L’épisode Macron n’a pas fini de propager son onde de choc. Certes, l’impact est d’ores et déjà considérable puisqu’il provoque un affaiblissement important du gouvernement et davantage encore celui du président de la République. À présent, le quinquennat est fini. Il ne reste ni énergie, ni projet, ni moyen, ni envie d’agir. La tournée d’adieu a commencé à Colomiers dans l’ambiance d’état de siège habituelle. Bref : une agonie chaotique tiendra lieu de dernière année.
Au demeurant, il n’est même pas sûr que Macron souffre de l’image d’infâme félon qui lui revient pourtant de droit compte tenu de la bassesse du procédé de cet homme à l’égard du président qui l’a inventé. En effet toute la bouffonnerie que cette situation contient est attribuée spontanément à François Hollande, illustre capitaine de pédalo dorénavant tout à fait égaré dans les coursives d’un navire bien trop grand pour lui. Il ne tient rien, décidément, même pas ses marionnettes. Une autre chose risible est ce que Macron va découvrir dorénavant et à quoi il ne s’attend pas. Les unes de presse, les images glamour et le reste ne font pas un mouvement populaire. Et ceux qui avaient tellement appétit de lui dans le rôle du bellâtre « moderne » en ont déjà moins besoin.
En effet qu’est-ce que Macron démissionnaire ? Je veux dire qu’incarne-t-il qui ne soit déjà représenté ? Macron n’était et ne reste qu’une chose avec un seul usage. Il occupe la case tenue successivement par Cahuzac, Valls et ainsi de suite : « le moderne » qui transgresse la gauche en affichant des idées de droite. Dès lors qu’il sort du gouvernement qui était sa seule légitimité, que transgresse-t-il ? Rien. C’est un homme de droite parmi d’autres quoique très radicalement libéral. Mais avant que cette pauvre réalité impose sa cruelle vérité, un maximum de dégâts pour le PS auront été commis. Des barons locaux du PS et quelques caciques vont se faire un devoir d’accourir pour prendre place sur la photo, croyant monter sur un hors-bord pour leur sauvetage en mer. Les plus cyniques se moquent de tout résultat mais pensent déjà au prochain épisode « d’ouverture ministérielle » que pourrait proposer le vainqueur de droite sous couleur d’union nationale ou je ne sais quel emballage. Peu importe. En attendant, la mort du parti est déjà proclamée par le porte-parole du gouvernement lui-même.
Avant cela, on se souvient que Valls en avait fait de même, prônant une refondation générale. Tel est le bilan de la ligne que Cambadélis avait ouvertement annoncée au lendemain de la défaite de 2002 au Congrès du PS qui avait suivi, à Dijon. « C’est la rupture avec la rupture » avait-il proclamé. Et il avait théorisé la fin du cycle mitterrandiste du congrès fondateur du nouveau PS d’Épinay en 1972. Mais quand le mouvement socialiste renonce à la rupture, que reste-t-il de lui ? On le voit aujourd’hui. Dans cette ambiance émergent des Hollande, sorte de point mort de tous les embrayages d’antan. Puis viennent des Valls et enfin des Macron. Après Macron quoi ? Dans ce processus, le parti s’auto-dissout dans les institutions monarchiques de la cinquième République, dans la « démocratie sondagière », dans la course des présidentiables, les micro-partis pour le financement. Mais si ce processus a sa propre dynamique, ses propres composants, on ne doit pas perdre de vue les liens qui le rattachent à l’état de la société. Le PS était selon le vocabulaire de l’époque un parti de « front de classe » comme le disait sa brochure de formation des militants. Il a incarné la communauté de sort et d’ambition des milieux ouvriers passant sous la direction politique de la « classe moyenne urbaine » émergente et si épanouie des années 60 et 70.
Si le PS se résume dorénavant à son appareil et à un vague liant technocratique pour toute doctrine, c’est aussi en phase avec l’asphyxie de la dynamique de la classe moyenne. Celle-ci est désormais incapable de formuler une perspective, tant le management par la peur la cisaille et l’empêche de se penser quelque avenir commun avec les autres catégories populaires. Je ne m’étends pas ici. La peur du déclassement et le déclassement réel des « moyens » et de leurs enfants est un fait avéré et il s’exprime politiquement. Le programme qui veut « fédérer le peuple » comme je le propose plutôt que « rassembler la gauche » trouve dans cette circonstance une illustration claire. Ceux qui voulaient une « gauche de Macron à Mélenchon » proposaient bien une chimère non viable. Et le point d’union le plus large capable de fédérer le plus amplement les catégories populaires est celui où une nouvelle rupture est proposée comme le nouvel intérêt commun des milieux populaires et des « moyens ».
La perspective politique que nous offrons, les moyens dont nous nous dotons avec ma candidature, notre programme et notre mouvement « la France insoumise », se présentent comme un acte de construction politique du peuple lui-même, la formation d’un nouveau « nous » contre le nouveau « eux » de l’oligarchie médiatico politique. Cette « nouvelle rupture » touche les institutions, le cadre international actuel et la politique écologique et sociale qui va avec. Dans la construction de ce nouveau « nous », de masse et de classe, la fin des structures politiques de l’ancien monde est un tout. Les exécuteurs de l’ancien monde viennent de tous côtés comme autant d’expression de la nécessité qui travaille l’histoire de notre temps. Macron en est.
L’effet Macron aura lieu. Sa candidature va surtout disloquer l’ancien PS. Pour le reste, dans les faits, Macron candidat, c’est la scission de droite du PS. Nous avions fait la scission de gauche en 2008. Mais il y avait une gauche « socialiste » au sens large hors les murs et elle n’avait pas de représentation politique. Par contre il n’y a pas de « droite socialiste » hors les murs. Il y a juste la droite. Et elle a déjà sa représentation politique. Laquelle ne va pas mieux l’accueillir que les autres le voient partir… Au fond, à part nous, qui a le sourire dans cette affaire ?