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L’esprit européen en débandade chez ses dévôts

La semaine passée j’étais à Strasbourg à l’occasion de la session du Parlement européen. On avait concentré sur deux jours des moments militants comme la signature de mon livre « Et Ainsi de suite » à la librairie Kleber de la ville, une projection du film « Lawfare, le cas Mélenchon » et même une conférence sur « L’Ère du peuple » à l’Institut d’Etudes politiques. Mais il y avait aussi surtout plusieurs séquences d’échanges avec notre délégation parlementaire pour faire le point. Sur la table : les temps forts européens en cours mais aussi à propos de l’organisation de notre action insoumise. De tout cela j’ai tiré quelques coups d’œil sur l’actualité politique dans l’Union Européenne.

Je commence ici par la question du budget de l’Europe qui va être discuté la semaine prochaine entre les chefs d’État et de gouvernement. C’est une question que je suis de près et sur laquelle je me suis exprimé à la tribune de l’assemblée nationale chaque année lorsque passe la question du paiement de la contribution de la France.

Depuis plus d’un an, les négociations sont ouvertes au niveau européen à propos de l’adoption du prochain « cadre financier pluriannuel », pour les années 2021 à 2027. Il s’agit en fait du budget de l’Union européenne. Un montant d’environ 300 milliards d’euros par an. Il est principalement alimenté par les contributions des États. C’est d’ailleurs là un symptôme de l’échec de cette Union. Elle a été incapable de construire les outils fiscaux pour financer ses activités. En fait, elle a fait l’inverse : détruire ce qui existait. Ainsi la course folle vers le libre-échange a fait baisser les droits de douane aux frontières de l’Europe. En 1988, ils représentaient 30% des recettes du budget, et les contributions des États 10% seulement. Aujourd’hui, ils ne représentent plus que 14% des recettes et les contributions des États 66%.

Mais tous les États ne sont pas à égalité au moment de payer leur contribution au budget de l’Union. Le cas du « rabais britannique » est assez connu. Il avait été obtenu par Margaret Thatcher. Elle affirmait que l’Angleterre était trop pauvre pour payer autant que ce qui lui était demandé. Tous les autres États étaient donc censés payer ce rabais à sa place. Mais peu de gens savent que nous, Français, payons une partie de ce que l’Allemagne devait après répartition du rabais britannique sur tous les autres. Et pas seulement pour l’Allemagne. En effet, en 2002, plusieurs autres pays nordiques ont obtenus comme elle un « rabais sur le rabais ». Ce qui signifie qu’elle a été autorisée à ne plus payer sa part pour compenser le rabais britannique. Pourquoi ? Parce qu’elle l’a demandé. Et comme les Français n’ont rien trouvé à y redire, ils payent depuis pour les Allemands. Nous sommes donc le premier pays qui paye à la place des Anglais et à la place de ceux qui ont refusé de payer leur part pour les Anglais. Seulement voilà qu’arrive du neuf ! Le prochain budget de l’Union européenne sera exécuté après le Brexit. La logique voudrait donc que tout soit remis à plat, et que la charge soit répartie entre tous. Bref, que tous les rabais disparaissent.

Mais les Allemands ont décidé qu’ils ne voulaient pas payer ce qu’ils doivent dans la nouvelle situation. Avec la Suède, l’Autriche, le Danemark et les Pays-Bas, ils demandent dans une lettre envoyée à tous les autres gouvernements le maintien des réductions obtenues sur leurs contributions après le départ du Royaume-Uni. Pourquoi se gêner ? En tout cas, cette attitude douche définitivement les espoirs des naïfs qui pensent qu’on pourra un jour compter sur la bonne volonté de la droite allemande pour redistribuer ses excédents. Pour 2019, l’excédent budgétaire de ce pays va atteindre le chiffre colossal de 55 milliards d’euros. C’était même 60 milliards d’euros en 2018. Ces sommes accumulées ne sont pas une bonne nouvelle pour qui que ce soit. Pas même pour les Allemands car elles vont s’investir directement dans la sphère financière et pas dans les infrastructures ni dans l’investissement productif pour la transition écologique ou quoi que ce soit qui ait un faible retour de taux de profit. Ces monstrueux excédents sont en principe interdits dans l’Union. Mais l’Allemagne n’est bien sur jamais blamée ni appelée à un autre comportement. Ces dernières années, de nombreuses propositions, souvent minimales ont été faites au gouvernement allemand pour l’inciter à réinjecter dans l’économie réelle ses excédents. Peine perdue !

Donc, lors du Conseil européen des 12 et 13 décembre, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE vont discuter du prochain budget. Macron va-t-il enfin s’opposer à l’Allemagne et entrainer avec lui les États méditerranéens avec lesquels nos intérêts convergent ? Rien n’est moins sûr. Par le passé, il a à plusieurs reprises laissé humilier la France. Sur le glyphosate, c’est le vote de l’Allemagne qui a mis la France en minorité. Sur le budget de la zone euro, Merkel a manœuvré pour finalement enterrer cette idée du président français. Récemment encore, Macron a protesté bruyamment contre la nomination d’un Allemand à la tête de la Commission, pour finalement accepter celle d’une autre Allemande.

Le 12 décembre, la France doit dire non. Nous pouvons faire autre chose que de finir toujours par céder à la droite conservatrice allemande et ses obsessions libérales. Notre puissance nous permet d’avoir des revendications en Europe : l’arrêt du démantèlement des services publics, retrouver une pleine souveraineté budgétaire pour les États ou bien faire du protectionnisme solidaire. Sur la question du budget, nous en sommes les deuxièmes contributeurs nets. Nous avons augmenté de 15% notre contributions ces 15 dernières années. Sans nous, il n’y a pas de budget européen. C’est pour cela qu’à l’Assemblée nationale, les insoumis ont voté trois fois contre la contribution française. Nous sommes partisans de cesser ce paiement pour obliger a la re-discussion générale du financement de l’Union.

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