La scène internationale redouble de violences. Le nouvel ordre mondial annoncé par Bush au lendemain de la chute de l’URSS est un grand désordre d’autant plus criminel qu’il sature les préoccupations des puissances, alors qu’elles devraient se concentrer sur l’essentiel c’est-à-dire la menace de mort que fait peser sur la civilisation humaine le dérèglement climatique. Il est frappant de voir combien cette période ressemble à celle qui a précédé la première guerre mondiale. La compétition pour les marchés et l’accès aux matières premières domine la scène. La volonté de puissance des États-Unis et la compétition des puissances régionales génèrent d’inépuisables conflits dans lesquels la règle reste qu’il n’y a en a pas et qu’une après l’autre, les conventions du passé s’effondrent.
Le pire est cette ambiance d’irresponsabilité et de mensonges généralisés, ce recours massif aux moyens de manipulation de masse que constitue le système médiatique mondial, cette peinture systématique de la réalité en noir et blanc sous la baguette des agences « d’information » sous influence nord-américaine. De l’entrée intolérable de l’armée turque en Syrie pour y massacrer les Kurdes à l’infâme coup d’État au Brésil, chaque situation s’intègre dans le tableau général où se combinent la lutte des influences régionales et le plan général des USA pour maintenir leur suprématie sur un monde qui leur glisse entre les doigts. Dilma Roussef est abattue par des corrompus parce que les USA ont besoin de reprendre le contrôle de l’Amérique latine et davantage encore de mettre fin à l’alliance des BRICS dont le Brésil est une cheville ouvrière essentielle. Les Kurdes sont abandonnés parce que le partage des influences utiles aux USA dans la région ne prévoit pas qu’ils puissent constituer un État sur la base de la partition des quatre pays qui les contiennent actuellement. Et ainsi de suite. Arrive dans ce contexte le malheur du Gabon, condamné semble-t-il à la famille Bongo à perpétuité. De la sauvagerie du clan au pouvoir peuvent naître des monstres plus terribles encore.
J’écris tandis que les bombes et les fusillades déchirent le Gabon. De tous côtés m’arrivent des messages d’information et d’appel à l’aide. Le Gabon mérite mieux que la comédie électorale et les meurtres qui viennent de conclure la nouvelle « victoire » d’Ali Bongo. À propos, qui était son agence de communication dans cette « campagne électorale » ? En toute hypothèse, la France ne peut accepter d’être associée de quelque façon que ce soit à ce qui se passe à présent. Elle ne doit pas s’ingérer non plus de quelque façon que ce soit qui laisserait à penser qu’elle peut décider d’un résultat électoral en Afrique. Le respect du peuple gabonais doit à présent être prouvé par une impeccable attitude de fraternité désintéressée. Cela signifie clairement que nous devons exprimer notre complète opposition à ce qui vient de se passer et davantage encore aux violences en cours du fait du gouvernement de Ali Bongo.
Comment concilier refus d’ingérence et solidarité ? La France doit demander en urgence à L’ONU de donner un mandat d’intervention pour rétablir la situation et protéger le peuple contre le gouvernement qui lui tire dessus et le bombarde. Les soldats français présents sur place se mettraient alors en mouvement aux côtés d’autres troupes africaines et sous commandement onusien, de préférence africain. En toute hypothèse la concorde ne peut revenir que si l’honnêteté du résultat électoral est garantie. Ce résultat s’atteint soit par un recomptage des bulletins sous surveillance de l’ONU soit en reprenant à son point de départ l’élection elle-même sous le même contrôle. Car d’un côté le Gabon mérite la démocratie mais toute la région mérite que son peuple reste en paix. Une déstabilisation dictatoriale de plus servirait trop les loups qui rôdent autour des puits de pétrole. Et par-dessus tout, aucun gabonais de plus ne doit mourir pour avoir exprimé son opinion ni être contraint à l’exil pour ne pas être assassiné.