chaud pareil

Fais chaud et tais-toi !

Les épreuves du brevet des collèges, qui devaient se tenir cette semaine, vont être reportées en raison de l’épisode caniculaire qui touche l’hexagone, a annoncé le ministre Blanquer. Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres de la façon dont les conséquences du réchauffement climatique vont venir perturber l’organisation de nos sociétés. La canicule actuelle est inédite pour le mois de juin depuis 1947. En raison du taux d’humidité dans l’air, la chaleur ressentie est supérieure à l’épisode de l’été 2003, qui avait provoqué la mort de 15 000 personnes. Ce genre d’épisode de chaleur est de plus fréquent et répandu. Dans un climat régulé, une canicule de ce type ne devrait arriver en France qu’une fois tous les 10 000 étés. Mais à 4 degrés de réchauffement, elle se répètera une fois tous les deux ans.

L’inaction du gouvernement Macron nous rapproche de cet abîme. Aucun des facteurs qui accélèrent le réchauffement n’est stoppé. Les députés insoumis ont demandé que l’état d’urgence climatique soit solennellement déclaré par l’Assemblée nationale, comme l’ont fait les députés britanniques et irlandais. Au lieu d’inscrire cette résolution à l’ordre du jour, les députés macronistes ont refusé dans les quinze derniers jours des amendements insoumis pour taxer davantage le kérosène des avions, étendre la gratuité dans les transports en commun ou donner le pouvoir aux préfets d’interdire dans certaines zones les paquebots de croisière polluants. L’exécutif, quant à lui, a décidé qu’il était urgent d’inscrire à l’ordre du jour du mois de juillet la ratification du CETA, l’accord commercial avec le Canada. Celui-ci ne respecte pourtant pas les engagements pris par les États signataires lors des accords de Paris en 2015. Pour faire face au défi climatique, il faudrait sortir du système formé par le libre-échange, la finance, les règles de l’Union européenne.

Les épisodes de grande chaleur sont dangereux pour la santé et même meurtriers. Mais ils ne frappent pas de manière uniforme toute la population. Une étude avait montré qu’en 2003, la mortalité du fait de la canicule avait été trois fois supérieure chez les ouvriers que chez les cadres. La raison tient souvent aux caractéristiques des quartiers populaires. Ils sont souvent plus exposés aux pollutions qui s’aggravent en période de canicule. C’est très visible à Marseille où les rejets des paquebots de tourisme de croisière équivalent à un million de voitures par jour et touchent d’abord les quartiers nord. Ensuite, les logements des pauvres sont moins bien isolés, ce qui les rend bien plus difficile à maintenir à des températures viables. Enfin, la présence en ville de végétation joue un grand rôle pour rafraichir l’atmosphère dans ces périodes. Elle répond et contre l’effet « îlot de chaleur urbain » créé par les revêtements artificiels qui conservent la chaleur. Or, il y a justement moins d’espaces verts dans les quartiers les plus pauvres. Ces exemples donnent tout son sens à notre concept d’écologie populaire.

Cette année, les conséquences de l’épisode caniculaire risquent d’être renforcées parce qu’il intervient après une décennie de démantèlement de l’État français. En ce moment même, un nombre record de services d’urgence sont en grève pour contester contre le délabrement des conditions de travail et d’accueil et revendiquer un plan d’investissement d’urgence. 100 000 lits ont été fermés dans nos hôpitaux depuis 20 ans. Dimanche 23 juin, ce sont sept syndicats de sapeurs-pompiers professionnels qui ont déposé un préavis de grève courant sur tout l’été. Eux aussi dénoncent les incessantes économies réalisées sur le dos du service public dont ils ont la charge. Depuis 2005, 5500 postes de pompiers volontaires ou professionnels ont disparu, 2200 centres de secours ont disparu et les dépenses d’investissement dans le matériel ont été réduites de 26%. Mais comment faire face à une canicule, son lot de risques sanitaires et d’incendies potentiels, sans un service de pompiers et des hôpitaux de qualité ?

Sans l’État, c’est la loi du plus fort qui s’imposera. L’oligarchie fera sécession d’avec le reste de la population. Elle paiera le prix qu’il faudra pour être à l’abri des dangers tandis que tous les autres ne pourront compter que sur des services publics délabrés. Cela a déjà commencé. En ce moment, l’Inde connait une des pires sécheresses de son histoire, à cause du retard de la mousson, causé par le réchauffement climatique. Le prix de l’eau explose : que font les hôpitaux ? Ils le répercutent sur le prix de leurs lits. Le combat des insoumis pour la sauvegarde de notre État est directement lié à la catastrophe climatique à laquelle il répond concrètement. Dans les périodes de crise qui mettent en cause l’existence même du groupe humain, l’observation montre que c’est en principe la solidarité qui l’emporte sur les autres considérations. Mais le dressage à l’individualisme, la permanence de l’idéologie libérale et sa domination notamment sur les médias qui en récitent les mantras, fonctionnent comme une machine à introduire dans les esprits les mauvais réflexes. Dans son livre Lentraide, l’autre loi de la jungle, Pablo Servigne montre que si l’humanité entre dans la crise climatique et ses dégâts avec les principes courants que lui a inculqué le discours libéral dominant, alors la situation sera pire que si les gens pouvaient réagir librement d’après ce que leur instinct leur suggérerait. Le libéralisme n’est pas seulement mauvais par le déchaînement productiviste qu’il implique. Il l’est tout autant par les justifications qu’il a inculquées pour pousser tout être à l’égoïsme du chacun pour soi.

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