Lundi.
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Fréjus, 5ème circonscription du Var. Je suis sur la côte. Le paysage de vacances me scie les jambes. Je crois que je resterais volontiers le reste de la journée dans une ces chaises longues que j’ai vu devant le bar où on attend l’heure de la réunion. On s’est posé au « Cuba bar »?Je suis quand même allé remettre de l’ordre dans mes notes chez mes amis Belkodja, militants de longue date en acier trempé sur c?ur d’or. Sur la terrasse de la maison il y avait un petit vent léger qui aurait été bien propice à la sieste. Ensuite on est descendu à pied jusqu’à la salle de réunion. Sur le perron m’attendait la candidate, juste à côté de sa voiture caravane de campagne. Les traits un peu tirés racontent la fatigue. Les yeux brillants disent l’exaltation de l’action. C’est Elsa Di Méo, la candidate socialiste ( http://elsa.di-meo.2007.over-blog.com/ ).. Un pas en retrait, voici sa suppléante, une autre femme sans peur, Colette Pitol-Laugier. Ici c’est dur d’être de gauche. Très dur.
Ici exhulte la droite d’évidence. Celle qui se laisse aller parce qu’elle se sent moelleusement installée comme dans son nid sur cette côte superbe pourrie par l’argent roi. Ici la loi SRU et les 20% obligatoires de logements sociaux sont considérés comme une obscénité bolchevique sans signification concrète. Les notables préfèrent payer des amendes plutôt que de devoir atteindre fusse même un pour cent de tels logements insensés. Quoiqu’il en soit, les mains blanches ne peuvent vivre entre elles. Les gens qui travaillent sont là aussi, relégués de toutes les façons possibles. Et il y a 18,3% de chômeurs. Un score de friche industrielle. Même au soleil la misère est dure à vivre. C’est pourquoi la droite et son flanc garde du Front national redoublent d’effort pour convaincre les pauvres de voter comme s’ils étaient riches. Les deux cultivent la haine de l’autre, le basané, le chômeur assisté et ainsi de suite avec soin, application et constance. Car si seuls les riches votaient pour la droite qui les représente, aucun député de droite ne serait élu ici non plus. Partout le peuple est le plus nombreux.
Le député sortant UMP est maire de Saint Raphaël. Un barbare en smoking, signataire d’une pétition réclamant le rétablissement de la peine de mort, actif soutien de la loi affirmant les bienfaits de la colonisation. Son petit camarade maire de Fréjus et lui se détestent. Mais ils se soutiennent dans l’épreuve du suffrage universel dans la mesure où chacun tient l’autre à la gorge. Le maire de Fréjus c’est un autre barbare vulgaire et grossier qui prétend qu’un ancien ministre (c’est de moi dont il s’agit) doit lui demander l’autorisation avant de venir tenir une réunion « chez lui ». Donc je n’aurais pas droit à l’accueil courtois dont on m’honore en toute courtoisie républicaine presque partout où je passe. Et, bien sûr, mes camarades n’auront pas droit à la grande salle qu’ils avaient demandée. Le maire a dit « de toute façon vous serez trois pelés, alors c’est pas la peine ! » Celle qui nous a été attribuée est confortable mais trop petite et trop mal ventilée pour être remplie comme nous l’avons fait puisqu’il y avait près de 150 personnes. Enfin il a fallu s’habituer à parler entre les passages de train puisque la voie ferrée longe la salle? N’empêche que ça m’amuse. Pourquoi est-ce que ce sauvage se met en transe comme ça alors que toute la droite pense avoir la partie gagnée d’avance ? J’ai vu le phénomène en action. Elle s’appelle Elsa Di Méo. Elle a 25 ans, travaille au lycée en finissant sa thèse et fonctionne à deux cent à l’heure. Depuis des mois elle parcourt la circonscription village par village, presque maison par maison. Les anciens qui viennent me toucher la main sont en extase. Depuis combien de temps ils n’avaient pas vu ça ! Un leader de choc, inépuisable d’énergie et qui sait tout faire : écrire les tracts, mener une équipe de campagne, faire les discours sans peur et avec humour, tondre les moutons au village et accoster les machos sans ciller ! Ce n’est pas une professionnelle de la politique, juste une vraie personne engagée qui fait tous ces efforts parce qu’elle croit à ce qu’elle pense. Pas la gauche branchouille, la vraie, celle qui milite, tracte, discute, essaie de convaincre chaque personne qui vient à sa rencontre, se cotise, se dépense sans compter et sans demander de retour sur investissement. Elle est à la tête d’une équipe, d’un collectif. Tous ont des états de service militants de terrain confirmés. Du coup, de droite ou de gauche tout le monde découvre et réalise. On découvre une façon de faire de la politique où la candidate dialogue et agit. Rien à voir avec le potentat arrogant qui se contente d’aller dans les beaux endroits se montrer de temps à autre aux belles personnes qui de toute façon n’ont besoin de rien et surtout pas de lui. On réalise que le député sortant n’est jamais venu ici, ni là non plus, ni dans cette boutique en bas de chez lui, ni là bas où on vote pourtant pour lui depuis toujours. Dans l’arrière pays surtout (« on dit le haut pays, monsieur le parisien, et c’est pas parce qu’on est de l’arrière pays qu’on est des arriérés ! »). Et ainsi de suite. Au point que même les gens de droite se disent qu’il est temps d’en finir avec un tel rentier de la politique. Ca serait bien. Le maire de Fréjus s’appelle Elie Brun. Je le plains, ce pauvre type. Dans une réunion publique de soutien au député UMP, il s’exclame : « c’est quoi cette madame Di Méo, elle est mariée avec un arabe, elle a honte de son nom ! ». Dire que le député s’appelle Jordi et non pas Georges comme c’est marqué sur ses affiches et qu’il est le rejeton de réfugiés politiques espagnols ! Ni Elie ni Jordi n’ont peur d’attiser des braises qui pourtant les rôtiraient eux aussi, si le feu qu’ils attisent prenait dans les têtes brûlées du coin ! De toute façon Elsa a peut-être blêmi sous la bassesse, mais elle a surtout rendu coup pour coup en leur demandant les yeux dans les yeux de s’expliquer ! Pauvres machos racistes : ils se tortillent comme des vers sur l’hameçon qu’ils ont lancé. Les voila tous pâles qui bredouillent qu’on les a mal compris. Elsa a du cran. Si vous voulez aider l’avant poste de la civilisation chez les barbares du fric prenez contact à l’adresse indiquée plus haut.
Mardi
Le matin, j’ai un peu couru depuis Orly pour être à temps à la réunion des présidents de groupe et de commissions, avec le bureau du Sénat. Il s’agit d’examiner l’ordre du jour prévisionnel de la session extraordinaire.
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Mes amis! Ca va être la fête de la droite cet été. Avec ce que la droite va voter il va vous en coûter 17, 5 milliards d’euros, soit 1% de la richesse produite en une année par le pays. La seule suppression des droits de succession pour dix à douze pour cent de hautes fortunes va coûter l’équivalent de 1500 crèches. Et le bouclier fiscal va faire mieux que celui qui est déjà en place à 60% en place et qui gratifie 12000 personnes (sur 32 millions de contribuables?) de 350 millions d’euros cette année !
En fin d’après midi c’est la réunion du bureau national du parti socialiste. Rangs clairsemés pour cause de campagne électorale. Sans doute. On calle la position de principe avant le deuxième tour : appel au rassemblement autour des candidats de gauche les mieux placés au premier tour. Et le modem ? Pas de désistements mutuels cela va de soi. D’ailleurs Bayrou ne le propose pas non plus. Mais pas d’alliances à la carte, selon les circonscriptions qui ruineraient toute lisibilité et discréditeraient davantage encore l’action politique des socialistes déjà injustement atteinte par les changements de camp de plusieurs de ses membres. Les électeurs trancheront. J’ai demandé si on savait quelque chose à propos des rumeurs de presse concernant la mission que Sarkozy confierait à Jack Lang. Info ou intox ? Personne n’en savait rien. Hollande qui a toujours le mot pour rire, comme on venait aussi d’évoquer l’exclusion des dissidents, a conclu : » nous verrons bien à la fin des élections qui est encore membres du parti socialiste ou pas ». Dans la 5ème du Var on le sait déjà. La gauche du parti est insultée, ostracisée, reléguée. Mais elle ne change pas de camp. La droite du parti ne sert décidément à rien de bon. Son public file chez Bayrou et quelques uns de ses figures de prou, de la lumière ou de l’ombre, change de camp. Quand j’ai fait campagne pour le « non » au référendum, leur journal officiel, » le Nouvel observateur », n’a pas fait une première page avec pour titre « Félon ou précurseur ? » comme cela a été fait à propos du trio de la honte bue, Besson, Jouyet, Kouchner, manière de suggérer que la réponse n’est pas si évidente. Il me traitait de suppôt de Le Pen. Et quand je protestais contre l’appel aux ministres centristes, il recopiait avec délectation les insultes de l’éditorial de Laurent Joffrin. Si seulement ils pouvaient tous s’en aller d’un coup et nous laisser au moins le droit d’être nous mêmes. Tant qu’à perdre autant le faire la tête haute.