En passant par Lille

Ça faisait déjà deux ans que ce club d’élèves de l’Institut d’Études Politiques de Lille m’adressait des invitations à venir m’exprimer dans leur école. Ce club, c’est « Rouge Trevise ». Trévise, c’est la rue de l’IEP. Mais « rouge trévise » c’est aussi une variété de chicon. Le Nord, quoi ! Comme dans bien d’autres IEP, il s’agit d’un regroupement de cette gauche dite « radicale ». Mais comme on le devine on n’en entendra pas parler autant que des quelques zozos qui ont adhéré au Front National à l’IEP de Paris. On n’en entendra jamais parler tout simplement. Comme de cette soirée. Quelle importance ? Une. Comme chaque fois : tous ceux qui constatent ce genre de situation progressent idéologiquement. Ils comprennent vraiment ce que sont les médias comme deuxième peau du système. Ils apprennent à mépriser ceux dont ils savent qu’ils ne disent rien de ce qu’eux-mêmes ont vécu et vu. Dès lors, le doute s’étend au reste du récit médiatique. C’est excellent. Exactement comme quand 60 000 personnes se rassemblent contre les rasions du changement climatique, place de la République, et qu’il n’y a pas une seule image à la télé.

La tradition veut que les Institut de sciences politiques soient par principe ouverts à l’exposé des idées politiques, cela va de soi. À Lille, l’ambiance de l’établissement est très ouverte. Je savais donc que les participants venaient « aux nouvelles », entendre une pensée politique. Mon thème était celui du livre « L’Ère du peuple ». Les fondamentaux de la théorie de la révolution citoyenne. Néanmoins, ce n’est pas un cours et l’exposé ne peut donc être trop durement didactique. Ce n‘est pas non plus un meeting du fait du lieu et de la diversité du public d’auditeurs. C’est une conférence. Vient qui veut et qui sait que la conférence a lieu. Je le précise car il y avait aussi quelques personnes qui avaient repéré sur Facebook l’évènement se sont aussi déplacés venant d’autres milieux que ceux de l’IEP. Dans la société socialement cloisonnée dans laquelle nous vivons, le point doit être souligné.

melenchon lille

Sur place, je dois dire que je revivais. Expliquer, expliquer, donner à penser sans savoir ce que chacun en tirera, dans la diversité des opinions et des approches qui est toujours celle de la jeune génération, voilà qui m’enchante. L’amphi était comble et bien du monde est resté dehors, assis par terre. Beaucoup de gentillesse à mon égard, beaucoup d’attention dans une salle remplie une demi-heure avant l’heure. J’ai su qu’on avait souffert de la chaleur, quoique les portes fussent ouvertes en grand pour permettre à ceux qui restaient debout dehors de suivre ce qui se dirait. La sono avait été installée pour cela. Mes camarades ont été encore une fois magnifiques de discipline et d’organisation. Leurs dirigeants sont des jeunes salariés extrêmement motivés. Dans l’ambiance de sinistrose généralisée, leur dynamisme donne des ailes. Quelle leçon tirer de cette soirée ? La première est que la disponibilité aux idées et aux constructions intellectuelles globalisantes est plus grande que ce qui s’en dit. La seconde est que la jeune génération n’est pas seulement le ramassis de consommateurs sans idéal que l’on dépeint si souvent. La troisième est que nous sommes sorti de l’affreux ressac des années 90 quand les enfants de la classe moyenne instruite se projetaient sans idéal ni mise à distance dans les mantras de l’ordre libéral. Si dure que soit la nuit actuelle, le cycle s’est inversé et les lumières regagnent du terrain. Mais nous partons de loin, j’en conviens.

Au premier rang de cette conférence il y avait Sandrine Rousseau, la tête de liste citoyenne que soutiennent désormais EELV, le PG, la NGS (Nouvelle Gauche Socialiste) et Nouvelle Donne. J’ai apprécié qu’elle se donne la peine de venir faire connaissance avec la doctrine que nous portons. D’habitude les relations entre les partis n’atteignent pas ce degré de volonté de se connaître. Peu avant, en compagnie de Laurent Matejko, j’avais eu un bon entretien avec elle et son directeur de campagne. Lui et moi avions d’abord rencontré le midi les dirigeants communistes Fabien Roussel (Nord) et Hervé Poly (Pas de Calais) que j’avais invité à déjeuner dans Lille après que ceux-ci aient demandé à me parler. Mon plaidoyer n’aura pas permis de débloquer la situation. Je ne me l’explique pas. En effet les socialistes sont certains d’avoir perdu. Comment être une relève face à la droite et l’extrême droite ? La condition la plus importante est d’être unis. Je veux dire que l’opposition de gauche doit être unie. Car alors la méfiance qui fait tourner le dos au PS et se résigner à l’abstention face à l’impuissance de l’autre gauche peut se transformer en dynamique.

Dans le Nord nous avons la chance d’avoir une équipe d’EELV qui veut s’unir avec le Front de gauche. En dépit de toutes les pressions venant de tous côtés, cette ligne unitaire a été confirmée. Au point que c’est la droite d’EELV qui a quitté le parti, comme l’a fait Barbara Pompili au lendemain de ma présence là-bas. Dans l’équipe unitaire des écologistes, il n’y a ici aucune volonté d’isoler les communistes. Au contraire, je m’en suis assuré et je veux témoigner du fait que Sandrine Rousseau m’a expliqué dans des termes très élogieux pour eux quelle importance elle attachait à l’implication des communistes dans la bataille pour prendre la tête de la gauche face à Le Pen. En tous cas je n’ai pas été convainquant car le soir même de ma conférence, le PC annonçait sa décision de partir tout seul, d’une part, et sous étiquette Front de Gauche, d’autre part. Ce qui veut dire que la bataille pour le sigle va reprendre en plus du reste. Désespérant. J’aurai fait ce que j’ai pu.

J’avais décidé depuis longtemps de ne pas me mêler de ces élections en voyant quel foutoir s’annonçait de nouveau sur le style des départementales. Je ne suis sorti de cette décision que dans deux cas. En région parisienne pour contribuer à empêcher le solo du PCF qui s’annonçait et dans le Nord parce que je n’accepte pas de voir madame Le Pen donnée gagnante sans que cela ne provoque aucune réaction d’ouverture dans la gauche. Mes amis sur place ont choisi de jouer le renouveau de la gauche et l’union de l’opposition de gauche. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi les dirigeants locaux du PCF font un autre choix. Pour moi c’est un grand gâchis. J’espère encore que cela puisse se rectifier. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et donner aux gens la possibilité d’un même bulletin de vote pour tous ceux qui sont de gauche et n’en peuvent plus des tromperies du PS.

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