Cette nuit du 14 au 15 septembre, à 4 heures du matin, avec une loi agriculture qui sent bon le parfum des lobbies, la chimio-agriculture productiviste s’est donné un petit verre pour la route. Monsanto et Bayer ont gagné le doit de continuer leurs arrosages de glyphosate. Les députés « La République en marche » sont venus empêcher nos amendements et tous ceux qui voulaient interdire le glyphosate. Cet horaire pour en débattre, la hargne vulgaire des chiens de garde du groupe parlementaire Macroniste, tout cela dessine un tableau crépusculaire du régime.
Nous sommes à mi-septembre seulement et tous les éléments de crise politique laissés derrière nous fin juillet, loin d’être estompés par les vacances, sont revenus crument sur le devant de la scène. Et tous se présentent sous une forme durcie. Et cela du seul fait des errements de l’exécutif. C’est donc dans la sphère politique que la déstabilisation est la plus avancée alors même que s’avance une séquence de déstabilisation plus globale. En effet l’état économique et social du pays va « prendre cher » avec la présentation du budget de l’État et celui de la Sécurité sociale. Et cela sur fond de coup de frein frappant l’activité étouffée par une politique à contre sens des besoins.
Et là-dessus, revoilà l’affaire Benalla. Elle a déjà fonctionné comme un seuil : il y a un avant et un après Benalla pour la présidence Macron. À présent, cette même affaire revient sur le devant de la scène avec un bras de fer institutionnel sans précédent. Du jamais vu. Macron, Castaner, Benalla en personne d’un côté et de l’autre le Sénat en tant qu’institution. Les uns menacent et font pression, les autres observent sidérés.
Il y a donc désormais un cycle Benalla dans le quinquennat. Le nouvel épisode prend la forme d’une crise politique d’un type absolument nouveau. Bien sûr, il est possible que, dans l’ambiance délétère qui prévaut désormais, personne ne fasse plus attention ni à l’esprit des institutions, ni à leurs règles de fonctionnement, ni au poids des mots utilisés. Que le président de la République rappelle à l’ordre le président d’une des deux assemblées est un débordement de l’exécutif sur le législatif qui ne serait accepté dans aucun État démocratique ailleurs. Au demeurant, comment Macron peut-il croire que le président du Sénat a une autorité sur les choix et l’activité des membres d’une commission d’enquête ? C’est presque aussi choquant que le coup de pression lui-même.
Son garde du corps invective les parlementaires qui vont l’interroger. Mais il n’est pas publiquement rappelé à l’ordre. C’est une façon pour la présidence d’assumer une offense antiparlementaire d’une violence inconnue jusque-là. Là-dessus, monsieur Castaner, ministre chargé des Relations avec le Parlement, reprend la boxe. Il accuse le Sénat d’être un danger pour la République parce qu’il viserait la destitution du Président. L’énormité de l’accusation « danger pour la République » échappe-t-elle à ses auteurs ? Se rendent-ils encore compte de ce qu’ils disent ? Et le reste n’est pas moins sidérant. Le Sénat aurait donc vraiment l’intention de destituer le Président de la République ? On pourrait penser que c’est une bonne nouvelle. Mais qui peut sérieusement la croire ? À moins que le travail de cette Commission ne soit promis à faire des découvertes y conduisant. On se demande lesquelles. Si bien qu’un sénateur socialiste a pu se demander publiquement si Macron n’était pas devenu le garde du corps de Benalla avec ce genre de méthodes d’intimidation.
Bien sûr, depuis le début de tout cela, je n’ai pas quitté le sourire en coin. Comment oublier que nous avons été accusés d’être des violents ce 1er mai même au cours duquel les barbouzes du président tabassaient les passants ? Comment oublier le nombre de fois où l’on m’a accusé d’être excessif et agressif en voyant ces personnages agresser l’institution parlementaire et un sicaire du pouvoir injurier les sénateurs ? Comment oublier que ces gens m’ont reproché de ne pas avoir « accepté le résultat de la présidentielle » comme s’ils en doutaient eux-mêmes au point d’être devenus si chatouilleux sur la stabilité de cette présidence face à une simple commission d’enquête ?
La portée de cet enchaînement et son contexte à la suite de l’année Macron secoue en profondeur tout l’édifice républicain. Quel genre d’État de droit sommes-nous devenus ? Voyons ce tableau. Un accord international s’applique sans être discuté devant notre Parlement. La règle sociale est négociée entreprise par entreprise. Le président agresse le Parlement sans aucune réaction des oies médiatiques du Capitole. Et ainsi de suite. Telle est devenue la France sous Macron : une start-up sans conseil d’administration.
Mais ce pays est tellement plus que cela ! La camisole macronienne éclatera.
Dans ce contexte institutionnel rendu si explosif par Macron lui-même, les épisodes de la démission et du remplacement de Nicolas Hulot puis de la nomination et du remplacement de de Rugy ont aggravé les problèmes qui se posaient au pouvoir dans ce cas. Le diagnostic et le bilan de Hulot fonctionnent comme un réquisitoire et une motion de censure de la politique écologique en cours. Puis il y a eu une séquence de mise aux enchères du ministère de l’Écologie, où, pour finir, aucun écolo connu n’en a voulu.
Dans cette ambiance, les gesticulations de Cohn Bendit ont continué de donner l’impression d’un grand n’importe quoi : le président discute d’égal à égal avec un histrion perdu de réputation. La nomination de de Rugy s’est donc présentée comme un pis-aller misérable. Il révélait qu’au fond le seul souci du pouvoir était de s’approprier un bon gisement de complaisances. Comme si ça ne suffisait pas est arrivé le sketch masculiniste de l’élection de Richard Ferrand au perchoir de l’Assemblée nationale. Bilan final de l’ensemble : une ambiance glauque précipitant l’image du régime Macron dans les basses cases des mauvais souvenirs de décadence du passé.
Ce tableau d’impuissance à maitriser l’histoire dont il est l’acteur, fait de Macron, en quelque sorte, une nouvelle victime de l’univers déstabilisé qu’a provoqué son élection. Rien ne tient désormais, pas même lui. C’est sans doute cette crainte qu’exprime Castaner quand il pense voir venir une destitution du président.
Pour ma part, j’ai toujours mené mes combats en tâchant de tirer partie de l’énergie que déploie l’adversaire. Ici la macronie nous fournit une énergie très auto-destructrice qui fournit les moyens de nombreuses prises. Je vois de plus un autre point d’appui dans la stratégie de Macron. Il veut installer le paysage d’un face à face avec Le Pen dans l’élection européenne. Et de la même façon, il y aurait un face à face Orban/ Macron. Dans l’un et l’autre cas personne n’a l’air de se soucier vraiment du paroxysme de crise politique que cela signifierait au deux échelons national et européen. Opportunément, un sondage sur 565 personnes vient confirmer au niveau national ce paysage espéré par le pouvoir.
Au fond, assez cyniquement, Macron compte comme d’habitude sur un vote forcé du type de celui qui lui a permis d’être élu président. J’ai la certitude que cela ne peut fonctionner. Les gens savent que le pouvoir de l’État n’est pas en cause avec une élection européenne. Dès lors, la mobilisation forcée n’aura pas lieu aussi facilement « pour faire barrage » que la macronie peut le croire. Les castors en ont marre. Au demeurant, les électeurs euro-béats sur lesquels compte Macron vont s’éparpiller entre la liste de EELV, celle du PS et peut-être même une liste centriste. Par contre, le vote anti-macron sera bien stimulé par le contexte. Comptez sur nous pour faire savoir qu’en cas d’un vote sanction net, Macron sera plus proche de la sortie de secours de l’Élysée que du trône !
Mais l’agitation de la menace Le Pen et son instrumentalisation une fois de plus joue aussi pour déstabiliser le régime. Car cela approfondit à la fois le sentiment d’une insupportable manipulation supplémentaire mais aussi celui d’une crise politique qui ne se règle jamais. Cette conjonction va beaucoup nous aider à nous valoriser comme alternative rompant avec ce face à face du pouvoir (quel qu’il soit) et des Le Pen qui dure depuis vingt ans. Mais surtout, il va aggraver le sentiment d’un pouvoir Macroniste qui n’a rien changé, sinon en pire, depuis sa mise en place. Le sentiment d’une crise politique à laquelle répond précisément notre proposition de Constituante et notre objectif de la sixième République. Bref : plus le pouvoir Macroniste joue avec le feu, plus se raccourcit le chemin vers le pouvoir.