manifestation paris

Le fond de l’air est bon

Cette semaine aura été celle d’un bras de fer d’une exceptionnelle intensité entre le gouvernement et la société. La grève reconductible continue et s’étend à de nouveaux secteurs inhabituels. Une jonction entre classes moyennes et milieux populaires s’opère dans une revendication sociale commune. Les pratiques et rencontres interprofessionnelles se multiplient sur le terrain. Ce sont alors des mots et des pratiques partagés qui en résultent et font culture commune. La jeune classe salariée est celle des « 80% d’une classe d’âge au bac ». Ça s’entend ça se constate. C’est la génération qui se sait sans avenir professionnel dans ce modèle économique. Ce sont aussi bien des fois les premières générations clairement et irréversiblement déclassées par rapport à leurs parents. Les premiers qui ont une claire conscience des discriminations dont ils font souvent l’objet.

L’œil de l’expérience voit tout cela. Une nouvelle France est là, bigarrée socialement et métissée culturellement. Elle est faite des enfants de ce pays urbanisé que nous sommes devenus. Un pays où la répartition spatiale des populations ne distingue plus les métiers mais les motifs de relégation. Car le pays est devenu un patchwork de ghettos sociaux. Un « archipel » comme dit ce chaman sondeur. Et dans cette répartition, la masse est bannie des centres villes. Elle se trouve repoussé à distances de tous les réseaux collectifs qui permettent l’existence contemporaine. Elle a d’abord rugi en gilet jaune. Elle surgit en brassard syndical.

Le processus est celui qui s’observe dans le monde entier, partout où les révolutions citoyennes sont en cours et ne désarment pas. Comme au Chili, en Irak, en Algérie, passant sous les radars des médias de l’officialité qui dans tous les pays sont arcs-boutés dans la défense de « l’ordre » établi. Reconnaissons que désormais des brèches se sont ouvertes dans ce domaine aussi. Après des mois de dénis, d’insultes et mise en cause contre nous, les Insoumis qui protestions, certains médias font amende honorable et s’effraient même du niveau atteint par les violences policières. Beaucoup comprennent enfin que la situation ne peut se résumer à des « bavures », même à répétition. C’est un système de gestion de la société que cette machine à violences qui se déchaine chaque semaine sous la férule du préfet Lallement avec la couverture du ministre Castaner et sous la protection judiciaire de la ministre de l’Injustice Belloubet.

C’est pourquoi j’ai décidé de publier ici le texte intégral d’un édito du Monde qui devrait retentir dans les milieux sociaux qu’incarne cette « bourgeoisie faite journal » dont se moquait déjà Léon Trotski. Pas sûr que le patronat des entreprises « non financières », les secteurs de la classe moyenne supérieure drapée dans ses discours moralisants apprécie la sauvagerie d’État qu’elle voit se déployer. Quand Le Monde parle de violences policières en précisant qu’il faut le faire sans s’encombrer de guillemets, notre victoire morale et sémantique est totale. Que cela fasse méditer ceux qui m’ont tant de fois condamné sans appel pour un mot jugé alors inconvenant avec ou sans guillemet. Je reproduis donc sur ce blog un éditorial du Monde sur le sujet. Bien sûr, j’en critiquerai volontiers de nombreux aspects. Mais comme je suis moins sectaire que sa rédaction, moins aveuglé de haine que ses rubricards, je crois utile de vous signaler le doute moral et politique qui s’installe dans les milieux de la bonne société dont ce journal est le bulletin paroissial. Je vous invite à diffuser ce texte dans ces milieux où nos textes n’entrent jamais du fait de leur aveuglement de classe. La bonne conscience doit changer de camp.

De tout cela, je vais conclure par une anecdote. Diriez-vous qu’il y a beaucoup de curés en France ? Non. Pourtant j’en ai rencontré deux en manif cette semaine qui sont venus me saluer avec humour et fraternité. Et je les ai bien remerciés pour leur présence. Eux aussi ne supportent plus l’obscène égoïsme de la société que ce régime installe en France.

La France s’ébroue. Au-delà du moment, c’est une nouvelle conscience politique collective, un nouveau peuple politique qui émergent de cette lutte. Ce sont évidemment les médias qui prennent le plus cher dans la mentalité collective. Comme les porte-paroles d’En Marche sont mauvais, incultes, ignorant de tout à propos de la Sécurité sociale et des acquis sociaux du fait de leur milieux, ce sont les plateaux d’experts et de journalistes qui font le sale boulot de propagande. Il faut se rendre compte du niveau d’effondrement de la machine politique LREM dans cette bataille. Chacun a en mémoire une stupidité proférée à la télé par l’un ou l’autre des rares qui acceptent d’aller sur les plateaux. Le ridicule qui les accable ne les lâche plus. À la base c’est pire. Un exemple. À Toulouse, l’eurodéputé insoumis Manuel Bompard propose un débat sur la réforme aux députés LREM. France Bleu pense que c’est une bonne idée utile pour les auditeurs qui se questionnent. Résultat ? Aucun LREM n’accepte. Seul Bompard sera sur le plateau… Obligeant les journalistes à jouer seuls le nécessaire rôle de l’avocat du diable.

Hors de cet exemple local, disons que les médias inspirent désormais une méfiance très bien ancrée. Et c’est vital pour nous. Une fois que cet émetteur est neutralisé, nous n’avons plus rien en face de nous. C’est bien la raison pour laquelle a commencé pour nous froidement et méthodiquement il y a désormais plus de dix ans une lutte idéologique sans faiblesse. François Delapierre et moi, nous demandions d’identifier comme un « parti médiatique » répétant des slogans, des éléments de langage et des campagnes de diabolisation. Le « Parti médiatique » selon l’expression d’Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, les théoriciens du populisme a évidemment mené sa propre bataille de dénigrement contre les insoumis et leur porte-parole mais aussi contre tout ce qui bouge dans le pays contre le libéralisme. Il s’est arc-bouté pour introduire sans cesse des débats venimeux et sans issue. On ne doit pas sous-estimer le mal qu’ils ont fait dans ce domaine, ni les digues qu’ils ont rompues sciemment ! Qui peut oublier les accusations la semaine dernières contre les « islamo-syndicalistes », les accusations de « terrorisme » contre les grévistes. Sans oublier naturellement le sketch sans fin de l’accusation d’antisémitisme à tout propos, balayant tout et n’importe qui. Rien de tout ça n’est devenu possible sans que les médias aient auparavant banalisé le pire vocabulaire sur la scène publique.

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