Drôle de lundi. Le démarrage dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale de la bataille parlementaire sur la réforme des retraites s’est engagé de manière curieuse. D’abord, pas moyen d’avoir les signatures des socialistes pour pouvoir déposer la motion de censure. D’un autre côté les communistes avaient obtenu les motions référendaire et de rejet. On était convenu de partager. Bref, rien ne se passe comme prévu pour nous. Je ne m’attarde pas à dire ce que j’en pense.
On a donc changé notre dispositif de prise de parole. C’est notre avantage : on réagit vite et on est capable de tout changer. Nouveau schéma. Les députés pivots, de permanence dans la bataille, ont été désigné pour la discussion générale : Autain, Quatennens, Panot. Ils sont chargés du cadre argumentaire. Coquerel, Ruffin et moi on prend les trois pauvres deux minutes d’explication de vote sur les trois motions qui passent en début de séance. Notre tâche : être dans le contexte, crépiter, donner le ton comme un appel au combat. Le plan a fonctionné. À nous six, on a bien tenu le rôle : trois escarmouches nourries et trois pilonnages de fond. On se donne le point en terme de présence oratoire. Mais ce n’est pas l’essentiel.
Ce jour-là, un évènement immense est passé à portée de main. Car le plus marquant de cette journée, ce furent les votes de la première séance. En effet, trois débats préalables étaient organisés avant le début de la discussion proprement dite sur le projet de loi. Deux motions dites « de rejet préalable » étaient présentées l’une par le groupe de la droite « Les Républicains » et l’autre par les députés communistes. Avant la lecture d’un texte proposé par le gouvernement, les parlementaires de l’opposition peuvent présenter de telles motions. Leur attribution est tirée au sort. La motion de rejet préalable permet de proposer de repousser un texte avant même son examen article par article en raison d’un risque important d’inconstitutionnalité. C’est largement le cas ici, aux dires mêmes du Conseil d’État. Et parce que la commission spéciale n’est pas allée au bout de son travail.
Généralement, de telles motions de rejet sont repoussées facilement par le groupe majoritaire. Mais cette fois, c’était différent. Les oppositions auraient pu être majoritaires. En effet, si la droite avait mobilisé ses députés pour voter sa propre motion de rejet du texte, celle-ci aurait été adoptée et la réforme était enterrée. En effet, les communistes comme les Insoumis ont voté cette motion. Ils ont apporté de cette façon 31 voix. Incroyable: c’est plus que le total des voix apportée par les députés LR ! En effet, lamentablement seuls 22 députés de droite ont voté pour leur propre motion contre le projet de loi retraites. Compte tenu de la démobilisation des macronistes, avec seulement 50 de plus, moins de la moitié du groupe LR qui compte 104 députés, le projet de loi macroniste était rejeté !
Car à ce moment-là, les députés marcheurs n’étaient que 141 présents sur 300. Cela signifie qu’il y avait 50% d’absentéisme dans la majorité macroniste le jour du démarrage de la réforme la plus importante du quinquennat ! Les commentateurs n’ont pas relevé. Ce n’est pas la première fois dans la période récente. La semaine précédente, ils s’étaient fait mettre en minorité à quatre reprises lors des votes sur les propositions de loi du groupe « Liberté et Territoire ». Cette fois encore, ils étaient minoritaires.
Soyons bref : les députés LR ont sauvé le gouvernement Macron. Imaginons le tableau s’ils étaient venus en nombre : nous aurions donc rejeté le texte des retraites. On peut dire que la face du quinquennat était changée. Et la bataille des retraites gagnée ! LR a sauvé Macron. LR a sauvé la réforme à laquelle ce parti dit pourtant qu’il s’oppose !