Cette semaine a été lancée la campagne pour la votation citoyenne à propos de la sortie du nucléaire. En quelques jours, six cent mille tracts ont été commandés. On pense donc tenir un bon début d’entrée en action. Le vote lui-même aura lieu dans la semaine du 11 au 18 mars. Entre l’anniversaire de la catastrophe de Fukushima toujours pas contenue, et celui de la commune de Paris… Mathilde Panot, députée insoumise du Val-de-Marne coordonne le travail. Un kit de campagne est disponible sur le site des insoumis, qui comprend notamment une série de réponses aux questions les plus souvent posées sur le sujet. De mon côté, ici sur ce blog, je prends le temps de mettre noir sur blanc chaque semaine une réplique aux arguments les plus souvent utilisés pour faire l’apologie du nucléaire et combattre l’idée de la sortie de cette énergie dangereuse. J’ai montré la semaine passée combien l’argument de l’indépendance que nous donnerait le nucléaire est une illusion totale.
Aujourd’hui, je veux aborder un autre refrain. Celui d’après lequel sortir du nucléaire nous ramènerait à l’âge des centrales à charbon. En effet, c’est devenu un lieu commun du lobby pro-nucléaire. C’est d’ailleurs l’argument essentiel du gouvernement lorsqu’il a annoncé en novembre dernier qu’il renonçait au plan précédent de sortie partielle du nucléaire. Il s’agissait du plan Hollande pour baisser la part de l’énergie nucléaire dans notre consommation à 50% d’ici 2025. Un objectif qui sentait déjà bien fort l’arnaque. Nicolas Hulot, chargé de défendre ce recul, déclarait : « Si on veut maintenir la date de 2025 pour ramener dans le mix énergétique le nucléaire à 50%, ça se fera au détriment de nos objectifs climatiques et ça se fera au détriment de la fermeture des centrales à charbon et probablement, si on voulait s’acharner sur cette date, il faudrait peut-être même rouvrir d’autres centrales thermiques. ».
Ce bobard répété sur tous les tons est généralement « étayé » par un récit apocalyptique sur l’expérience allemande qui viendrait soi-disant l’appuyer. Ainsi, le lendemain de l’annonce du gouvernement français, le journal de France 2, la honte habituelle du service public, faisait le service après-vente avec un sujet lors de son journal de 20h intitulé « Allemagne : moins de nucléaire, plus de charbon ».
Il est tout à fait vrai que l’Allemagne est le premier producteur mondial de lignite, l’énergie fossile la plus polluante du monde. La production d’électricité à base de lignite empoisonne tout le continent car elle se fait à ciel ouvert. Elle serait responsable de 20 000 morts par an en Europe. On ne compte plus les mobilisations d’écolos allemands et européens contre cette horreur. Mais ce fait est tout à fait indépendant de la décision d’Angela Merkel en 2011 de fermer toutes ses centrales nucléaires à horizon 2022.
Certes, la production des centrales à charbon allemandes a bel et bien augmenté pendant les deux années suivant la décision de la chancelière, de 2011 à 2013. Le lobby du nucléaire, puissant en France, a fait répéter partout qu’il s’agissait uniquement de la conséquence du plan de sortie de l’atome. En réalité, l’augmentation de la production des centrales à charbon ne correspond pas tant aux besoins des Allemands qu’à une augmentation de leurs exportations. Autrement dit, ce n’est pas la sortie du nucléaire qui est en cause mais le modèle allemand basé sur des excédents commerciaux formés au détriment de tout le reste de l’Europe. Pendant ce temps, le prix de la tonne de CO2 sur le marché carbone européen a été divisé par 3 dans le même temps, rendant moins chère la production d’électricité au charbon. C’est donc la politique mise en place par l’Union européenne qui a dopé pendant deux ans le charbon allemand.
Cependant, il est curieux que cette intox soit encore répandue 7 ans plus tard. En effet, la production des centrales à charbon a bel et bien baissé à partir de 2013, en même temps que fermaient des centrales nucléaires. Entre 2011 et 2016, la part du nucléaire dans le mix énergétique allemand a baissé de 4,5%, celle du charbon de 3% tandis que la part des énergies renouvelables augmentait de près de 9,5%. S’il y a un modèle, c’est plutôt celui-là. Certes, le charbon reste malgré toute la première source d’énergie en Allemagne. Mais pas à cause de l’arrêt progressif du nucléaire : la montée en puissance des énergies renouvelables fait plus que compenser la fermeture des centrales. C’est plutôt le soutien du gouvernement CDU/SPD, relais en la matière des industriels allemand, qui est responsable de la résistance du charbon. C’est aussi simple que ça : le bas coût du charbon soutenu par l’inefficacité des politiques de l’Union européenne en sa faveur est une raison suffisante pour que l’oligarchie allemande le maintienne en vie. Ainsi, le nouvel accord de coalition prévoit une baisse des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et voilà.
Quant à la France, il a été maintes fois prouvé que sortir du nucléaire n’allait pas de pair avec la relance des énergies carbonées. Un rapport de l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) publié déjà en 2015 démontre qu’un passage au 100% renouvelable est possible d’ici 2050. Sortir du nucléaire est un impératif de la transition énergétique. C’est pourquoi nous allons poser la première pierre de cet objectif. Ce sera le sens de la votation citoyenne entre le 11 et 18 mars prochain.