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Au restaurant du Sénat (mais oui!) j’ai croisé mon collègue Jean Desessart, Sénateur Vert de Paris qui déjeunait avec une délégation de camarades de la gauche Colombienne. Le Pôle Démocratique Alternatif. Qu’est ce que c’est? C’est tout le monde à gauche en Colombie sauf le parti local de l’internationale socialiste qui s’appelle « Parti libéral » et colle des poings et la rose. Justement ce parti Social Démocrate s’est pris une sérieuse raclée électorale aux présidentielles de mai dernier. Il a chuté de 20 points, passant de 32 % en 2002 à 12 %. Et les radicaux alternatifs ont fait 22 % contre 6 % en 2002. Le blairisme colombien va mal. Je ne le plains pas. La discussion s’est engagée au débotté. La vague de gauche en Amérique latine prend bien des visages différents suivant les pays. Ce n’est pas fini. Ecoutez ça.
J’aimerais bien savoir de quoi on parlera le 5 novembre prochain! Ce sera sûrement très important. Mais quelque chose qui n’est pas totalement anecdotique aura lieu à coup sûr ce jour là. Ce sera l’élection présidentielle au Nicaragua. Le favori est Daniel Ortega. Il y a seize ans, ce « tyran rouge » cédait pacifiquement le pouvoir après une élection démocratique qu’il avait organisée. C’était la fin de la révolution Sandiniste. Pour les USA c’était une sacrée bonne nouvelle ! En effet les USA avaient beaucoup aimé et aidé le régime précédent, celui du dictateur Anastasio Somoza. Un animal cruel et cupide. Il avait bêtement perdu le pouvoir. Un enchaînement de maladresses. D’abord il avait fort malencontreusement volé l’aide internationale quand un tremblement de terre avait rasé la capitale (Managua) de son pays. Il s’est fait prendre à mettre en vente auprès des victimes le matériel offert par toutes sortes de pays donateurs. Il faut dire qu’il n’avait même pas attendu que les caméras de télé qui étaient venues filmer l’agonie des survivants soient parties vers un nouveau spectacle. Donc le monde entier a pu voir les sacs de nourriture et les tentes et les couvertures en vente sur les marchés! Puis, sans communiquer convenablement, il avait fait pousser dans le lac voisin, à coups de pelleteuse toutes les ruines de la capitale dévastée et sans doute les quelques personnes qui s’y trouvaient encore. Certes elles étaient bien mortes, rassurez vous, vu qu’aucun secours n’avait été organisé. N’empêche que tous ces détritus ont fini de pourrir le lac déjà pollué de façon libre et non faussée par la multinationale Nestlé. Les gens du coin ont trouvé que ça faisait trop ! Par contre, pour les Etats-Unis ce qui était de trop c’est la révolution qui a suivi.
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Ils ont donc commencé aussitôt le blocus du Nicaragua ! Entre autres choses ils ont miné les ports du pays. Les USA payaient aussi des mercenaires qui faisaient une guerre de guérilla et détruisaient un maximum d’installations que le gouvernement révolutionnaire avait créés par démagogie comme des écoles rurales et des hôpitaux, des routes et ainsi de suite. D’une façon générale, tous ceux qui conspiraient s’appelèrent des « contra ». Ce mot est resté et dorénavant il désigne les contre révolutionnaires dans tous les pays d’Amérique latine. Les contre révolutionnaires sont toujours soutenus par les USA. Les journaux libres et indépendants examinent avec soin les problèmes qu’ils soulévent à coup de sabotages et de guérillas concernant la démocratie et les droits de l’homme dans les révolutions. Là, la « contra » a eu du mal pendant près de quinze ans. Les Etats Unis les ont aidé de toutes les manières possibles.
CONTRA DE PROXIMITE
Pour être plus efficace et agir à proximité comme on dirait aujourd’hui, les USA ont aussi installé en une nuit une énorme base militaire dans un pays voisin du Nicaragua. Il est vraiment dommage qu’ils aient oublié de prévenir le gouvernement à propos de cette installation ! Heureusement le gouvernement de ce pays était composé de nationalistes en peau de lapin. De plus l’état major de son armée avait été formé à l’école de guerre des Amériques où les USA leur avait appris l’art d’attraper et de torturer les révolutionnaires mais pas celui d’empêcher une armée étrangère de s’installer chez eux. Pas un de ces dignes défenseurs de la Patrie et de l’indépendance nationale face au péril rouge ne sortit de sa niche pour aboyer. Ouf ! Cette base fut une merveille pour insécuriser des centaines de kilomètres de frontière tout en approvisionnant en armes et en matériel toutes sortes de mercenaires. Notamment certains groupes d’indiens dont le droit à la différence était mis à mal par la volonté des sandinistes d’envoyer leurs gosses à l’école, ou bien de regrouper les petits sourds dans des écoles adaptées ou bien de demander aux femmes si elles étaient d’accord quand on les mariait. Quand ils ont été informés de ce genre de mauvais traitements, les américains, qui aiment les indiens comme personne, se sont mobilisés à mort ! Toutes sortes de journalistes indépendants dans le monde ont été sensibilisés à la menace qui pesait sur la culture des autochtones et ils n’ont pas manqué d’en informer leurs lecteurs en toute indépendance.. A l’époque, à Miami, les fascistes de la mafia anti castriste hurlaient à mort nuit et jour sans discontinuer. Le gouvernement américain s’agitait donc comme un frelon sur une lampe. Pour payer davantage de matériel aux contras, les services américains trafiquèrent même avec les islamistes iraniens. Ce fut l’Irangate. Tous ces efforts ne furent pas vains. Les contras faisaient tant de dégâts qu’ils contraignirent la révolution sandiniste à consacrer la moitié du budget de l’Etat à la défense. Naturellement les USA dénonçaient aussitôt le budget belliciste du gouvernement révolutionnaire. Ils montraient aussi du doigt l’amitié des sandinistes avec Cuba qui fournissait des instructeurs pour l’alphabétisation ! Ils dénonçaient surtout les mesures contre la liberté de la presse. En effet, a intervalles réguliers les sandinistes interdisaient la distribution de journaux de droite. Les griots de la bien-pensance dans le monde libre et notamment en France exprimaient aussitôt leurs vives inquiétudes et tout le bla bla à quoi vous êtes maintenant habitués en matière d’hypocrisie. Là, ça battait déjà des records. Chaque fois que la révolution sandiniste autorisait de nouveau « toute » la presse à paraître (lire la presse de droite), les journaux « indépendants », « objectifs », et leurs journalistes pleins d’éthique au ras des narines publiaient des articles très intéressants à la une pour expliquer au gens qui achetaient leur journal comment saboter la distribution du courant électrique dans leur quartier ou comment ruiner les système de distribution d’eau et aussi comment faire pour avoir une chance d’assassiner le chef de l’Etat. Naturellement ces brutes de sandinistes ne tenaient aucun compte de la vive inquiétude des médias occidentaux et français en ce qui concerne la liberté d’expression dans ce fichu pays. Ils interdisaient de nouveau ces journaux alors même que ces derniers ne faisaient que leur devoir d’information au péril de leur vie. Evidemment tous les bien pensant déploraient ce retour aux « méthodes d’un autre age » du contrôle de la presse libre et indépendante.
PUR BONHEUR
Aussitôt après que la terreur rouge a fini avec une élection organisée par les tyrans, une ère de pur bonheur a commencé. Pour les riches. Les autres ont vu leur niveau de vie, déjà bien bas du fait de l’inéfficacité des rouges, divisé par trois. Les USA ont remballé leur matériel. Les médias bien-pensants n’ont plus jamais exprimé d’inquiétude pour la liberté de la presse dans ce pays ni pour la protection de la culture indienne. Cela doit vouloir dire qu’il n’y a plus de problème ou plus d’indiens depuis qu’ils bénéficient de la liberté de lire des journaux de droite s’ils savent lire. Un ou deux présidents voyous ont été pris la main dans le sac d’actes de corruption inouïs et en dépit de quelques fusillades dont personne n’a entendu parlé, la liberté a été maintenue. Patatras, voila les élections : ces gens qui n’ont aucune reconnaissance pour leur libérateurs se préparent a réélire Daniel Ortega et des sandinistes ! Il faut donc remercier l’ambassadeur des Etats-Unis au Nicaragua, Paul Trivelli qui a remis les pendules à l’heure en permettant à chacun de prendre la mesure de ses responsabilités. Il a fait une intervention en direction des citoyens du Nicaragua par l’intermédiaire de la presse dorénavant libre. Celle?ci s’est fait un devoir de mettre les informations proposées par l’ambassadeur des Etats-Unis à la disposition du public comme c’est son devoir en toute indépendance. La presse libre a donc répercuté librement les menaces que les Etats-Unis d’Amérique destinent à leurs réservoirs de domestiques latinos. Le pro-consul américain Paul Travelli a conseillé aux électeurs de « ne pas mettre en péril » les « excellentes » relations américano nicaraguayennes en votant pour un candidat « non démocratique ». Ca c’est de l’amitié bien comprise. Léonid Brejnev appellait ça la théorie de la souveraineté limitée. Ce qui est extraordinaire c’est de savoir que ce gringo, et les chefs qui le payent pour faire ce genre de menaces, croient réellement que ça va intimider les gens du coin. C’est certes une manière de leur dire : la dernière fois que vous avez voulu faire une politique de gauche on vous a pourri la vie à mort et nous recommencerons autant de fois qu’il faudra. Mais ça les gens le savent déjà?. En Bolivie les Etats-Unis ont donné le même genre de conseils. Tout compte fait les gens ont élu au premier tour un syndicaliste indien plutôt que le candidat de la bonne entente avec les américains, un assassin corrompu jusqu’à la moelle des os. Quels soucis !
OR ET OS
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Jeudi matin, sur le plateau de la Chaîne Parlementaire je participais à un débat sur la Bolivie, après un formidable reportage (j’ai des remarques à faire mais le reportage est vraiment très interressant) signé Julien Magne. Le journaliste sur le plateau, après avoir entendu mon collègue Rolland Duluart (un ci devant de l’UMP qui ferait pourtant figure de gauchiste en face de la droite bolivienne), s’inquiétait de savoir s’il n’y avait pas un risque de « volonté de revanche des indiens contre les blancs » sous la présidence d’Evo Moralès. Hum ! Madame l’ambassadrice de Bolivie a répondu. C’est une personne très posée qui parle le français avec beaucoup de soin. C’est une chanteuse très connue dans son pays. Une indienne. Elle a déclaré que les indiens voulaient inclure tout le monde et que d’ailleurs c’était ça l’esprit de la Pachamama, déesse nature que les indiens révèrent. Un ange est passé. Je pensais au vieux dicton des mineurs boliviens de la mine Siglo Veinte, là bas la haut à Potosi : « d’ici on a fait un pont en or jusqu’à Madrid et trois ponts d’ossements humains? ». Madame l’ambassadrice nous faisait un sourire sympathique et ses yeux brillaient de malice. Vous avez raison madame. Mieux vaut parler d’autres choses que de régler des comptes à propos des cinq derniers siècles de vie des 80% de la population bolivienne qui est indienne et qui n’a le droit de vote que depuis 1952. Le jour où était diffusée cette émission on apprenait que le nouveau pouvoir bolivien venait de conclure l’accord de nationalisation du gaz avec les sociétés qui l’exploitaient. La même semaine où chez nous le gouvernement français organisait la cession de GDF à un groupe privé ! L’accord bolivien c’est que dorénavant le partage de la rente est en moyenne de 80 % pour l’état bolivien et 20 % pour les compagnies privées. Jusque là c’était l’inverse? Quelle compagnie est aussitôt partie de Bolivie en claquant la porte ? Aucune. Avec 20% ça fait encore beaucoup d’argent à prendre. Et l’Etat quadruple ses recettes ! Je me demande quel genre de boniments nous seront servis quand la gauche voudra appliquer son programme qui prévoit le retour dans un pole public à 100 % de GDF et EDF. Car bien sûr vous aviez compris que les problèmes de l’Amérique latine et des révolutions démocratiques qui y cherchent leur chemin n’ont radicalement rien d’éxotique. Nous avons le même défi devant nous. Celui de la récupération de la souveraineté populaire.