Dans la presse ce matin

En acceptant de publier une tribune au moment où s’ouvre le Conseil européen, le Figaro m’a permis ce matin de poursuivre mon analyse de l’impasse politique dans laquelle le résultat des législatives a placé Sarkozy pour faire ratifier en France un éventuel traité européen simplifié. Dès dimanche soir sur France 2, j’ai fait remarquer que la majorité présidentielle ne disposait plus de la majorité des 3/5 des membres du Parlement, nécessaire pour réviser la Constitution en se passant de l’avis du peuple. Lors de son audition hier par le Sénat, le ministre des affaires européennes Jean-Pierre Jouyet a confirmé mon hypothèse selon laquelle le nouveau traité européen nécessiterait manifestement une nouvelle révision de la constitution pour pouvoir être ratifié. Cette précision est capitale car elle donne à l’opposition de gauche au Parlement le moyen d’imposer le moment venu à Sarkozy la consultation des Français sur un éventuel traité européen simplifié. Devant ses homologues européens aujourd’hui et demain Sarkozy ne peut plus faire comme si l’accord de la France allait de soi quel que soit le contenu du nouveau texte. Vous pourrez lire ci-après le texte de ma tribune dans le Figaro, ainsi que mon communiqué concernant les délcarations du ministre des affaires européennes. Je vous invite aussi à vous procurer le numéro de cette semaine de Politis, paru ce matin, dans lequel Raquel Garrido, François Delapierre et moi publions une tribune sur les leçons de la refondation de la gauche enagée en Allemagne avec la création du LinksPartei.

Le dividende européen des élections législatives

Pour modifier la constitution, Sarkozy n’a pas une majorité assez large

Tribune de Jean-Luc Mélenchon publiée dans Le Figaro le 21 juin 2007

C’est une conséquence méconnue du résultat mitigé de l’UMP aux élections législatives. Si la majorité présidentielle disposera effectivement de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, elle ne parvient pas, même étendue à l’ensemble des centristes, à atteindre la majorité des 3/5 des membres du Parlement, indispensable pour réviser la Constitution par voie parlementaire.

Le choix de Nicolas Sarkozy de se passer de l’avis des Français pour faire adopter sans référendum son traité européen « simplifié » est donc compromis. En effet, sauf coup de théâtre au Conseil constitutionnel, ce projet de traité ne pourra être ratifié par la France que si l’on procède à une nouvelle révision de notre Constitution. Depuis février 2005, l’article 88-1 de la Constitution prévoit en effet explicitement que la France « peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004 ». Cet article étant obsolète depuis le vote Non des Français le 29 mai 2005, il devra être révisé si un nouveau traité européen voit le jour.

La majorité présidentielle devra donc obligatoirement composer avec l’opposition de gauche pour réviser la constitution sur la question européenne. Si elle le décide, l’opposition de gauche sera en mesure d’obliger l’exécutif à soumettre cette révision au référendum. Car pendant la campagne présidentielle, toute la gauche s’est retrouvée pour exiger une nouvelle consultation des Français par référendum sur un nouveau traité européen. J’estime qu’en élisant un plus grand nombre de députés de gauche qu’en 2002, les électeurs ont donné à la gauche les moyens d’imposer cette consultation du peuple.

Depuis le dimanche 17 juin 2007, Nicolas Sarkozy ne peut plus faire croire aux autres pays de l’Union européenne que la ratification de son traité européen simplifié ira de soi en France. Il ne peut pas leur garantir à l’avance la réponse des Français quel que soit le contenu social et démocratique du nouveau traité.

C’est un élément nouveau qui fait irruption dans les négociations du Conseil européen des 21 et 22 juin. Cela devrait inciter les chefs d’Etats et de gouvernement européens à renoncer au contournement du Non des Français et des Hollandais. Cela devrait aussi les inciter à abandonner pour de bon une méthode qui pense pouvoir se dispenser de l’implication populaire dans la poursuite de la construction européenne. Et à envisager, pour organiser la réforme constitutionnelle de l’Union européenne, des méthodes nouvelles plus respectueuses des traditions démocratiques pourtant en vigueur dans les 27 Etats membres. Il existe pour cela un organe : le Parlement européen. Il peut recevoir un mandat constituant en 2009. Il suffit de le décider sans avoir aucune autre construction baroque à mettre en place comme le fut la prétendue « Convention » présidée par monsieur Giscard d’Estaing. Le périmètre du champ constituant est lui aussi parfaitement délimité d’ores et déjà. Il suffit de le limiter à l’organisation des compétences déjà déléguées par les nations à l’échelon européen. Je ne mentionne ces pistes que pour signaler à quel point le chemin est simplement praticable. D’autres propositions pourraient être faites évidemment.

Je sais que le Conseil constitutionnel, passant outre le vote négatif du référendum pourrait arguer que la révision de la Constitution (article 88-1 précité) déjà opérée en février 2005 par le Congrès du Parlement vaudrait encore pour les incompatibilités constitutionnelles que le traité simplifié pourrait présenter. Alors il n’y aurait plus besoin de nouvelle modification constitutionnelle et donc un vote à la majorité simple suffirait pour ratifier le traité européen simplifié comme un traité ordinaire. Mais alors une rupture fondamentale serait opérée. Le peuple français pourrait alors se détacher durablement de la construction européenne elle-même qu’il percevrait comme le résultat d’un coup de force permanent contre son vote du 29 mai 2005.

Communiqué de Jean-Luc Mélenchon


Le gouvernement confirme que le traité européen simplifié


nécessitera une révision constitutionnelle

A l’occasion de son audition par le Sénat le mercredi 20 juin, M. Jean-Pierre JOUYET, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, a déclaré, en réponse à ma question sur les conditions de ratification d’un nouveau traité européen et à une question similaire du Président du Sénat Poncelet : « il est très probable qu’une révision constitutionnelle préalable à l’adoption du nouveau traité sera nécessaire ». Il a précisé : « il ne m’appartient pas de dire si une majorité des 3/5 du Parlement sera réunie ou non pour l’approuver ».

Or, à l’issue des élections législatives, l’UMP ne dispose plus, même avec l’appoint du nouveau centre et du MODEM, de la majorité des 3/5 des membres du Parlement, nécessaire pour réviser la Constitution par voie parlementaire.

Et l’ensemble de l’opposition de gauche a déjà indiqué dans la campagne présidentielle que, quel que soit le contenu d’un nouveau traité, elle se prononcerait pour sa ratification par référendum. Elle sera donc en mesure d’imposer une consultation du peuple dès la révision constitutionnelle préalable à la ratification d’un nouveau traité.

Cette confirmation change clairement les conditions de négociation du traité européen simplifié que Nicolas Sarkozy va soumettre au Conseil européen des 21 et 22 juin. Le président de la République ne peut plus garantir aux autres chefs d’Etat et de gouvernement que ce nouveau traité sera ratifié en France quel que soit son contenu. C’est une raison de plus pour que le Conseil européen renonce à contourner le Non des Français et des Néerlandais et à poursuivre la construction européenne dans le dos des peuples.

Jean-Luc Mélenchon le 20 juin 2007.

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