hongrois, de nouveau une majorité de gouvernements en Europe sont soit à direction sociale-démocrate, soit dirigés par des coalitions dont les sociaux-démocrates sont la clef. Or tous s’accordent pour vouloir que les votes de leurs parlements en faveur de la Constitution s’imposent aux peuples français et néerlandais. Dès lors chaque fois que de manière impudente les partisans du Oui de gauche invoquent l’inexistence d’un plan B, je me fais un devoir de leur rappeler que celui-ci dépend d’eux qui ont le pouvoir dans la moitié de l’Europe, et non de nous qui n’en avons aucun. La droite ne vaut pas mieux. C’est même pire. Une seule parole du président français retirant la signature de la France condamnerait séance tenante au néant la Constitution européenne. Il ne le fait pas. Droite et gauche du Oui qui ont les moyens d’agir n’en utilisent aucun. Dans n’importe quelle démocratie, cela ne serait pas admis. En France la solidarité des tenants du Oui se prolonge jusque dans la forfaiture. Ils sont ainsi complices de l’encerclement qui se prépare, où après avoir fait voter une majorité de parlements nationaux, on mettrait la France en demeure de céder ou de s’exclure. Au risque d’allumer une immense flambée nationaliste et de provoquer une crise dont personne ne sait qui sortirait gagnant. Ce nouveau parti du renoncement qui laisse trahir la volonté populaire de notre pays sera électoralement écarté, je l’espère de tout mon c?ur.

Il est possible de le faire en 2007. En effet, l’axe d’un bon plan B réaliste passe par la présidentielle en France. D’ailleurs les eurocrates partisans du Oui annoncent publiquement qu’ils comptent sur le renouvellement présidentiel en France pour trouver des interlocuteurs plus habiles que l’actuelle équipe de l’Elysée. Logiquement le c?ur du plan B du Non de gauche consiste à élire un président de la République issu du Non de gauche. Quelle serait l’autorité d’un président issu du Oui à l’heure où il lui faudrait demander à nos partenaires européens de renoncer à un texte qu’il a lui-même approuvé ? La logique, la raison, le respect du peuple et de nos partenaires exigent que le non français soit représenté par lui-même à la table des négociations. Ce serait un risque tout aussi grand d’élire quelqu’un qui refuserait de se prononcer sans ambiguïté sur l’essentiel à ce propos. Je dis bien sans ambiguïté.

En quoi consiste l’essentiel ? Il tient en quelques mots. Premièrement : « non c’est non, cette constitution ne sera jamais ratifiée ». Deuxièmement : « la France propose l’ouverture d’un nouveau processus constituant démocratique ». Pourrions-nous nous-mêmes, les tenants du Non de gauche, porter de façon réaliste cette ligne de conduite ? Cela ne fait pas de difficulté. Le calendrier institutionnel démocratique le permet. En 2007 nous pouvons élire un président issu du Non de gauche. Puis en 2008 la France présidera l’Union européenne pour six mois. Elle a donc la possibilité et même le devoir de faire ses propositions de relance du processus de construction européenne. Elle peut proposer de s’en remettre aux citoyens européens eux-mêmes. En effet, en 2009 se déroulera le même jour dans toute l’Europe le vote pour le renouvellement du Parlement européen. Les électeurs peuvent donc être saisis ce jour là d’une proposition de constitution ou bien ils peuvent être invités à donner par leur vote un mandat constituant à la nouvelle assemblée. Ce calendrier, c’est notre plan B. Il s’inscrit dans le déroulement normal de la vie institutionnelle démocratique de notre pays et de l’Union européenne. Mais il suppose un préalable simple : reconnaître la décision de la souveraineté populaire. Le non français doit être respecté. Je vois que ce respect n’est pas acquis aujourd’hui dans les élites françaises et européennes. Le travail du 29 mai n’est pas achevé. Mais il est dans nos moyens qu’il le soit en 2007.

Jean-Luc MELENCHON, sénateur PS de l’Essonne, porte parole de l’association  » Pour la République Sociale » (PRS)

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