La journée de double mobilisation le 16 mars qui a vu dans les rues les gilets jaunes et la mobilisation pour le climat était impressionnante. Ce fut un succès et il sera contagieux. Elle atteste de la profondeur de ce qui travaille les consciences dans le pays. Car le régime macroniste et ses soutiens se réconforteraient à tort s’ils croient que les manifestations pour le climat sont inoffensives pour l’ordre en place. Et les ministres qui ont été faire les malins dans les cortèges ont eu l’occasion de s’en rendre compte. Le niveau d’exigences et la demande de sincérité n’est pas moins grande là que dans les rangs des gilets jaunes.
Le double discours macroniste entre le dire et le faire ne rencontre guère de sympathie parmi les cohortes de ceux qui se mobilisent en connaissance de cause sur un thème aussi global que celui du changement climatique. Il est vain pour la caste de croire que tout cela puisse si peu que ce soit servir l’idéologie de marché et du capitalisme. Dans les rangs des lutteurs contre le saccage de l’écosystème, davantage même que dans les rangs d’autres mobilisations, la délégitimation de l’ordre économique établi avance à grand pas dans les esprits. Dès lors, de l’état de la mobilisation dans le moment où elle a lieu, il y a ce que cela montre de l’évolution de l’état des esprits dans ce moment-ci. Le retour des idées collectivistes est engagé. Il dominera la scène avant dix ans, à mesure que l’incurie des pouvoirs néolibéraux et leur complicité avec le monde des coupables du saccage écologique se confirmera.
La couverture médiatique sur le registre des violences des manifestants est désormais une contre-performance de la part de ceux qui comptent dessus pour enrayer l’adhésion des sondés aux actions des manifestants. Après dix-sept semaines de ce genre de numéros, les téléspectateurs sont mieux préparés et décryptent plus facilement. Comment le même mouvement peut-il évoluer d’une semaine à l’autre de façon aussi radicalement différente dans ses modes d’action ? Passer du cent pour cent non violent à la bataille rangée et à l’incendie ? Il y a un loup, se dit-on. Si bien que tout le monde finit par comprendre qu’il se passe quelque chose derrière le rideau des images. Pour ma part je suis resté si stupéfait de ce que je voyais que j’aurai volontiers parlé de coup monté. Mais ce n’est pas du tout ce que je pense après m’être renseigné. Comment autant de gens peuvent-ils s’être livré sans problème des heures durant au saccage des Champs-Élysées alors que tout cela était annoncé sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours ? La réponse n’est pas le coup monté, ni la complaisance intéressée. C’est que le sommet de l’État et de la hiérarchie policière ne maîtrise plus la situation.
Dans le sommet politique de la macronie, les allées et venues entre des choix de tactiques politiques différentes entre provocation et conciliation ont désorienté tous les rouages intermédiaires. L’échec de la tentative de dissoudre le mouvement dans le grand débat et l’incapacité à en sortir avec des propositions fortes qui aient une portée mobilisatrice ajoute une ambiance de flou et de désordre. Elle démobilise les restes de bonnes volontés disponibles autour du pouvoir. Les erreurs de communication comme ce week-end au ski continuent à miner l’autorité morale du président. À l’heure de mobilisations sur le climat et de la misère en gilet jaune, on évite les démonstrations de loisirs dispendieux autant qu’écologiquement irresponsables. Le tout pour faire croire à une détente de la situation qui s’avère ensuite être à l’inverse !
Avoir voulu jouer la carte du parti de l’ordre quand on est incapable de le maintenir produit dorénavant son effet : la droite et l’extrême droite peuvent travailler à y trouver un second souffle. L’interminable séquence télévisuelle du samedi et du dimanche sur les « violences » de rue n’aura pas fonctionné au service du pouvoir cette fois-ci. Le contraire. Si bien que les campagnes d’affolement pourraient ne plus produire l’effet de regroupement autour du président sur lequel celui-ci avait d’abord compté.
Car en toute hypothèse, chacun commence à voir que la hiérarchie policière et ses rouages intermédiaires ont perdu pied. Les mieux informés ne seront peut-être pas surpris de constater que le pire samedi de désordre est celui où l’on appris le limogeage du directeur de l’ordre public et de la circulation. Ceux qui suivent les questions de police savent que l’affaire Benalla continue de répandre ses effets délétères. Et ce n’est pas fini. Le coup de la perquisition à Mediapart et de la démission de la responsable de la sécurité de Matignon dont le compagnon avait des affaires russes en commun avec Benalla est dans ce registre. Sans compter les rebondissements suivants. La reprise des persécutions judiciaires contre « La France Insoumise » l’est tout autant. Plusieurs clan et services se mènent entre eux, et avec les autres, des guerres en résonnance avec celles que se mènent les différents clans du pouvoirs.
Cette confusion est partout, semble-t-il, dans l’appareil de contrôle politique de la société. On le voit quand, sur un plateau de télé, un journaliste de L’Obs nous impute un complot avec l’ONU pour dénoncer les violences policières en France sans que les autres « experts » et journalistes présents ne réagissent. Le grand n’importe quoi est un appartement dans la maison de la panique. Elle va marquer toute la séquence qui vient. Notamment parce que l’entrée dans le vif de la campagne européenne va produire l’effet de vigilance populaire que toute campagne électorale engendre. Cela commence par un effet de conflictualité dont ont besoin « Les Républicains » face aux aspirateurs macronistes. La saison des complaisances qu’on avait observé des mois durant est close. Et ainsi de suite. S’y ajoute le ridicule du rateau que le gouvernement allemand n’a pas hésité à infliger à Macron après sa lettre aux européens. S’y est ajouté le lamentable de la découverte de fonds privés des lobbys alimentant le groupe ALDE au Parlement européen, unique appui des macronistes sur cette scène.
Au total, le moment qui devait être celui de la stabilisation pour le pouvoir se présente à l’inverse après la semaine écoulée et le week end du 15 mars. Comme le chemin qui s’ouvre est aussi celui qui mène à l’élection européenne, on voit que tout est possible dans les trois mois qui viennent.
[insert page=’11303′ display=’link’]
[insert page=’11303′ display=’content’]
[insert page=’11305′ display=’link’]
[insert page=’11305′ display=’content’]