J’embarque pour le Mexique. Ce sera le début d’un périple qui va me conduire dans plusieurs pays d’Amérique latine. Bien sûr, le 14 juillet, je célébrerai la Fête nationale des Français. Ce sera à l’ambassade de France à Mexico.
Une fois de plus donc c’est en Amérique du Sud je vais me ressourcer. J’enverrai des cartes postales de voyage sur ce blog. Il le faut pour bien partager ce que je vais faire. En effet, c’est là-bas de nouveau que « ça se passe » tandis que la vieille Europe s’enfonce dans les marées brunes, les délires ultralibéraux, et l’immobilisme sénescent du « modèle allemand ». Après la victoire au premier tour avec 54 % au Mexique, une victoire semble se dessiner comme une revanche en Argentine. Je compte avoir l’occasion de rencontrer le tandem des Fernandez donné gagnant pour l’instant. De son côté, le coup de force juridico-fasciste du Brésil semble être entré en phase de dislocation. J’ai prévu d’aller voir Lúla dans sa prison. Il y a donc de nouveau beaucoup à observer, à discuter, à apprendre. J’ai déjà tant reçu de la précédente vague démocratique qui avait déferlé sur ce continent au début du siècle ! Je me régale d’avance à présent.
Tant de choses ont changé dans cette zone. Dans un premier temps nous avons eu un sentiment de déroute générale et les victoires plus ou moins violentes des manigances nord-américaines semblaient évidentes. À présent la tendance semble s’inverser de nouveau. Je veux comprendre le phénomène et en tirer toutes les leçons utiles pour nous en Europe. J’aimerais aussi beaucoup d’ailleurs trouver l’occasion de faire un saut à Cuba pour y faire la connaissance des nouveaux dirigeants et de leurs objectifs. Je ne sais pas encore à cette heure-ci si ce sera possible.
En fait, j’étais déjà invité à donner une conférence en décembre dernier et bien sûr rencontrer le nouveau président du Mexique qui appartient à notre famille politique au sens large. J’ai fait sa connaissance il y a quelques années lors de sa visite à Paris et j’ai eu plusieurs contacts avec lui aussi bien pendant ma campagne présidentielle que pendant la sienne. Mais pour rester au contact des développements possibles du mouvement des « Gilets jaunes », j’avais dû tout ajourner. Une nouvelle date avait donc été arrêtée tenant compte des obligations de chacun.
Je donnerai donc une série de conférences sur « l’ère du peuple » à Mexico et à Veracruz. Et il est prévu aussi que j’aille à Tijuana, sur la frontière avec les États-Unis. J’y serai accompagné du prêtre Solalinde, visage notoire du continent, coordinateur de la « Pastoral de Movilidad Humana Pacífico Sur » de l’épiscopat mexicain. Il est également directeur du refuge « Hermanos en el Camino », qui fournit une assistance humanitaire et de l’aide juridique aux migrants d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud en route vers les États-Unis. C’est le sujet brûlant du moment dans cette région. Évidemment, je rencontrerai le président Andrés Manuel López Obrador, des membres de son gouvernement, les présidents des deux assemblées. Mais aussi les dirigeants du mouvement majoritaire Morena. La question de la forme du mouvement et de sa confrontation à l’exercice du pouvoir va être un bon débat d’enquête pour moi. Dans cette ambiance, je me réjouis d’avoir, pour la première fois dans un de mes déplacements de cette sorte, toute une liste de rencontres avec des intellectuels mexicains. Comme avec Paco Ignacio Taibo, avec qui j’aurai un débat public sur la littérature et le sens de l’engagement, Claudia Sheinbaum et John Akerman qui devraient de plus m’interviewer.
La dimension latino-américaine de ce séjour de longue ampleur prend place dans un travail international commencé il y a bientôt six ans. Je le mène avec une énergie nouvelle depuis la fin de la campagne présidentielle en France. En effet, à cette occasion a été démontrée la possibilité de faire émerger en Europe aussi des forces dégagistes alternatives. Comme l’a montré aussi la campagne de Sanders aux États-Unis. Bref les pays du « centre » ne sont pas à l’abri de notre émergence. Mais nous voyons aussi que nous buttons partout sur la même difficulté d’alliance populaire entre les secteurs moyens de la société et ceux beaucoup plus marginalisés spatialement et socialement. Pour ce qui concerne mon implication personnelle dans le travail de la mise en contact et du regroupement, ce séjour s’inscrit dans la série de rencontres et de déplacements commencée dès 2017. Mon objectif et celui de quelques-uns de mes amis dans le monde est la création d’un club (agora) mondial qui soit un espace pour les personnalités engagées dans la bataille pour la transition écologique et sociale de la mondialisation libérale et productiviste. Car le paradoxe de la situation c’est que nos forces, héritières de l’internationalisme d’hier, sont bien moins coordonnées que celles de nos adversaires dans l’histoire longue.
Dans ce but déjà, dans la période récente, j’ai effectué de nombreux déplacements et rencontres personnelles. Après la Grèce en octobre 2017, Naples en mai 2018 pour rencontrer le maire Di Magistri, la Russie en mai 2018, pour rencontrer l’opposant Serguei Oudaltsov, Madrid en juillet 2018 pour la conférence d’été de la Complutense, Liverpool en septembre 2018 pour le congrès du Labour, où j’ai rencontré pour la première fois Jeremy Corbyn, j’étais encore à Lisbonne en avril dernier à l’occasion de la marche des œillets. Mais j’ai aussi rencontré nombre de mes interlocuteurs à Paris. Ainsi de Veronica Mendoza (20%) du Pérou, Hamma Hammami, secrétaire général du Parti des travailleurs tunisien, le mauritanien Biram Dah Abeid, Raphael Correa, ancien président d’Equateur et Gregor Gysi, président du Parti de la gauche européenne. Je publie cette liste, qui doit d’ailleurs contenir des oublis, pour que mes lecteurs attentifs sachent que c’est là une activité qui n’est pas secondaire ou protocolaire pour moi et donc pour nous.
L’installation d’une nouvelle délégation insoumise au parlement européen devrait élargir nos moyens d’action et de conviction sur la scène internationale. D’autant que notre nouvelle influence dans le groupe GUE devrait faciliter la sensibilisation du groupe à ses devoirs internationalistes. Tout ce travail est souvent mal connu et parfois mal compris. Quelque chose a failli se perdre dans ce domaine qui était autrefois au cœur de l’éducation d’une conscience rebelle à l’ordre établi. La pratique personnelle et concrète des contacts internationaux, la connaissance du paysage de la lutte dans les divers pays, tout cela était constitutif de la culture de base d’un militant politique dans notre famille intellectuelle. C’est ce que les Insoumis doivent à présent réhabiliter et faire fonctionner de nouveau.