Un nouveau Guéret est né

Si le temps vous a paru long depuis la précédente note publiée sur ce blog c'est qu'il m'a fallu à deux reprises retirer ce que j'avais écrit. J'y disais mon exaspération contre les conséquences pour moi de l'article manipulateur du journal « Le Monde » à propos de ma position dans la campagne électorale présidentielle. Mes amis ont eu la sagesse de me recommander de « laisser tomber ». Le droit au respect de l'expression de son opinion n'existe pas. J'espère seulement que le solide mépris que je constate de tous côtés contre ce type de pratiques et les manipulations incessantes des monopoles de presse et de pensée ira se développant. J'y contribue dans tous mes discours et je suis toujours vigoureusement applaudi sur ce point. Les Français savent bien quoi penser à ce sujet. Leur mépris vigilant fait partie des anti corps indispensables dont nous avons besoin pour la refondation républicaine de notre pays. Impuissant, écoeuré, je renonce à en parler davantage, puisqu'il n'y a rien d'autre qui soit possible. J'ai juste le souhait que de l'intérieur même de la profession la résistance morale, que j'ai pu aussi constater, gagne en influence. Je participe à la résistance en publiant à la suite de ma note le message de Clémentine Autain elle aussi victime de ces méthodes "journalistiques" répugnantes.

Le responsable des "macaq" ( c'est le nom de l'association) qui occupent l'immeuble à côté de la bourse est un homme jeune clair dans ses objectifs, ses méthodes de mobilisation, ses réferences républicaines

Jeudi, je me suis rendu à l'inauguration du " ministère de la crise du logement". Place de la bourse : un siège de banque occupé par des mal logés ! Quel symbole éclatant. Toute la vérité de la situation est dite dans cet emplacement…. J'y reviendrai. A présent je veux surtout parler de Firmi.

Samedi, j'étais à Firmi. C'est une commune de l'Aveyron située dans le bassin minier près de Decazeville. Je participais à une manifestation de défense du bureau de poste menacé de fermeture. Firmi c'est déjà une légende lointaine dans l'histoire du mouvement ouvrier. La culture de solidarité ouvrière et de lutte ne s'est pas perdue. Heureusement pour les gens du coin. Là bas, les gens doivent se battre pour tout : la maternité, le train, la poste, la gendarmerie. Tout. Les merveilles du monde libéral prévoient qu'ils n'ont plus droit à rien ! Mais les gens se battent.

Aux portes de la Bourse comme au bout du bassin minier, le pays est en état d' insurrection civique.

L'insurrection civique

L'insurrection civique va s'exprimer dans les urnes en Mai, cela va de soi. Vous souvenez-vous des files d'attentes interminables pour aller s'inscrire sur les listes électorales en décembre ? Je sais qu'un frisson de perplexité inquiète est passé sur maintes belles échines parfumées du petit monde politico médiatique parisien. Mais cela ne veut pas dire que le processus en cours ne fait son chemin que dans l'attente du jour des élections. Ni que le bulletin de vote pour l'élection présidentielle soit son unique forme d'expression. Ce bulletin de vote est un moyen fondamental, bien sûr et cela se confirme à chaque discussion. Les candidats cependant ne doivent pas s'y tromper. L'insurrection civique est une réalité plus ample. Elle implique les formes de la lutte elle-même. Elle lui donne sa forme, lui suggère des moyens d'expression et, dès lors, elle préfigure un projet politique où la souveraineté populaire est le c?ur de tout, même si les mots pour le dire ne sont pas toujours prononcés de cette façon. Cela change beaucoup de choses, vous aurez l'occasion de le constater. Loin d'être une atténuation ou une « modération » de la colère sociale que telle ou telle lutte exprime c'est au contraire la radicalité de sa volonté d'aboutir qui se manifeste. Son contenu fondamentalement anti libéral est dans le fait qu'elle nie le droit du marché à décider là où la volonté humaine décide de s'imposer. C'est la revendication d'une régulation particulière qui s'impose : la régulation citoyenne. En politique cela s'appelle la souveraineté du peuple. Je prends l'exemple de Firmi.
Comme je l'ai rappelé il y a eu avant cela en Aveyron des luttes pour le maintien de la maternité, des gendarmeries, et ainsi de suite. Il y a surtout le fil rouge de la bagarre pour garder la liaison ferroviaire PARIS RODEZ. Cela se traduit par des occupations de gares à répétition. Vous n'en trouvez pas trace dans les médias parisiens (à l'exception de « Aujourd'hui en France »). Mais, localement, la presse suit le mouvement avec beaucoup de sérieux. Si bien que nul n'en ignore. Du coup le piège de la mort silencieuse ne fonctionne pas. Depuis, les cheminots sont le fer de lance du comité de défense des services publics de l'Aveyron. Et celui-ci est le centre organisateur de la lutte sur tous les fronts. Quand l'affaire de la Poste à Firmi s'est présentée, c'est bien sûr loin des yeux parisiens. Sur place, la méthode à consisté pour les décideurs à ne parler de rien à personne, à ne réunir aucun des comités consultatifs prévus par la loi. Habilement, ils comptaient sur les compétitions de territoires et les esprits de clocher pour dépouiller les gens avec le consentement des plus malins.

Au premier plan le maire de FIRMI, Roger Lajoie-Mazenc. C'est lui qui a permis a la mobilisation de prendre sa forme républicaine
Au premier plan le maire de FIRMI, Roger Lajoie-Mazenc. C'est lui qui a permis a la mobilisation de prendre sa forme républicaine

Le maire décide donc d'organiser un référendum sur la base des dispositions prévues par la loi Jospin sur la démocratie de proximité. Puisque je cite Lionel Jospin, notez d'ailleurs que c'est au même gouvernement Jospin, quand il présidait l'union européenne, que l'on doit le refus de valider le deuxième paquet de directives postales. J'en reviens au fil de mon récit. La préfète met deux mois à donner son point de vue (avec une femme, ça change tout, non ?). Elle a donc consulté « Paris » comme on dit. Réponse : le référendum n'est pas légal car l'organisation du service postal n'est pas de compétence communale. On se souviendra cependant que s'il s'agit d'ouvrir une agence postale c'est bel et bien la commune qui doit en faire la demande et mettre la main à la poche? Il y avait là de quoi passer à des formes de luttes différentes et peut-être avoir la tentation d'un moins grand formalisme démocratique. Pourtant, localement, personne ne renonce à la méthode de la mobilisation républicaine.

La mobilisation Républicaine

Salle comble à l'heure de l'annonce du résultat du vote à FIRMI et du meeting de solidarité
Salle comble à l'heure de l'annonce du résultat du vote à FIRMI et du meeting de solidarité

Le Conseil municipal adopte donc à l'unanimité une délibération unique en son genre. Elle confie en effet au Comité de défense des services publics le soin d'organiser une consultation des citoyens à propos du plan de réorganisation du service postal à Firmi. En quelque sorte, le Conseil municipal n'accepte pas d'être dessaisi de son pouvoir d'organisation de la démocratie locale. Instance représentative légale, il demande aux citoyens de faire respecter leur souveraineté. En le faisant, il ne peut certes légaliser le résultat du vote qui ne s'imposera pas à la poste, mais cependant il le légitime ! Il met ainsi le « bon droit » du côté de la décision citoyenne. La lutte militante et la mobilisation démocratique fusionnent en une démarche unique. La bannière est celle de l'intérêt général, la méthode celle de l'implication citoyenne dans la forme de base : le vote. C'est cela une mobilisation républicaine. Le terme s'applique quand se combine ces ingrédients : la défense d'un intérêt général clairement énoncé, la désignation claire de l'intérêt particulier auquel elle s'oppose, l'implication citoyenne (c'est-à-dire sans exclusive de catégorie de participants en vue d'une décision qui engagera tous ceux qui l'ont prise ensemble quel que soit leur avis), la forme démocratique et citoyenne de cette implication populaire, l'articulation avec une instance démocratique représentative (ici le conseil municipal de Firmi). Cette démarche va être un succès foudroyant. De toute la zone postale les citoyens viennent participer à la journée de consultation et voter dans les urnes, installées par le comité de défense avec l'aide de la mairie, sur le marché, devant la poste et devant la mairie de Firmi. A la proclamation des résultats il y a foule.

Pantanella et Dufaix, les président locaux et nationaux de la convergence pour la défense des services publics, à table avant la manifestation
Pantanella et Dufaix, les président locaux et nationaux de la convergence pour la défense des services publics, à table avant la manifestation

Le meeting fait salle comble dans l'humble salle des fêtes de Firmi où 450 personnes s'entassent pour manifester leur mobilisation intacte. Intervenant au nom de la Convergence des associations de défense du service public, son président Bernard Defaix annonce qu'il demande au comité départemental d'organiser la Fête qui se tient d'habitude dans la Creuse. Le secrétaire du comité de l'Aveyron, Pierre Pantanella, déclare que son comité accepte. Les élus annoncent leur appui. La presse régionale peut titrer : « A Firmi un nouveau Guéret est né ».

Un rendez vous a rendre incontournable

Le rendez est vous est pris. Il aura lieu quinze jours ou trois semaines avant le premier tour des présidentielles. En ce qui me concerne je forme le v?u que l'Aveyron nous donne un point de fixation qui permette de placer la question sociale et républicaine soulevée par la défense des services publics au c?ur de la campagne et jusqu'à son terme. Localement, PRS, forte organisation politique du département s'implique sans réserve. Nationalement, je suis sur que cela fera tache d'huile et je compte bien y contribuer.

La mise au point de Clémentine Autain

" J'ai donné une interview au Journal du dimanche sur la gauche antilibérale. Dans la foulée, une dépêche de l'agence Reuters a inondé les rédactions avec un titre ahurissant : ? Clémentine Autain n'exclut pas un soutien à Ségolène Royal ?. Depuis samedi soir, me voici annoncée à la télé, à la radio ou dans Libération d'hier comme une nouvelle alliée de Ségolène Royal, prête à devenir ministre dans sa majorité !

Bienvenue au club! Clémentine Autain a été tout comme moi utilisée par les manipulateurs qui se chargent d'anéantir médiatiquement toute trace de résistance aux catégories simplistes de certains journalistes qui mettent en scène leur vision très partisane de l'élection présidentielle.
Bienvenue au club! Clémentine Autain a été tout comme moi utilisée par les manipulateurs qui se chargent d'anéantir médiatiquement toute trace de résistance aux catégories simplistes de certains journalistes qui mettent en scène leur vision très partisane de l'élection présidentielle.

Après m'être assurée que nous n'étions pas le 1er avril, je me suis inquiétée de la construction de l'information puisque les journalistes (ou apparentés) semblent, et particulièrement le week-end, se recopier les uns les autres sans davantage de réflexion ou de vérification. En réalité, j'ai juste réaffirmé dans cet entretien dominical que je voterai pour le ou la candidat-e de gauche présent au second tour de la présidentielle, pour battre la droite ou l'extrême droite. La dépêche insinue également que je serais prête à participer à un gouvernement dominé par le PS. Là encore, ma position n'a pourtant pas varié. Le PS n'a pas fait le choix de rompre avec les politiques économiques libérales menées depuis vingt-cinq ans dans ce pays. Or, les collectifs antilibéraux veulent s'affronter à la logique du profit et de la concurrence, et développer les services publics, les protections sociales, les droits attachés à la personne, les libertés. Si je ne confonds pas droite et gauche, je ne participerai pas à un gouvernement dominé par le PS, dans son orientation actuelle. Ce n'est pas une posture, celle qui consisterait à ne jamais se confronter aux responsabilités – je suis d'ailleurs élue à Paris, en charge de la jeunesse ? et de se cantonner à une logique de pure contestation mais la conviction que participer à un gouvernement n'a de sens que si la ligne politique commune permet de transformer la société. La question est donc : ministre, pour faire quoi ? Si les bases politiques d'une alliance gouvernementale ne permettent pas de changer les conditions d'existence du plus grand nombre et de mener les ruptures nécessaires au partage des richesses, des pouvoirs, des savoirs et des temps, à quoi bon ? Je suis donc furax des raccourcis journalistiques. Et je pense que ce bug en dit long sur la vague médiatique en faveur du duel Sarkozy/Royal. C'est comme si nous étions décidément toutes et tous sommés de rejoindre Ségolène Royal, comme happés par son ascension ! A-t-on le droit de rester soi-même, fidèle à une orientation politique et de ne pas courir après ce qui, à un moment donné, apparaît comme le sens du vent ? Je reste convaincue que le rassemblement de toutes les forces antilibérales est le seul moyen de faire vivre une gauche de transformation sociale."

 

Clémentine Autain

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