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Après le préfet de «l’autre camp», le recteur en bottes cloutées

La crise d’autoritarisme du régime s’approfondit. Elle ruisselle du haut vers le bas sur toute les hiérarchies directement liées au pouvoir dans la variété des fonctionnaires d’autorité nommés en conseil des ministres jusqu’aux hiérarchies intermédiaires. Dans l’éducation nationale, des recteurs aux proviseurs on entend claquer les talons. Une vague d’autoritarisme inconnue balaie l’Éducation nationale.

Il faut dire que la base du secteur est rentré en soulèvement contre le Macronisme. La réforme des retraites cruelle pour les enseignants et le saccage du baccalauréat par Blanquer ou fait déborder un vase rempli depuis des années par les conditions de travail dégradées par les coupes budgétaires. Du coup, ça bouge. Les journées de grèves contre la réforme des retraites ont enregistré des taux de grévistes historiques pour l’Éducation nationale. Et lundi dernier, 40% des lycées étaient mobilisés contre les épreuves de contrôle continu du bac.

Hier dans «  Le Monde », une poignée de proviseurs de lycées publiait une tribune pour défendre la « liberté d’enseignement ». C’est-à-dire, en novlangue macronienne, la liberté pour les profs de subir en se taisant. Ils justifient explicitement le « recours aux forces de l’ordre » comme manière de mater la révolte dans les lycées. Ce genre de comportement est heureusement minoritaire dans l’Éducation nationale. L’écrasante majorité des proviseurs ont à cœur que leur établissement reste un sanctuaire pour le savoir et non un endroit où l’on peut faire intervenir la troupe, surtout dans le contexte actuel de violences policières où le risque d’éborgnement ou de mutilation serait particulièrement catastrophique.

On pourrait dire la même chose des recteurs. La plupart d’entre eux sont dévoués à leur mission de service public, non à la défense politisée d’un pouvoir en particulier. Mais d’autres, se sentant pousser des ailes et en quelques sorte autorisés par le comportement des ministres ou par le modèle choyé du du préfet de police de Paris, dépassent gravement la limite. Le recteur de l’académie de Aix-Marseille, M. Bernard Beignier a adressé une lettre la semaine dernière à tous les professeurs sous son autorité. J’en ai lu une partie lors de mes vœux de lutte à Marseille. Dans cette lettre, il qualifie le fait de faire grève de « faute professionnelle avec toutes les conséquences disciplinaires qui en découlent ». Il menace même les enseignants insoumis de sanctions pénales. Enfin, il lance un appel général à la surveillance et à la délation vis-à-vis des fonctionnaires qui seraient rentrés dans « une logique de rébellion ».

Ces méthodes pour faire taire les professeurs était déjà apparue plus tôt cet année. Dans sa loi sur l’école, Jean-Michel Blanquer avait intégré un « devoir de réserve » au nom duquel les professeurs seraient interdit d’exprimer publiquement des critiques sur l’éducation nationale. Cette disposition avait servi d’élément déclencheur au mouvement des « stylos rouges ». Depuis, la mobilisation dans l’Éducation nationale s’est élargie. La riposte du régime, elle, s’est radicalisée. Rien ne vaut mieux que la publication in extenso de cette lettre rectorale pour montrer a mes lecteurs ce que veut dire l’autoritarisme en botte a crampon que le macronisme a déchainé dans le pays.

Mesdames et Messieurs les chefs d’établissements de lycées,

Il est superflu de vous décrire l’ambiance qui règne dans plusieurs de vos établissements, au sujet des E3C.

Comme je sais que vous y œuvrez, il est essentiel de maintenir le dialogue avec les personnels de vos établissements

Néanmoins, lors de vos échanges avec les professeurs, quelques rappels simples doivent être faits.

En premier, les enseignants, de par leur statut, doivent participer à l’intégralité du déroulement des E3C : choix des sujets, surveillance, correction…

Un refus est, au minimum, un acte de grève. Il faut, si besoin, le rappeler et dire que le calcul des jours de grève ne peut que se faire selon les prescriptions du Code de l’Education. Il n’est pas plusieurs manières légales de le faire.

Mais un refus peut aussi engendrer une faute professionnelle avec toutes les conséquences disciplinaires qui en découlent. Cela touche spécialement le refus de correction, ainsi que la falsification des notes.

La manipulation des élèves (tracts, classes transformées en réunions syndicales…) est une faute caractérisée et une violation de la déontologie de l’enseignant.

Je ne veux envisager, que par pure hypothèse, des actes comme la participation (ou l’incitation) au blocage ou à l’invasion d’un établissement. Dans de tels cas, l’on quitterait le Code de l’Education pour le Code pénal.

Compte-tenu du contexte, je vous demande, dans les jours prochains, à titre préventif, de rappeler, avec pédagogie mais si besoin avec fermeté (laquelle est le sel de toute vraie pédagogie), ces principes dont certains semblent ignorés de divers enseignants entrés dans une logique de rébellion qui est la négation complète du statut de fonctionnaire. Soyez attentifs aux plus jeunes, moins expérimentés et qui peuvent, eux-aussi, être manipulés par d’autres plus âgés et qui, avec l’âge peuvent perdre et la sagesse et le courage. Qu’ils ne se mettent pas dans des situations inextricables.

Je vous demande également de nous informer (le directeur de cabinet) de tous les indices laissant présager, dans votre établissement, des tentatives de sabotage des examens. Mieux vaut une alerte vaine qu’une trop tardive.

Dans tous les cas, le jour des contrôles, vous serez d’une particulière vigilance, tôt le matin.

J’espère vivement que la raison l’emportera. Vous savez combien je suis attentif au dialogue social. Je recevrai, comme je le fais toujours, les audiences qui me seront réclamées. Je passerai le temps nécessaire à écouter une profession, dont je fais partie, et qui vit des tensions et des angoisses. Ma mission est là.

Je sais aussi compter sur votre lucidité et votre détermination. Je mesure la charge qui est la vôtre, la fatigue et même la lassitude d’être remis en cause dans votre action républicaine par ceux qui sont, d’abord, votre « équipe pédagogique ». Si la certitude de vous sentir épaulés, soutenus et relayés par votre hiérarchie peut être source de courage : je forme ce voeu.

Enfin vous savez, d’ores et déjà, que les IA-IPR, derrière leur doyen qui me tient au courant chaque jour de la situation, sont là pour vous seconder dans le choix des sujets comme ils le seront dans l’harmonisation des notes.

Soyez assurés, Mesdames et Messieurs les Proviseurs, de mes sentiments dévoués et très cordiaux,

Bernard Beignier

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