Macron aimerait chouchouter les pauvres mais, d’ici-là, il refuse de faire payer les riches. Une acrasie typique. On le savait déjà avant le début du très long « grand débat ». Il le confirme à son terme. La révolte populaire qui a mis son pouvoir en difficulté a démarré de la question fiscale. Il est donc bien obligé d’imaginer une réponse sur un impôt. Il le fait sur un mode de gribouille et en ne rendant pas le système en vigueur plus juste. Il annonce une baisse de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros. Tant mieux pour ceux qui les payent. Tous. Car tout le monde en profitera, les classes moyennes mais aussi Bernard Arnault. Plus de la moitié des Français ne payent pas l’impôt sur le revenu. Pour autant, ils contribuent à l’effort, notamment avec des prélèvement injustes car non progressifs : la TVA et la CSG. Pour cela, Macron n’annonce rien. Ni progressivité de la CSG ni baisse de la TVA sur les produits de première nécessité. Il assume son refus de faire payer les riches. Il a d’ailleurs consacré un temps non négligeable à défendre la suppression de l’ISF. Cette suppression est devenue la signature de son quinquennat.
Et puisque qu’il ne rend pas plus progressif le barème de l’impôt sur le revenu pour compenser la baisse sur les premières tranches, c’est l’ensemble des Français qui vont payer le manque à gagner. Ce qu’il donne d’une main, il le reprend de l’autre. Il a prévenu : pas question de faire du déficit. Ces 5 milliards d’euros seront compensés par des économies sur la dépense publique. Cela signifie des services publics en moins. À partir de là, dans ses promesses sur les services publics, on cherche le leurre, l’arnaque. Il nous dit qu’il n’y aura plus une fermeture d’école ou d’hôpital sans accord du maire de la commune concernée d’ici la fin du quinquennat. Mais il s’empresse d’ajouter: « cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de réorganisation ». Traduction : on ne fermera pas d’hôpital ou d’école entier mais on continuera à supprimer des classes, des services et des lits. Ainsi, l’hécatombe dans les maternités et les hôpitaux publics va continuer et se durcir.
Autre piste pour faire payer à tous les baisses d’impôts qu’il fait semblant d’accorder : l’augmentation du temps de travail. Sur ce point, le président commence par un mensonge. Il affirme que les Français travailleraient moins que leurs voisins. C’est faux. D’après les chiffres de l’OCDE, si l’on considère le nombre d’heures travaillées par travailleur dans l’année, un Français travaille plus qu’un Allemand, qu’un Néérlandais, qu’un Suédois et autant qu’un Britannique. La durée du travail n’a pas diminué de manière excessive en France. Depuis les années 1950, elle a diminué de 25% en France comme en Allemagne, au Japon ou au États-Unis et dans l’ensemble des pays d’Europe de l’ouest. Il est vrai que cette diminution ne s’est pas faite selon les même méthodes partout. En France, nous l’avons fait par le partage du temps de travail par la réduction de la durée légale à 39 puis à 35 heures. Dans d’autres pays comme en Allemagne ou aux Pays-Bas, la réduction globale de la durée travaillée s’est faite de manière beaucoup moins égalitaire par la multiplication des temps partiels.
Surtout, un nombre important d’heures travaillées n’est pas un indicateur d’efficacité économique. Ainsi, dans la zone euro, la Grèce dépasse par exemple de 40% le temps de travail effectif en Allemagne. Ce qui compte, c’est la productivité des travailleurs, c’est-à-dire la quantité de richesse qu’ils peuvent produire dans un temps délimité. De ce point de vue, les Français sont parmi les plus performants d’Europe. Ils sont plus efficaces que les Anglais pour une durée au travail équivalente. Comme le résumait le journal libéral britannique The Economist en 2015 : « les Français pourraient arrêter de travailler le vendredi et toujours produire plus que ne le font les Britanniques en une semaine ».
Il a écarté l’idée stupide de Stéphane Guérini de supprimer un jour férié pour y parvenir. Sur la durée légale hebdomadaire de 35 heures il a affirmé qu’il était déjà possible d’y déroger par la négociation dans l’entreprise. C’est vrai et c’est notamment le résultat de la loi El Khomri et des ordonnances du début de son quinquennat. Selon lui, nous devons travailler plus longtemps en partant plus tard à la retraite. Mais sans toucher à l’âge légal de départ à la retraite. Hypocrite. La réforme des retraites qu’il a prévu pour après les européennes va rendre l’âge légal de 62 ans totalement théorique. Macron va transformer notre régime par répartition en régime à points. Dans ce système, le montant de votre pension dépendra de la valeur du point l’année de votre départ. C’est donc ce critère, et non l’âge légal théorique, qui déterminera la date du départ. La plupart des gens seront contraints de partir plus tard à la retraite, sinon ils verront leur pension baisser.
Dans sa conférence de presse, le président a bien sûr usé du truisme préféré des libéraux : « mais puisqu’on vit plus longtemps, il faut bien travailler plus longtemps ». Justement, à cause des contre-réformes, l’espérance de vie a cessé d’augmenter. En fait, depuis 2014, elle stagne. C’est un phénomène inédit, hors période de guerre, depuis le début du 20ème siècle. L’augmentation du temps de travail est à contre-courant de l’Histoire. Depuis la révolution industrielle, le temps passé au travail ne cesse de baisser et la richesse produite par celui-ci d’augmenter. Il y a en France aujourd’hui 6 millions de personnes au chômage ou en sous-activité chronique. Le meilleur moyen de retrouver le plein-emploi est de renouer avec la diminution séculaire du temps de travail.
La question de l’impôt ou celle du temps de travail reviennent à la même chose : le partage des richesses produites. Macron ne le fera pas. Il est là où il est pour préserver et accroître la richesse des privilégiés et non redistribuer plus équitablement. « L’Avenir en Commun », en revanche, le propose. Par le partage du travail dans la vie avec le retour à la retraite à 60 ans, dans l’année avec la 6ème semaine de congés payés et dans la semaine avec l’ouverture d’une conférence sociale sur le sujet. Par l’augmentation des salaires avec l’augmentation à 1326 euros net du salaire minimum. Avec la révolution fiscale : 14 tranches pour l’impôt sur le revenu, la CSG progressive, la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité compensée par une TVA grand luxe.