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La dernière cartouche ?

C’était sa dernière cartouche. Les heures qui viennent diront si elle a fait long feu ou si le pays se sent satisfait. S’il ne l’est pas, le fusible devra sauter. Maintenant, la parole est aux gilets jaunes. Ceux qui sont en semaine sur les barrages et ceux qui se mobilisent le samedi. Ils vont sans doute voter sur les barrages. Si ça ne passe pas, si le mouvement continue et d’autant plus encore s’il s’élargit encore, le fusible de Matignon devra sauter. Le Premier ministre s’est donc callé dans son siège éjectable pour faire sa déclaration. Pour ma part, il me semble que ni Macron ni Philippe n’ont pris la mesure du moment. L’opération déminage a semblé tourner court presque aussitôt. Il est vrai qu’un rapide examen permet de voir bien vite les (grosses) ficelles de la manœuvre.

Récapitulons. Le Premier ministre propose un report au-delà de la date des élections européennes de tout ce qui pourrait lui gâcher son résultat électoral déjà en piteux état. Donc serait reportée de 6 mois, l’augmentation de la taxe sur les carburants qui devait entrer en vigueur le 1er janvier. Il ajoute à cela un gel de même durée des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. Mais les gens sur les barrages ne demandent pas à être épargnés six mois de plus. Ils veulent l’annulation pure et simple de cette taxe injuste. Pour commencer.

Notons que le Premier ministre n’a pas précisé comment il comptait mettre en œuvre cette idée de « moratoire ». Car pour le moment, le Sénat a voté la suppression de la surtaxe dans le projet de loi de finances. Le texte revient donc dans cet état à l’Assemblée nationale. Pour pouvoir geler la mesure six mois, encore faut-il qu’elle soit d’abord adoptée. Le gouvernement va-t-il faire voter son rétablissement pour pouvoir ensuite la reporter ? Bonjour la clarté de la procédure ! Mais d’ailleurs, en vérité, d’où sort cette idée de moratoire ? Qui l’a demandé ? Réponse : le Medef, dans l’interview de son président par le journal « le Parisien » parue quelques heures avant la déclaration d’Edouard Phillipe. Ça sent tellement le tour de bonneteau !

Le fait que la macronie puisse croire à l’efficacité de telles astuces montre une chose : il n’a toujours pas compris que le pays est entré dans un processus de révolution citoyenne. C’est-à-dire une sorte d’insurrection civique propulsée par un puissant ressort dégagiste. Dès lors, pourquoi Philippe ne peut-il convaincre ? Parce que ce qu’il a annoncé ne changera rien à la situation actuelle des gens. Et ces gens le savent. Cette situation les a poussés dans la rue et sur les ronds-points. La taxe sur les carburants a déjà augmenté en 2018 de 32%. C’était déjà une ponction de 4 milliards d’euros sur les budgets populaires avant celle qu’il compte rajouter l’année prochaine. Le report de 6 mois de la prochaine hausse de la taxe n’est pas une mesure qui rajoutera le moindre euro sur les comptes en banque des gilets jaunes. Ils le savent. Et ça les exaspère.  Et il y a peu de chance que cela s’améliore après que le Premier ministre a annoncé une augmentation du salaire minimum de « 3% ». En effet celle-ci n’existe pas.

Le reste des annonces ne vaut pas mieux. Par exemple, on notera que le gel des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité sera bientôt impossible faute de tarifs réglementés puisque le gouvernement veut les supprimer, sur injonction de Bruxelles. Et d’ailleurs qui est concerné ? Peu de monde, puisque seuls un quart des abonnés au gaz sont adhérents à ces tarifs réglementés. Et comment oublier que l’augmentation vertigineuse de 16% des tarifs du gaz en 2018 est aussi due en bonne partie au gouvernement ? En effet, en juillet dernier, il avait par décret augmenté le prix. Mais il l’avait fait dans une proportion supérieure à ce que conseillait la commission de régulation de l’énergie. On comprend qu’après son moratoire de 6 mois, il pourrait imposer un effet rattrapage et taper plus dur lors des augmentations suivantes.

Le report de 6 mois coûtera 2 milliards d’euros de recettes en moins pour l’État. Il faudra donc combler ce manque. Mais l’impôt sur la fortune ne sera pas rétabli et la flat tax à 30% ne sera pas abrogée. Édouard Philippe a annoncé que cela se ferait par d’autres économies dans les dépenses publiques. C’est donc le peuple qui va payer par un nouveau recul des services publics. Et cela alors que les déserts de services publics sont précisément une des raisons pour lesquelles ils ont tant besoin de leur voiture. Depuis 10 ans, une école et deux bureaux de postes ont fermé chaque jour. Depuis 1980, le tiers des maternités a disparu. Les gilets jaunes ne demandent pas moins d’État. C’est pourtant ce que va leur servir le gouvernement pour leur répondre.

Ceci pour une unique raison : il refuse de prendre l’argent là où il est pour compenser un recul sur la taxe. Le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune est une revendication désormais populaire et très répandue dans le mouvement des gilets jaunes. Les trois milliards d’euros que cela rapporterait compenseraient le manque à gagner sur la taxe carburants. Mais il ne le fera pas. Face à la colère populaire, le président des riches continue de protéger les privilèges de ses mentors.

Mais il y a loin des intentions a la réalité. L’accueil du président au Puy-en-Velay est un point d’orgue et comme un signal de fin de parcours. Le Président prétend être en « visite privée », pour ne pas devoir prévenir ni recevoir le président de région, chef du part d’opposition de droite. Grotesque ! Comment un président peut-il qualifier sa visite à une préfecture brulée par la foule en équivalent d’une sortie personnelle au théâtre ! Mais peine perdue ! Dès que les gens du lieu l’ont su en arrivée ils se sont mobilisés pour tenter de stopper sa voiture ou pour l’insulter. Scène inouïe ! Le « bien aimé » d’hier, le chouchou des unes glamours est devenu le paria des foules populaires. À soi seul, cette glissade est un signe des temps en cours. Non seulement il est aussi bas que Hollande dans les sondages mais il s’y ajoute une forme de rejet violent qu’on ne se souvient pas avoir déjà observé. La parenthèse hallucinogène du président surprise, jeune, « disruptif » et audacieux sombre dans un épisode crépusculaire comme dans cette nuit du Puy en Velay et sa piteuse sortie, comme par l’escalier de service.

Le cours de l’histoire dégagiste que son élection a signifié reprend un cran au-dessus du point où il se trouvait à la fin de l’épisode Hollande. Le moment est donc davantage que ce qu’il montre sur les barrages contre la surtaxe des carburants. À présent, tout le monde le voit. Il s’inscrit dans une pente longue où s’accumulent les raisons d’agir et l’apprentissage des enfumages. D’ici à samedi, le sort du gouvernement va se jouer dans le rythme auquel vont s’agglomérer des mobilisations de tous les types à mesure que les sujets de mécontentements et les enjeux corporatif seront vivifiés par la puissance du mouvement des gilets jaunes, la sortie des jeunes hors de leurs établissements scolaires et les bégaiements d’un pouvoir en perdition. « En haut on ne peut plus, en bas on ne veut plus ». La formule de Lénine pour décrire les situations pré-révolutionnaires est mise en place.

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