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Intervention de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale le samedi 16 mars 2019 à 6h du matin. Le président du groupe « La France insoumise » a dénoncé le scandale que représente ce mode de fonctionnement de l’Assemblée, où des décisions très défavorables aux salariés et à l’intérêt générale sont prises au beau milieu de la nuit, loin des regards des citoyennes et des citoyens.
Il est donc six heures moins le quart du matin. Je pense que la première chose qu’il y a à dire à cette heure, c’est la protestation contre une telle situation. Et ceux qui sans aucun doute vont le savoir (parce que nous allons le faire savoir) vont comprendre quelle folie c’est, même en deuxième lecture, de débattre à cinq heures du matin des discriminations, à trois heures du tarif de l’électricité et à cette heure-ci de tout ce que nous venons d’entendre.
Tout ça est absurde ! C’est une folie ! C’est certainement la forme la plus grave de dysfonctionnement de la vie du Parlement que cette situation dans laquelle nous nous plaçons à intervalles réguliers. Et je rappelle qu’on avait d’abord fait la session unique pour qu’il n’y ait plus de réunions la nuit et qu’il n’y ait plus de sessions extraordinaires. Et maintenant nous avons des réunions la nuit, des sessions extraordinaires et nous nous réunissons toute l’année. Il n’y a pas pire façon de montrer que le Parlement ne se prend pas lui-même au sérieux, parce que personne ne peut croire qu’on puisse discuter (même quelque soit la bonne volonté que chacun d’entre nous y a mis) sérieusement de tels sujets, dans de telles conditions. Sauf ceux qui parmi nous sont des êtres humains d’une qualité particulière, supérieure à tous les autres, et qui sont capables de travailler dans ces conditions.
D’autant que le sujet, tout de même… « L’avenir de l’entreprise », son adaptation au XXIe siècle. Enfin ! Pas un mot sur la condition des salariés. Pas un mot sur leur participation à la décision. Des décisions de financiarisation qui vont modifier (là-dessus je donne tout à fait raison au ministre) assez lourdement ce que vont être les entreprises du pays. Et vous commettez une erreur : cette financiarisation va conduire plus sûrement à les détruire qu’à les aider à se financer. C’est la leçon qu’on a pu tirer partout, dans toutes les parties du monde où ce type de dispositifs ont été adoptés. Au passage, les gens finiront par comprendre qu’on a aussi commencé à préparer la fin de la retraite par capitalisation… la fin de la retraite par répartition et commencé la retraite par capitalisation. Tout ça est absolument incroyable.
Évidemment, le gros morceau, c’est la privatisation à laquelle personne ici n’a pu donner une réponse satisfaisante pour l’esprit. Pourquoi ? Pourquoi privatise-t-on les aéroports de France, notre principale frontière ? Pourquoi le fait-on ? Le ministre a dit : « c’est pour financer un fonds d’innovation » qui va rapporter moins que ce que rapportent aujourd’hui ces aéroports. Donc, à l’heure à laquelle nous sommes, nous n’avons toujours pas compris (pardon si nous ne sommes pas assez intelligents pour avoir compris), nous n’avons toujours pas compris pourquoi cette privatisation a lieu. Soit par un a priori de logique qui voudrait que tout marche mieux dès que c’est privatisé, idée qui va contre le bilan des privatisations qui ont déjà été faites. Soit parce que d’autres arrangements sont là à l’oeuvre, auxquels nous ne comprenons rien. Mais ne croyez pas, ne croyez pas que la suite passera inaperçue, qu’on ne surveillera pas très étroitement qui va être bénéficiaire d’une opération aussi spectaculaire que scandaleuse.
Voilà. J’ai beaucoup d’amertume à me voir pris, comme mes collègues, dans cette forme de travail. Collègues de la majorité, vous êtes 315, vous êtes d’astreinte une fois tous les mois et demi. Nous sommes un groupe de 17, nous sommes d’astreinte tous les trois jours. Ce que nous venons de vivre, nous allons le payer maintenant dans les jours qui suivent. Et je voudrais vous rappeler que nous sommes seulement des êtres humains et qu’une telle façon de travailler n’est pas acceptable. Je demande vraiment que le bureau de cette Assemblée se saisisse une bonne fois des problèmes de cette nature. Six heures moins dix du matin.
J’ai honte pour nous tous de ce que nous sommes en train de faire. Honte surtout quand la conclusion de tout ça, c’est d’avoir fait passer autant de mesures qui sont si défavorables à la grande masse de ceux qui produisent la richesse de ce pays.