Avec six colonnes à la « une » du Monde à l’humour discutable à l’adresse d’un élu de Marseille, on prend la mesure d’un débordement dans l’art du dénigrement dont est capable une certaine presse de pouvoir. Compte tenu du caractère nauséabond de l’acharnement de ce journal qui n’a jamais publié autre chose que des articles à charge contre moi sur un mode de plus en plus douteux (une fois comparé au Christ, la fois d’après à Mao et ainsi de suite dans un manque de respect total), je n’en dis rien. Mais comme cette « une » va ouvrir une de ces séquences de panurgisme médiatique habituel, je veux m’exprimer sur les questions que soulèvent mes détracteurs à propos de la vie du Mouvement et des conditions de la composition de la liste pour les élections européennes.
D’abord, notons ceci : aucun des médias qui reproduisent les doléances des déçus de la liste ne s’intéresse de près ou de loin à la vie de notre mouvement, à ses réunions, à son organisation. En fait, ils ne pourraient rien y comprendre. Cela ne fonctionne pas comme un parti. Il s’agit d’autre chose. En lien avec la dernière édition du livre L’Ère du peuple dont les évènements populaires récents ont illustré les thèses, le mouvement est une structure fondamentalement inclusive qui refuse les modes opératoires conflictuels de la forme parti. Cela désoriente les militants habitués aux anciens rites dans lesquels ils se repèrent plus facilement. Cela rebute les « commentateurs » qui n’y retrouvent aucune des habitudes qui leur permettent d’écrire vite et sans travail en collectant les critiques des uns contre les autres. Plusieurs de ces rubricards étant eux-mêmes intimement liés à des partis ou l’ayant été jusqu’à une date récente, ils ne peuvent tout simplement pas admettre des fonctionnements qui ne sont ni dans leur pratique politique ni dans leur champ professionnel.
Cette circonstance s’ajoute à la volonté de nuire. Mais pas seulement. Il existe une tendance profonde du parti médiatique à vouloir délégitimer toute forme de représentation politique organisée en dehors de leur moyen de pression. L’historien Gérard Noiriel résume cette situation dans un récent entretien dans Le Monde en analysant les raisons pour lesquelles des violences ont pu être commises contre des journalistes. « Je pense que nous assistons aujourd’hui à un nouvel épisode dans la lutte, déjà ancienne, que se livrent les politiciens et les journalistes pour apparaître comme les véritables représentants du peuple. En diffusant en boucle les propos des manifestants affirmant leur refus d’être récupérés par les syndicats et les partis, les médias poursuivent leur propre combat pour écarter les corps intermédiaires et pour s’installer eux-mêmes comme les porte-parole légitimes des mouvements populaires. Le fait que des journalistes aient endossé publiquement un gilet jaune avant la manifestation du 17 novembre illustre bien cette stratégie, laquelle a été confirmée par les propos entendus sur les chaînes d’information en continu présentant ce conflit social comme un “mouvement inédit de la majorité silencieuse” ».
Puis il précise l’analyse : « Pourtant, la journée du 24 novembre a mis à nu la contradiction dans laquelle sont pris les nouveaux médias. Pour ceux qui les dirigent, le mot “populaire” est un synonyme d’audience. Le soutien qu’ils ont apporté aux “gilets jaunes” leur a permis de faire exploser l’Audimat. Mais pour garder leur public en haleine, les chaînes d’information en continu sont dans l’obligation de présenter constamment un spectacle, ce qui incite les journalistes à privilégier les incidents et la violence. Il existe aujourd’hui une sorte d’alliance objective entre les casseurs, les médias et le gouvernement, lequel peut discréditer le mouvement en mettant en exergue les comportements “honteux” des manifestants (comme l’a affirmé le président de la République après la manifestation du 24 novembre). C’est pourquoi, même s’ils ne sont qu’une centaine, les casseurs sont toujours les principaux personnages des reportages télévisés. Du coup, les “gilets jaunes” se sont sentis trahis par les médias, qui les avaient soutenus au départ. Telle est la raison profonde des agressions inadmissibles dont ont été victimes certains journalistes couvrant les événements. Comme on le voit, la défiance que le peuple exprime à l’égard des politiciens touche également les journalistes. »
D’après moi, c’est dans cette volonté de confiscation de la légitimité du pouvoir de parole que s’ancre l’acharnement incroyable contre le mouvement Insoumis et contre moi en particulier. Il va de soi que mon cas est aggravé par deux faits insupportables pour cette caste. D’abord que j’ai pu réunir sept millions de voix contre le mur médiatique radicalement hostile qui m’a accompagné dans les derniers jours de la campagne. Ensuite le fait que j’ai proposé et quasi obtenu que soit créé le conseil de déontologie des médias qui reviendrait à bloquer le pouvoir de flétrissement actuellement sans limite du parti médiatique. Au total, cet acharnement peut être décrit de la part du navire amiral du parti médiatique comme une sorte de volonté de revanche plus ou moins consciente à ce qui lui résiste. Cela venant bien sûr comme une motivation vécue comme plus honorable que la simple défense des intérêts matériels que portent ces 90 % de médias aux mains de 9 milliardaires.
Au cas précis qui justifie la nouvelle charge à partir des candidats déçus de la liste aux élections européennes, la disproportion est frappante. Qui n’a jamais vu qu’une telle liste soit ficelée dans la joie et la bonne humeur ? Quelle liste à venir sera exempte de tensions comparables ? Mais je veux aller au-delà pour montrer de quelle manipulation résulte la mise en scène de cinq personnes en désaccord avec leur placement dans la liste.
Il y avait 600 candidats à la candidature pour notre liste aux élections européennes de 79 noms. Trois personnes qui se sentaient mal placées sur la liste ont d’abord démissionné avec fracas. L’une l’a même fait publiquement à trois reprises en mai, puis en juin et septembre pour que nul n’en ignore et que Libération lui accorde la page de lamentations sans laquelle une vie politique ne peut s’accomplir. Deux autres ont bientôt ajouté leur explosion personnelle. Elles ont d’abord intrigué, provoqué tout le monde avec des mots totalement déplacés, cherché des histoires là où il n’y en avait pas et même des divergences de lignes à front renversé au point de se rendre assez odieux pour que plus personnes ne les supporte. C’est d’ailleurs la caractéristique commune de ces cinq personnes : un ego boursouflé. Il leur rend insupportable de ne pas être dans les cinq ou les dix premiers de la liste européenne au mépris le plus total de ceux et celles qui ont été choisis à leur place pour être à ces positions. Ce détail (qui leur a été préféré ?) ne les intéresse pas. Ils n’intéressent pas non plus ceux qui recueillent leurs précieuses confidences. Pas davantage que leurs prouesses électorales précédentes. Car toutes ces personnes ont en commun de ne point sortir de l’œuf.
Que les 500 autres personnes qui n’ont pas été retenue n’aient pas dit un mot hostile et que souvent elles soient de bien meilleur niveau et aptitude que ces cinq-là ne créé aucun intérêt. Voilà qui ne fait que confirmer ce que nous savons des conditions qui sont posées aux « rubricards » qui nous suivent pour pouvoir publier quelque chose : avoir de quoi faire du bashing contre les Insoumis.
Chacun des cinq partant revient comme avec un refrain sur le caractère supposément « anti-démocratique » de la constitution de la liste. Ici ou là on évoque même le « repli » sur soi d’une liste qui comporte pourtant 19 personnes extérieures au mouvement. Mais le caractère « anti-démocratique » est la punchline du rubricard fatigué. Aucune vérification de ce fait n’étant accompli, la phrase revient en boucle. Un jour, je publierai les innombrables sms dans lesquels certains de ces ardents défenseurs de « la démocratie interne » m’ont léché les pieds pour que je favorise leur placement sur la liste. Car telle était la conception de la « démocratie » qu’ils espéraient voir mise en œuvre : la désignation par le fait du prince. Et que dire de tels démocrates qui, après avoir voté pour confier la composition de la liste à un comité électoral, récusent ensuite les décisions que celui-ci prend au nom de leur propre vote ! Bref, la démocratie c’est quand ça leur convient.
Et il y a une presse pour encourager ces comportements de manière à rendre tout fonctionnement collectif impossible et se valoriser en tant que seul lieu d’expression « libre » ! Qu’il y ait un comité électoral de 32 membres dont plus de la moitié ont été tirés au sort et qu’il ait examiné pendant douze week-end les candidatures une à une et fixé des critères, voilà qui ne compte pour rien à leurs yeux. Quant aux commentateurs, cette méthode ne les a pas intéressés du tout, pas même pendant une demi-ligne de publication. Et d’abord qui sont les membres de ce comité aux yeux des importants qui étalent leur blessure d’orgueil : rien. Seules leurs personnes sont précieuses. Que je ne sois pas intervenu une seule fois, et que j’ai expliqué ici même pourquoi, ne suscite aucune remarque non plus.
Cinq égos boursouflés et des « journalistes » aveuglés de haine contre notre mouvement, voilà le mélange qui permet de titrer, quand cinq personnes partent sur 500 000, qu’il s’agit d’une « vague de départs ». D’où viennent ces cinq-là, quelles positions ils défendent et où ils vont aller à l’évidence après que le comité des candidatures a sans doute vu clair dans leur jeu, voilà qui nous est réservé pour les articles suivants, je suppose.
Le Parti Médiatique continue son pilonnage de commande : un bashing permanent depuis des mois où pas une semaine, pas un jour ne passent sans un article, un son ou une image qui cherche à nous dénigrer. J’en prend la large part comme on le sait. Cela me vaut une incroyable ferveur dans le milieu populaire qui déteste tout ce que ces gens de média aiment. Elle m’importe. Et cela me vaut un dédain confirmé des classes prétentieuses. Je vis avec la seconde depuis trente ans au moins lorsque élu pour la première fois je fus qualifié le lendemain dans Libération de « dernier dinosaure marxiste ». J’avais trente-cinq ans. J’ai eu le temps d’en prendre mon parti. Je prends doucement l’habitude de vivre entouré d’une telle haine de caste. Parce que j’ai enfin admis subjectivement que ces gens sont seulement en train de gagner leur vie à n’importe quel prix.