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Ce que la pluie annonce

Les pluies destructrices dans le sud du pays doivent conduire les regards sur le littoral et la mer méditerranée qui s’y trouve. Le cycle de l’eau est sévèrement réorganisé dans cette zone du fait du changement climatique. On commence donc à voir comment la dislocation de la civilisation humaine actuelle pourrait se produire en raison des intempéries détruisant un après l’autre et fréquemment les réseaux collectifs nécessaires à la vie quotidienne : réseaux d’eau potables, électricité, routes etc. Le jeudi 10 octobre dernier, l’Union pour la Méditerranée a rendu un rapport sur le contexte climatique qui nous intéresse. Il étudie les effets du réchauffement climatique dans l’espace méditerranéen, dont la France fait partie. Les phénomènes qui touchent toutes l’humanité y ont une force démultipliée par rapport à ce qui s’observe dans le reste du monde. Ainsi, les températures y grimpent 20% plus rapidement que dans le reste du monde. Les effets du changement du climat dans cette région du monde toucheront plus de 500 millions de personnes. Par exemple, la Méditerranée est l’un des endroits ou la montée des eaux va être la plus catastrophique, du fait de l’urbanisation importante de ses côtes. Sur les 20 villes qui souffriront le plus de la montée des eaux au niveau mondial, la moitié se trouvent en Méditerranée. En Afrique du nord, 37 millions de personnes auront les pieds dans l’eau.

La montée des eaux de la mer va s’ajouter à l’inquiétante raréfaction de l’eau douce qui va frapper le bassin méditerranéen. Le niveau des cours d’eau et des lacs va baisser partout. Le plus grand lac de Méditerranée, le lac Beysehin en Turquie risque de disparaitre dès 2040. La disponibilité en eau douce en Grèce va passer d’ici 2030 en dessous de la barre des 1000 m3 par an et par habitant ce qui est un niveau en tension. Quant au sud de l’Espagne et à la côte africaine, le niveau va passer durablement en dessous de 500 m3 par an et par habitant. Ce qui signifie que ces régions seront en état de pénurie d’eau permanente. Globalement, en moyenne en Méditerranée, la disponibilité en eau douce va baisser de 15% dans les prochaines années. C’est un des taux les plus important du monde.

Après l’eau, les effets du changement climatique vont se porter sur l’agriculture et l’alimentation. D’abord la montée des eaux de mer va rendre infertile une partie des terres aujourd’hui cultivées. Ainsi, en Égypte, un pays de plus de 100 millions d’habitants, un tiers des exploitations agricoles va être affecté dans ce sens. Ce pays risque de perdre d’ici 2050 40 % de sa production de légumes. Sur tout le pourtour de la Méditerranée, le blé est l’aliment de base depuis des siècles, que ce soit sous la forme du pain, des pâtes ou de la semoule. Or, le rapport estime qu’à chaque degré de réchauffement la production de blé baissera de 7,5%. La démographie de la région méditerranéenne continue d’être dynamique. Mais sa production agricole pourrait devenir donc déclinante. Ce qui promet de placer les peuples dans une situation de grande dépendance alimentaire. Autrement dit en grande dépendance des réseaux mondiaux du commerce et donc du transport.

Ce rapport nous rappelle une fois de plus le besoin de la coopération internationale méditerranéenne. Nous, pays qui bordons cette mer, formons non seulement un ensemble historique, culturel, civilisationnel mais nous dépendons aussi d’un écosystème commun. Les relations entre nous ne peuvent pas se limiter à la militarisation de cette frontière naturelle par les pays du Nord pour empêcher, vainement, les migrants du Sud de passer. Ce n’est pas de murs, de barbelés aux frontières dont nous avons besoin mais de projets communs entre les États des deux rives. J’en ai déjà proposé un pour stopper la plastification de notre mer. Si on ne s’y met pas, d’ici 2050, il y aura plus de plastiques que de poissons. Un autre défi que nous ne relèverons qu’ensemble est celui de la gestion de la ressource en eau pour l’avenir. C’est la question vitale du proche futur. Aucune vie n’est possible sans eau. Nos immenses espaces urbains dépendant radicalement d’un accès organisé à l’eau.

La France peut et doit jouer un rôle moteur dans l’organisation de l’état d’urgence climatique des riverains de la Méditerranée. Pour cela il est temps de commencer à se tourner vers les Sud avec une autre attitude que l’habituelle condescendance donneuse de leçons. Assez perdu de temps avec les débats ridicules sur le voile et la guerre des religions à laquelle le pouvoir et son système médiatique sont intéressés pour distraire le grand nombre des réalités qui mettent sans cesse en cause l’impératif besoin de coopération et d’entraide plutôt que de marché et de compétition.

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