Si l’on prend les municipales comme un évènement politique traditionnel, tout est super simple à comprendre. À droite, le syphon Macroniste rencontre une résistance qui n’existe pas autant aux autres niveaux. Les sortants de droite se déguiseront en fées clochettes s’il le faut pour faire oublier leurs relations nationales. La statistique préfectorale va donc regorger de « divers droite » et de « sans étiquette ». Dans ce cas, la consigne du sommet rencontre les angoisses de la base : il s’agit pour la macronie d’empêcher la droite traditionnelle de reprendre pied dans le paysage politique et, de son côté, la droite du terrain ne veut pas être engloutie dans la débâcle de celle du sommet.
De l’autre côté c’est encore plus simple : EELV se pense en droit d’avoir la tête de liste absolument partout sans exception, dès qu’un candidat s’en déclare membre. Tous les autres sont priés de participer, le béret à la main aux combinaisons les plus incroyables auxquelles ce parti est prêt. On se souviendra avec émotion, j’en suis certain, des diatribes d’autrefois contre l’hégémonisme de LFi et des dénonciations de nos égos ! À chacun de voir sur place.
Il va de soi que le vote EELV est un puissant corrosif pour la macronie des centres villes un peu écœurées par les éborgnements de manifestants et par la justice d’exception à la sauce Belloubet. Les EELV captent au centre droit et ils aident utilement à abaisser le niveau de confiance dans la macronie qui aurait bien voulu paraître écologiste. Ces mérites-là doivent être pris en considération. L’inconvénient est que souvent ces EELV se montrent compatibles avec LREM pour les deuxièmes tours et parfois même dès le premier comme à Marseille par exemple.
Mais toute cette tambouille est l’écume des choses dans la séquence politique. On ne peut pratiquement rien contre elle. Ni avec elle, le plus souvent. Si nous étions sortis plus forts de l’élection européenne, nous aurions pu jouer un autre rôle pour que ces municipales soient le moment fondateur de cette « fédération populaire » dont le pays a besoin en tant qu’alternative. Les électeurs ont fait un autre choix en confiant la première place à EELV. On s’incline. EELV en fait l’usage étroit que l’on sait. Que faire ? Nous savons que nous ne sommes pas en état d’empêcher ce rabougrissement qui fonctionne aussi comme un passage en force un peu partout. Mais une fois cela constaté, nos objectifs de fond ne doivent pas changer.
Les municipales sont une étape sur la voie de la « fédération populaire » que nous voulons faire émerger pour mener à bien le grand changement dont le pays a besoin. Il faut faire de l’élection municipale, partout où on le peut, un moment de progrès dans l’auto-organisation des populations. En commençant par les délaissés de tous, les quartiers populaires. Ceux là, une nouvelle fois, vont être traités sur le mode compassionnel et paternaliste par les listes qui partent à la cueillette des votes de centre-ville. Ce n’est pas toujours facile car il n’existe pas partout de collectifs citoyens actifs et réels. La préparation de l’élection municipale doit être une occasion de les faire éclore sur les grands dossiers d’une commune.
Il ne faut pas opposer cette quête à la traditionnelle demande d’unité qu’affichent les appareils politiques locaux avec leurs « candidats naturels ». Une demande qui parle aussi parfois aux classes moyennes des centres villes pour qui le contenu programmatique à propos des questions sociales posées aux quartiers populaires est souvent secondaire. La vérité est que ces catégories sont souvent en état de sécession avec ces milieux populaires relégués. Cette « unité » peut avoir du sens si son objet est de faire émerger une nouvelle catégorie d’élus, représentants réels du terrain lorsque celui-ci s’organise. Elle a du sens si elle porte un programme de rupture avec le modèle de la ville néolibérale. C’est le moment de parler de cela même dans le court instant d’un post de blog.
La ville n’a jamais été un espace organisé spontané et encore moins « neutre ». Les premières villes datent du quatrième millénaire avant l’ère actuelle. Les villes sont depuis le début le résultat d’une volonté politique et le lieu d’un imaginaire collectif. L’espace qu’elles contiennent est socialement découpé, organisé et hiérarchisé. Dans l’ère actuelle, la ville contient et distribue dans l’espace les réseaux dont dépendent la reproduction quotidienne de la vie de chacun. À l’ère néolibérale, l’accès aux réseaux collectifs est la question sociale de premier plan. Car la ville est le lieu où s’incarnent et s’exacerbent les mécanismes propres à ce modèle économique. C’est eux qu’il s’agit de briser. La spéculation foncière où la valeur d’échange de la propriété du logement se déconnecte de la valeur d’usage. Et cela dans des proportions qui en font une source d’hyper-accumulation sans cause et de ségrégation sociale. La propriété privée des réseaux de base comme l’eau, l’énergie, ou les transports. La confiscation du pouvoir des citoyens et son éloignement dans des structures lointaines et ségrégatives comme les métropoles, les agglomérations et autres organisme supra-communaux.
Pour ne pas être plus long disons enfin que la révolution citoyenne à laquelle nous travaillons pour le pays peut et doit se nourrir de l’élection municipale. La forme politique des listes a bien sûr de l’importance mais le plus important est la contribution de cette élection, du processus qui la prépare, au choc prévu en 2022 et d’ici là aux étapes de la lutte sociale et environnementale. L’ébullition sur les thèmes environnementaux sera aussi un moment constructif de cette nouvelle conscience collectiviste dont nous avons besoin pour enraciner le retour de notre famille idéologique et culturelle après l’effondrement de la gauche traditionnelle. Au total, les élections municipales sont locales dans leur forme mais généralistes dans leur contenu. Elles constituent une bonne occasion de construire des contenus et des prises de conscience. À conditions de ne pas confondre l’exercice politicien dont elles sont le prétexte si souvent avec la tâche que nous nous sommes fixés pour la société tout entière. Les municipales sont une brillante occasion de faire avancer l’idée de fédération populaire plutôt que la succession entre notables. Tout le reste sera oublié deux mois après.