Je publie ce post en retard. C’est que je ne parviens pas à tout faire en même temps. La priorité ces temps-ci n’est pas à mon clavier. Elle est à la bataille parlementaire sur le texte de réforme des retraites.
Mais les clameurs du monde me parviennent. Et je ne manque pas de savourer celles qui me réjouissent. La nouvelle de la victoire de Sanders dans la primaire démocrate de l’IOWA par exemple. Elle est arrivée après des heures de confusion entretenue par les bidouilleurs de l’appareil des bureaucrates milliardaires du Parti démocrate. L’officialité médiatique française y a apporté une contribution zélée. Elle est malade de déception. Le naufrage des sondeurs et des éditorialistes qui avaient voulu invisibiliser Sanders est consommé, une fois de plus. Aux USA, les entreprises qui vendent leurs « enquêtes d’opinion » ne sont pas gorgées à l’argent public comme en France avec les marchés ad hoc du Premier ministre. Donc ils revoient leurs échantillons et recalibrent leurs outils. Un autre jour, je passerai en revue les exploits récents dans la dernière période de quelques-uns des artistes de la sondologie en France. Peu importe à vrai dire. Le fil des évènements n’est pas là, pour l’instant. Les machines à bourrer le crâne patinent en ce moment.
Quand je vois dans le même temps la victoire du Sinn Fein en Irlande, je sais que la grande roue de l’histoire est de nouveau en mouvement. Le Sinn Fein est membre de notre groupe au Parlement européen. C’est une formation nationaliste de gauche. Par maints aspects de centre gauche. Par d’autres très à gauche. Mais dans tous les cas sa victoire replante dans le milieu du tableau la question de l’indépendance de l’Irlande, merveilleusement reformulée par l’onde de choc du Brexit et du retour de la frontière entre nord et sud de l’Irlande. Une question qui va bientôt ressurgir encore en Écosse où nos autres amis du Parti national écossais font merveille. À ce rythme, l’Union Européenne aura réussi à pulvériser le Royaume-Uni en moins d’un demi-siècle. Sous peu, d’autres constructions politiques seront appelées pour répondre au chaos que l’Union aura créé. Notre heure se rapproche.
J’avoue que ma tête est absorbée ailleurs. J’écris ces lignes à vitesse forcée car on m’attend à l’Assemblée nationale. Nous sommes tous mobilisés jour et nuit, à tour de rôle autour de nos deux membres officiels de la « commission spéciale » sur la réforme des retraites : Clémentine Autain et Adrien Quatennens. Les autres députés ont le droit d’être présents et de parler mais pas de voter. On tient donc la tranchée à 17, à tour de rôle. Avec 19 000 amendements. Très subtil, un député LREM a qualifié cette pratique de « zadisme législatif ». J’ai répondu : « OK. Accepté. Les retraites sont une zone à défendre et on espère que la réforme finira comme l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. D’ailleurs on peut organiser un référendum. »
Très vite, la riposte des LREM a manqué de souffle et d’imagination. « Ce que fait la France Insoumise c’est un hold-up démocratique » pleurniche le ministre de l’agriculture Didier Guillaume. Si c’est démocratique de quoi se plaint-on ? En fait il voulait dire que c’est un hold-up de la démocratie. Nous aurions empêché de débattre du fond, comme dit aussi le ministre en charge des Relations avec le Parlement. Avant d’ajouter, les yeux mi-clos et l’air profond : « je le déplore car je préfère le débat de fond ».
Ils sont ridicules. Ni l’un ni l’autre n’ont la moindre idée de ce qui se passe dans cette « Commission spéciale » qui examine les lois sur la réforme des retraites. La tactique que nous avons adoptée est fondée sur notre analyse de la situation. Nous savons depuis le début que la discussion de deux lois, article par article (il y en a 65) ne pouvait pas tenir dans le temps contraint fixé par la majorité LREM, même avec un nombre moyennement élevé d’amendements par groupe d’opposition. De plus, l’organisation des textes de loi nous privait de toute logique d’exposition de nos arguments puisque nombre des premiers articles de la loi font référence à des contenus plus éloignés dans le texte. Nous avons donc choisi de dupliquer 17 fois chacun de nos amendements. Chacun d’entre nous dispose ainsi d’un temps de parole quand c’est son tour de garde. Ceux qui ne sont pas dans le tableau de la noria par demie journée peuvent être réquisitionnés au besoin et avoir aussitôt un poste de combat actif. Et nous avons donc pu entamer la discussion de fond sur chaque point à nos yeux essentiels : crédibilité du système proposé, capitalisation, pénibilité etc. Et tous sont passés en début de discussion.
Cette façon de travailler nous a permis de lever de nombreux lièvres. Dans nombre de cas les députés LREM et même le rapporteur découvraient les problèmes en même temps que nous les mettions sur la table. Ici j’évoquerai celui que j’ai levé moi-même : le fait que la valeur du point serait calculée d’après un indicateur – « le revenu moyen par tête » – qui n’existe pas. Du moins pas encore. Et non sur les seuls salaires contrairement aux dires précédents du gouvernement.
Notre tactique est victorieuse : la majorité LREM n’a pu examiner les deux textes de loi et sera obligée de les présenter en pleinière dans leur forme originelle. C’est-à-dire sans leurs propres rares amendements. Quant à nous, nous avons pu détailler la totalité de nos critiques et arguments. Dès lors, le sens politique du texte n’a jamais été méprisé par notre tactique, au contraire. C’est pourquoi vu de l’extérieur, les porte-paroles LREM voudraient faire croire à un débat bloqué ou de pure répétition des arguments. Il n’en est rien et cela se sait parmi ceux qui suivent le débat. De la sorte ces porte-paroles passent pour des menteurs ou gens de mauvaise foi. Il est bien possible qu’ils le soient. Mais la vérité à mon avis est qu’ils ne savent pas ce qui se passe.
À l’évidence il n’y a plus de pilote dans le poste de commandement. Les éléments de langage tournent à vide. Personne parmi les tireurs de ficelle n’a la patience de supporter des heures de suivi de la discussion pour la nourrir sur les réseaux. Notre situation est à l’inverse. Malgré la division par deux de notre temps de parole réduit à une minute par amendement chacun a fait l’effort de développer sa thèse au fil des interventions. Pour nous, c’est carton plein. Les dizaines de vidéos réalisées à partir de nos interventions, leur audience et les commentaires qu’elles suscitent sur les réseaux sociaux en attestent.
Par contre dans la « Commission spéciale », la vie est intenable pour les élus de la majorité LREM et consort. Pourquoi ? Parce qu’ils ont la consigne de se taire pour ne pas nous aider à ralentir le passage de la loi. Donc ils se taisent en bouillonnant car beaucoup auraient évidemment beaucoup à dire. De temps en temps, certains s’inscrivent et entrent dans le débat et se font vite discrètement rappeler à la consigne. C’est absurde car cela fait plusieurs jours qu’ils savent que les deux textes ne pourront pas être examinés dans le délai prévu initialement. Ils auraient donc gagné à nous répliquer tout du long pour faire valoir leurs arguments.
Mais cela ne compte plus si l’on en croit le titre du « Parisien ». Des mois après tout le monde, le brillant quotidien des salades découvre que « Macron a mis le cap à droite ». La vérité est qu’on en n’est plus là. Le « cabinet noir », comme l’a nommé cette députée LREM démissionnaire sans susciter aucun commentaire, sait qu’il est en train de perdre les classes moyennes. Il lui faut donc retrouver une « transversale » fédératrice. À vrai dire il s’agirait plutôt d’une « martingale » de rechange à la formule initiale « le chef est jeune, beau, et si moderne pour mener la start-up France ». La toute petite caste qui a d’abord adhéré à ce tableau est dans les choux. La majorité des « castors qui font barrage » et des gogos qui l’ont cru découvrent avec dégoût les exploits de la milice gouvernementale tabassant à pleine matraque, LBD et grenade tout ce qui bouge jusque dans les salles de classes des lycées. Mince alors, ce sont leurs gosses ! Et leurs retraites siphonnées ! Et leurs hôpitaux bloqués par les grands spécialistes eux-mêmes. Les castors sont piteux. Comme l’a dit l’un d’entre eux et non le moins illustre : « qu’a-t-il fait que Le Pen n’aurait pas fait ? »
La suite va être à vomir. Immigration, sécurité, etc. sont les prochains plats que la macronie s’apprête à nous servir selon « Le Parisien ». Ils espèrent que les castors aient l’estomac solide. Que rien ne les écœure. Et pas non plus cette dégoûtante manipulation divisant le pays et le sabordant plutôt que de renoncer à une quelconque prise d’avantage pour les financiers qui les ont commandités. Pour autant de toute part monte le même bruit : le Macronisme, c’est fini. La suite du feuilleton néo-libéral va se jouer ailleurs avec d’autres avatars. Les grands commanditaires biglent du côté de l’écologie de marché. On les voit venir. En tous cas ce type est devenu trop dangereux pour tout le monde et d’abord pour les très importants qui n’aiment pas le désordre permanent dans lequel vit le pays depuis plus d’un an et demi. S’il cédait par un retrait ou par un référendum il va de soi que tout serait plus simple et moins douloureux pour le pays et la paix civile. Mais de lui, on ne doit rien attendre qui soit du bon sens commun. Voyez son regard tandis qu’il brandit ce T-shirt à Angoulême où il se moque des yeux crevés par sa police… Il n’est plus là. C’est le danger du moment : il n’est plus là parfois. Souvent.
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