Les électeurs se sont invités dans le débat sur le mini-traité européen de Sarkozy



Avec l’aimable autorisation du site Marianne 2007
, je vous livre ci-dessous une interview (propos recueillis par Anna Borrel) que j’ai accordée à ce site concernant l’impact européen méconnu du résultat des élections législatives de dimanche dernier. Sur le même sujet, je publierai jeudi 21 juin une tribune dans le journal Le Figaro, le jour de l’ouverture du sommet européen de cloture de la présidence allemande de l’Union européenne. De même, le lendemain à Bruxelles se réunira le réseau de l’Initiative pour une Asssemblée constituante européenne que nous avons impulsé avec nos camarades allemands du LinksPartei, ainsi que des responsables politiques et associatifs d’une dizaine de pays de l’Union européenne. Cette réunion d’étape doit permettre d’amplifier notre campagne pour l’élection d’une Assemblée constituante européenne qui remette enfin les peuples au poste de commande de la construction européenne.

Marianne2007.info : Pourquoi les bons résultats de la gauche aux élections législatives pourraient-ils compromettre le projet de mini-traité européen ?

Jean-Luc Mélenchon : Pour que le mini-traité soit adoptable par voie parlementaire, comme le souhaite Nicolas Sarkozy, il faut une modification de la Constitution. C’est logique : un traité qui modifie l’organisation des pouvoirs de l’Union européenne nécessite que la Constitution soit révisée. Or pour cela, il faut un vote ratifié par une majorité des 3/5ème du Parlement : Assemblée nationale plus Sénat. Pour que la droite ait cette majorité, j’avais calculé qu’il fallait que l’opposition ait moins de 190 députés. Nous en avons plus de 200 ! Donc l’UMP ne peut pas avoir cette majorité, même avec les voix du Nouveau centre, et même avec les voix de Bayrou. Et comme toute la gauche est d’accord pour dire que l’adoption de ce traité doit passer pas un référendum, nous sommes en situation ? au minimum d’imposer une discussion au gouvernement -, au maximum d’obliger la droite à opérer par scrutin référendaire.

Est-ce que c’est une victoire pour la gauche du « non » au projet de Constitution européenne ?

C’est un acquis qui est passé inaperçu pendant les démêlés de la présidentielle parce que la peopelisation a tout emporté, mais les tenants de la gauche du « non » ont obtenu une victoire au congrès socialiste du Mans. La candidate, après des discussions intenses dans la commission du projet socialiste, a accepté l’idée que ce serait aux Français de voter par référendum si un nouveau projet devait être présenté. Elle l’a répété pendant toute la campagne et toute la gauche était au diapason. Bien sûr, il y a toujours quelques mystiques de l’Europe au PS, à qui il suffit de présenter un emballage sur lequel on inscrit « UE » pour qu’ils se tortillent de joie et votent n’importe quoi. Mais ils ne sont pas nombreux?

Vous vous opposerez à ce mini-traité, quel que soit son contenu ?

Il ne s’agit pas de s’y opposer mais de le soumettre à référendum. Evidemment, on va aussi examiner ce qu’il y a dedans. Nous avons critiqué le Traité constitutionnel européen (TCE) pour deux raisons : la première, c’est qu’il ne débouchait pas sur un dispositif démocratique, la seconde, c’était l’institution du libéralisme. On peut imaginer que Monsieur Sarkozy sera assez habile pour voiler toute institutionnalisation du libéralisme. Mais l’Europe démocratique, ce n’est clairement pas son truc?

Ce lundi, le chef de l’Etat consulte différentes personnalités ? Edouard Balladur, Jean-Pierre Raffarin, Valérie Giscard-d’Estaing, Simone Veil mais aussi François Bayrou ? sur la question de ce mini-traité?

Mais bien sûr ! Il essaye de tricoter un consensus sur le contenu de ce traité parce qu’il sait qu’il va jouer gros ! Dimanche, le système a failli faire « pschitt » ! On a vu que la volatilité politique de ce pays n’était pas terminée. Il n’a pas réussi à nous faire disparaître !

Pourrait-il, malgré tout, faire passer ce traité en force ?

Oui, si le Conseil constitutionnel décide que le mini-traité ne pose aucun problème constitutionnel nouveau par rapport à l’ancien projet. Comme la Constitution française a déjà été modifiée en fonction du TCE, elle n’aurait pas besoin de révision. Résultat : pas besoin de voter. Mais la droite le paierait cher. Cela voudrait clairement dire que la construction européenne devient étrangère au peuple français. Voire qu’elle lui est hostile.



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