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Le pouvoir accuse les chômeurs de se gaver

La presse a révélé la semaine dernière le plan du gouvernement pour contrôler et punir les chômeurs. Les déclarations de cet automne de M. Castaner sur ceux qui « touchent les allocations chômage pour partir deux ans en vacances » ou du député macroniste Damien Adam sur les chômeurs qui « partent en vacances aux Bahamas » n’étaient donc pas fortuites. Elles préparaient une grande offensive. Le but est de pointer du doigt les chômeurs, de faire croire qu’ils sont responsables de la persistance du chômage de masse dans notre pays. Pourtant, lorsqu’ils sont contrôlés – ils le sont déjà – Pôle Emploi constate que 86% d’entre eux sont bien en recherche active d’emploi. Et sur les 14% restant, près des deux tiers ne perçoivent aucune indemnité.

Pour Macron, cela n’est pas encore suffisant. Il a confirmé depuis ses vacances qu’il préparait bien un renforcement des contrôles et des sanctions. Il est question d’un bilan mensuel d’activité dont les chômeurs devront s’acquitter auprès de Pôle Emploi. Si la recherche d’emploi est jugée insuffisamment active par l’administration, ou si la personne refuse une formation ou deux offres d’emploi, elle pourra voir son indemnité réduite de 50% pendant deux mois, puis supprimée pour la même durée. Pourtant, ce n’est pas la charité qui indemnise les chômeurs. Ils le sont parce qu’ils ont payé des cotisations sociales sur leurs précédents salaires. Le gouvernement compte multiplier par cinq les effectifs de ceux qui contrôlent les chômeurs pour augmenter le nombre de sanctions. Il refuse par contre de créer les 3000 postes de contrôleurs fiscaux qui permettraient de revenir aux effectifs de 2010. Ceux-là pourraient pourtant récupérer 80 milliards d’euros de fraude et d’évasion fiscale. À titre de comparaison, la fraude aux allocations chômage représente chaque année 58 millions d’euros, soit 1380 fois moins.

Dans les pays où il a été adopté, le contrôle renforcé des chômeurs n’a eu aucun effet sur le retour à l’emploi. Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, on a constaté que les obligations administratives renforcées sur les chômeurs pouvaient au contraire avoir pour effet de les décourager. En Suisse, cela a contraint les chômeurs à accepter des offres d’emploi de mauvaise qualité et très précaires. Et donc d’accroître leur retour au chômage dans un délai rapide. Tandis que sans la menace d’une baisse ou d’une suppression de leur indemnité, les personnes auraient pu davantage se concentrer sur l’obtention d’un emploi stable.

Le mythe de la responsabilité des chômeurs face à leur situation provient de la thèse des emplois non pourvus que nous avons plusieurs fois déconstruite ici même. J’y reviens une fois de plus. Selon Pôle Emploi, environ 190 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues en une année. Un chiffre qu’il faut rapporter aux 24 millions d’offres qui le sont. Au total, 99,6% des offres d’emplois sont pourvues. Il ne reste donc qu’une offre non pourvue pour 44 chômeurs. Et encore, c’est considérer que toutes les offres publiées le sont pour être pourvues. Mais l’expérience montre que des employeurs publient des offres pour accumuler des CV et qu’ils publient parfois aussi la même offre via d’autres canaux que Pôle Emploi. Si l’on prend cette fois le nombre d’offres qui sont retirées du marché faute de candidat adéquat, on obtient le chiffre d’une offre pour 300 chômeurs. Tout cela est dérisoire !

La cause du chômage de masse est avant tout une pénurie d’emplois. On ne peut contourner le débat sur l’origine politique du chômage de masse. Ce fléau ne peut cesser qu’à condition d’un plan de relance publique vers des activités productives et écologiquement responsables : transition énergétique, économie de la mer, construction de logements, services publics, etc. Le gouvernement sait que sanctionner les chômeurs n’aura pas d’effet sur le niveau du chômage. Son seul objectif est de satisfaire l’opinion de cette part de la droite anti-populaire aigrie qu’il courtise pour s’imposer comme représentation politique de ce secteur de l’opinion. La haine du pauvre, le mépris pour le chômeur est un poncif récurrent de ce secteur. Le moment venu le gouvernement affichera de petites économies faites sur le dos des plus déshérités et de ceux qui en bavent le plus. Un ou deux titres de presse coutumiers publieront une « enquête » ou deux arabes et trois marginaux seront dénichés et montré du doigt comme figure emblématique de la triche et les conversations de comptoir feront le reste. Le seul effet sera donc d’accroitre la misère et la division parmi les victimes du système.

Car le chômage engendre une grande misère pour ses victimes. Il tue même. Une étude a estimé à 14 000 le nombre chômeurs qui meurent par an à cause de leur situation sociale. La mortalité est trois fois plus élevée chez les chômeurs que chez ceux qui ont un emploi à cause des suicides, de la dépression, du manque de sommeil, du stress. C’est le coût du malheur que le gouvernement ignore quand il décide, par exemple, de supprimer 200 000 emplois aidés qui permettaient à autant de personnes de reprendre pied. Si le gouvernement veut vraiment s’attaquer à ce problème, il peut reprendre une proposition de L’Avenir en commun : les contrats coopératifs. Elle s’inspire d’une expérimentation conduite par l’association ATD quart monde : « territoires zéro chômeurs ». L’idée est de partir des besoins sociaux pour résoudre le problème du chômage. De nombreux besoins sont en effet non pourvus, faute de financements, dans les associations et dans les services publics. Le dispositif des contrats coopératifs permet de financer une partie du salaire correspondant à ces emplois grâce à l’argent des aides versées au chômeur. Il ne s’agit pas d’obliger le chômeur à accepter n’importe quelle offre mais de lui en proposer une dans le secteur non marchand, dans une dimension de service d’intérêt général. Une telle politique, en réduisant par deux entrées le chômage, créerait aussitôt une remontée de consommation populaire et donc des emplois qui en dépendent, allégeant partout la facture sociale du chômage de masse et la pression à la baisse des salaires par la compétition pour le même emploi.

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