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Entre Macron et nous, il ne reste que les simagrées du PS

Interview parue dans le JDD du dimanche 21 janvier 2018

Vous qui nous aviez habitué à être très présent depuis le début de ce quinquennat, où étiez-vous passé ?

Je limite mes interventions dans les médias. Pour le reste, depuis six mois, je chasse en meute au Parlement et dans la lutte. Ici avec des milliers d’amendements, là devant des centaines de lycées et facs, en visite dans les prisons et les hôpitaux, partout où ca bouillonne ! On se donne à fond.

A l’automne, vous aviez concédé le premier set à Macron… Pourquoi ?

Seule la vérité nous est utile pour agir à bon escient. Nous avons perdu la bataille des ordonnances. « La France insoumise » a pourtant fait le maximum d’efforts : elle a convoqué les premiers rassemblements dès juillet, puis appelé à une marche qui a été un succès. Mais nous avons perdu. Pourquoi ? La première raison, c’est la division syndicale. La seconde, c’est la coupure entre les forces syndicales et politiques. On sait donc ce qui doit changer.

Y-a-t-il encore un espoir de ce côté-ci ?

En tout cas, il y a un devoir ! Car Macron a ouvert bien des appétits qui en demandent davantage. La droite est en extase : cet homme-là mène la politique dont elle a toujours rêvé sans jamais oser aller au bout. Mais il a mangé son pain blanc. Il va désormais sentir le poids des mots et le choc du réel: les mots qu’il a utilisés pour mépriser les classes populaires ; le réel, car les gens sont en train de réaliser dans leur vie ce qu’il a fait voter.

Quel regard portez-vous sur les réformes menées depuis mai 2017 ?

Macron s’est d’abord affirmé comme le président des riches. Désormais, il fait la guerre aux pauvres ! Voyez : les revenus les plus faibles du pays vont perdre 60 euros tandis que les plus élevés vont en gagner 1700… D’un côté la suppression de l’impôt sur la fortune, de l’autre l’augmentation de la CSG. École, hôpital : tout se disloque. C’est le gouvernement le plus féroce qu’on ait eu depuis longtemps.

Sur les migrants, le gouvernement se targue d’un équilibre entre humanité et fermeté. Sa politique est-elle équilibrée à vous yeux ?

Non. Macron et Collomb mijotent la dixième ou la onzième loi sur l’immigration pour flatter les ronchons ! Elle sera aussi vaine que toutes les autres. Et puis le ton du Président n’est vraiment pas à l’honneur de notre pays : un président ne devrait pas parler comme ça et rembarrer les associations d’aide aux migrants qui assument un devoir d’humanité.

Mais vous, au pouvoir, que feriez vous ?

D’abord mettre en place une politique qui cesse de vider les campagnes et les villes des pays d’émigration ! On peut avoir vite des résultats. Or voyez : quand Macron se rend en Afrique, il fait tout le contraire en cherchant a imposer la suppression des droits de douane : cela va ruiner ces États et les économies locales ! Qu’il s’agisse de réfugiés politiques poussés par la guerre ou la répression, ou de réfugiés économiques poussés par la misère et la faim, ce sont des êtres humains. Nous n’avons pas d’autres choix que de prendre en charge ceux qui arrivent, en facilitant leur transit notamment vers l’Angleterre. Ou leur installation dans des conditions décentes, utiles et assimilatrices.

Etes vous satisfait de l’abandon par le gouvernement du projet d’aéroport à Notre-Dame-Des-Landes ?

C’est une grande victoire ! Elle consacre le triomphe de la raison écologiste sur les délires productivistes. Ce projet se résumait à un saccage de terres arables et de lieux écologiquement fragiles, le tout sans finalité économique pertinente. Je dis merci aux élus locaux, aux associations et aux zadistes. Le Premier ministre devrait lui aussi remercier les zadistes : sans eux, les travaux auraient commencé et il n’aurait pas pu prendre cette bonne décision.

La première manche étant selon vous perdue, comment la France Insoumise va-t-elle aborder la seconde ?

Beaucoup se jouera notamment sur l’école et la santé. Nous faisons tout pour encourager la résistance populaire. Pas question d’accepter de réserver l’Université à quelques uns. On a besoin de tout le monde. Et choisir ses études c’est choisir sa vie. Même chose dans la Santé ! Pas question de limiter l’accès aux soins. À présent, la possibilité pour les hôpitaux de continuer à fonctionner est en cause. À Marseille, la suppression de 800 à 1000 hospitaliers menace ! Les effectifs sont pourtant à l’os. Disloquer le meilleur système de santé du monde, avec 4 milliards et demi de coupes budgétaires, c’est cher payé pour suivre les consignes de la Commission européenne.

Allez-vous formuler des propositions ?

Nous en avons présenté plus de trois cent à l’Assemblée. Et le 1er février, nous présentons cinq propositions de loi : sur l’organisation d’un referendum sur le CETA , pour le récépissé afin de lutter contre le contrôle au faciès sur la reconnaissance du « burn out » comme maladie professionnelle, pour le droit de mourir dans la dignité et pour le droit à l’eau pour tous.

Macron a évoqué un « colloque intime » au sujet de la relation franco-allemande. Qu’en pensez vous ?

C’est un eurobéat. Cette coloration romanesque, cette illusion lyrique n’a pas de sens. Le gouvernement de la droite allemande, flanqué de son appendice social-démocrate du SPD, ne s’occupe que des rentiers allemands. Il ne fait aucune concession à la France… Le condominium franco-allemand est donc une camisole de force pour nous. Il est temps d’avoir avec Merkel un dialogue musclé. Il est urgent de rééquilibrer notre politique, de ne plus mépriser les pays du Sud de l’Europe mais de faire cause commune avec eux.

Mais concrètement, que proposez vous ?

Au moins qu’on puisse parler sans être diabolisé. Quatorze économistes français et allemands viennent de montrer que la règle de 3% est absurde. Il faut donc en finir avec les dogmes qui tuent l’idée d’Europe. Nous proposons 10 mesures pour refonder l’union : plan A. En cas de refus : on fait quand même avec les pays qui sont d’accord. C’est le plan B.

Quel regard portez-vous sur le congrès du PS ?

Je comprends la peine de la base socialiste qui voit l’état de son parti et le comportement de ses chefs. C’est inouï: après le désastre du quinquennat Hollande et l’effondrement aux dernières élections, ils commencent aussitôt une bataille haineuse sans le début du commencement d’une idée. Ils ne prennent acte ni de leur disqualification totale dans les milieux populaires, ni de notre existence comme première force de l’opposition populaire. Un déni complet. Entre Macron et nous il n’y a que cette simagrée ridicule. Qui va revenir au réel parmi eux ?

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