Tribune parue le lundi 14 octobre 2019 dans L’Humanité.
L’invasion turque en Syrie est pleine d’enseignements pour la France. Le premier est qu’il faut choisir son camp quand on est directement concerné comme nous le sommes dans ce cas. La sécurité de la France est engagée dans la détention des prisonniers des milices islamistes vaincues par les Kurdes. Nous sommes directement intéressé à la prédominance des armes kurdes car leur défaite serait une prime pour nos pires adversaires dans cette région. La doctrine internationale de notre pays est aussi engagée : nous n’acceptons pas l’invasion par un État de son voisin, quel que soit le régime politique de celui-ci. La Syrie doit rester inviolable. Refus encore que la Turquie fasse la police du secteur en fonction de ses intérêts les plus bornés. Au passage, pourtant parfaitement informée, la Turquie a frappé une présence française en Syrie sur laquelle les Turcs n’ont pourtant aucun droit de regard. Dans de tels cas, notre devoir est de riposter. Nous ne devons pas accepter ce type d’ingérence d’un « allié » dans nos engagements. Ce qui au total interroge une fois de plus le sens de notre présence dans l’OTAN, et, au cas présent, au moins dans le commandement militaire de cette alliance qui permet une agression contre nos forces, si limitées soit-elle.
Les combattants kurdes sont les héros de la lutte contre Daech. On ne doit plus les exclure de la discussion sur l’avenir de la région. Les solutions politiques en cours dans le Rojava sont des clés pour un avenir stable et pacifique dans le secteur. Son modèle repose sur la démocratie. Il respecte les minorités et se veut féministe. À l’autoritarisme d’Erdogan, il oppose la souveraineté populaire. Au tri ethno-confessionnel, il oppose le pluralisme. À la dépendance aux réseaux clientélistes, il oppose des services publics de qualité et un modèle de société solidaire face à la corruption généralisée.
Face à l’invasion turque, la France doit choisir son camp et le défendre sans compromission. Ni les Kurdes ni les militaires français ne doivent être abandonnés à Erdogan.