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Pêche électrique : « Cette pratique fait honte à l’Europe et nous décrédibilise sur la scène internationale »

Dans une tribune au « Monde », 249 députés, de La République en marche à La France insoumise, parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon et Marielle de Sarnez, s’opposent à la réintroduction de la pêche électrique sur laquelle doit se prononcer le Parlement européen le 16 janvier.

Tribune. A l’heure où les Etats européens ont souscrit aux objectifs de l’Union européenne et de l’ONU visant à mettre en œuvre une pêche durable, la pêche électrique qui consiste à capturer des poissons à l’aide d’un courant électrique (principe du taser), interdite ailleurs dans le monde, émerge en Europe à contretemps de l’histoire.

Le Parlement européen, qui aura à statuer le 16 janvier sur cette pratique doit désormais interdire définitivement l’usage de la pêche électrique dont les scientifiques, les pêcheurs et de nombreux pays dénoncent les effets.

En 1998, alors que l’Union européenne interdisait les méthodes de pêche les plus nocives comme la pêche aux explosifs, elle interdisait également la pêche électrique. Toutefois, dès 2007, des dérogations ont été accordées sans aucun fondement scientifique pour l’utilisation de la pêche électrique en Mer du Nord, permettant aux Etats membres d’en équiper jusqu’à 5 % de leur flotte de chaluts à perche soi-disant à des fins d’expérimentation. Le motif initial d’expérimentation, largement dépassé, est fallacieux car la quasi-intégralité de la flotte de chalutiers à perche ciblant la sole a été convertie à l’électricité.

Lobbying des Pays-Bas

Le lobbying intense réalisé par les pêcheurs néerlandais et par le gouvernement des Pays-Bas met en avant un plaidoyer hypocrite en arguant que la technique est moins coûteuse en carburant et moins dommageable pour les fonds marins, grâce à une comparaison avec l’un des engins de pêche les plus destructeurs qui existent : le chalut à perche. Les chaluts électriques demeurent des engins gigantesques, lourds et traînés sur les fonds, qui détruisent les habitats marins en plus de mettre en péril l’ensemble de l’écosystème et les pêcheurs qui en dépendent.

La situation actuelle en Mer du Nord alarme scientifiques et pêcheurs responsables. Tous témoignent de lourdes conséquences de l’usage du courant électrique sur les poissons et les écosystèmes : altération de la reproduction, dommages sur les œufs et juvéniles, colonnes vertébrales fracturées, réduction de l’apport en nourriture, affaiblissement du système immunitaire et vulnérabilité accrue aux agents pathogènes, bancs entiers de poissons présentant des ecchymoses, modifications de la chimie de l’eau, et tout ce qu’on ne sait pas encore et qu’on préférerait ne jamais constater comme dégâts environnementaux.

Les pêcheurs français des Hauts-de-France, ainsi que leurs homologues belges, néerlandais et britanniques observent quant à eux un effondrement de la ressource en raison de cette pratique mettant en péril la pêche artisanale.

Une autorisation, même partielle, de la pêche électrique ouvre la voie à des dérives difficilement contrôlables et des impacts environnementaux et sociaux potentiellement irréversibles.

Alors que plus de 60 % des stocks de poissons en Europe ne sont pas suffisamment connus des chercheurs pour émettre des avis scientifiques fiables, l’argent public doit permettre de corroborer des activités durables plutôt qu’alimenter une controverse inutile, générée de toutes pièces par des dérogations initialement illégitimes et pour la plupart illégales.

Pratique interdite dans de nombreux pays

Cette pratique fait honte à l’Europe et nous décrédibilise sur la scène internationale. La pêche électrique est aujourd’hui interdite dans de nombreux pays dont les Etats-Unis, le Brésil et l’Uruguay ; en mer de Chine orientale, la pratique se répand dans les années 1980 et 1990, avant d’être interdite dans les années 2000, après que de graves conséquences sur l’environnement ont été observées.

Nous appelons les parlementaires européens à interdire définitivement la pêche électrique pour que l’Europe soit un exemple de comportement responsable et non la lanterne rouge du monde. L’évolution de la réglementation a constitué une pente glissante dangereuse : l’interdiction s’est muée en dérogation, elle-même outrepassée par les Pays-Bas. La généralisation de la pratique à d’autres métiers de pêche et d’autres pays aurait quant à elle un impact inadmissible sur des stocks de poissons déjà fragilisés et irait détruire les écosystèmes marins et océaniques d’autres pays demain.

L’Union européenne doit assumer un rôle de leadership dans la préservation des écosystèmes marins et des ressources halieutiques. Cela impose de résister aux pressions de lobbies qui, par leur quête d’un profit court-termiste, vont jusqu’à mettre en péril la pérennité des activités de pêche qu’ils sont censés défendre et le bien commun de l’humanité. De nos mers et nos océans. De notre environnement. De notre monde.

Parmi les signataires : Joachim Son-Forget (LRM), co-rapporteur de la mission d’information « Mers et océans : quelle stratégie pour la France ? » ; Erwan Balanant(Modem) ; Paul Christophe (UDI, Agir) ; Jean-Pierre Pont (LRM) ; Marielle de Sarnez (Modem, présidente de la commission des affaires étrangères) ; Jean-Luc Mélenchon (LFI), co-rapporteur de la mission d’information « Mers et océans : quelle stratégie pour la France ? » et Mathilde Panot (LFI). Liste complète des 249 signataires.

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